L'alcool des femmes

Jean Claude Blanc

pas du Molière se saoulent aussi les dames, contraire des mecs mauvais effet!

                              L'alcool des femmes

L'alcool des femmes, pas du Molière

Seulement de la petite bière

Ça modifie leur caractère

La mienne, git sur une civière

L'ai ramassée à la cuillère

 

Je vais vous conter ma dernière

Elle sirotait à l'ordinaire

Mais dans mon dos, la voyais guère

C'est en cachette, qu'elle levait le verre

 

Elle se torchait à tous les vins

Planquait ses litres sous les coussins

Dans les placards, dans tous les coins

Pas folle la guêpe, présentait bien

 

J'aurais pourtant pu m'en douter

Sortait le soir, téléphoner

A l'heure où les poules sont couchées

Dans sa bagnole, elle picolait

 

Elle revenait toute excitée

Geignant, criant, « je veux crever »

Dans la salle d'eau, en remettait

Une rasade, pour roupiller

Bien sûr, m'aimais à corps perdu

Rien de le dire, jamais déçu

Mal m'en a pris, vraiment tordue

Par le pinard, m'a fait cocu

 

Toute la nuit même sérénade

Je t'aime, t'adore, simple façade

Superlatifs à l'appui

Le devinais, en avait mis

 

Jour après jour, le ton montait

La dépendance, la tenait

Besoin de boire, à tous prix

Même s'en mettait durant la nuit

 

Moi, gros nigaud, me lamentais

Pour ma donzelle mortifiée

Elle évoquait son dur passé

Femme esseulée et divorcée

Par le suicide, était tentée

 

Lui fallait bien trouver la cause

De ses raisons, d'être morose

En se cuitant dose après dose

Pour elle, la vie n'était pas rose

Elle m'a trompé, sur le produit

Ne tournait pas au jus de fruits

N'en pouvant plus, de son déni

Un soir d'hiver, ça la pris

Elle s'est enfuie, mais à grands cris

 

L'ai attendu pendant des heures

Ça me tapait sur le système

Coup de fil soudain, quel malheur

Toute en furie, madame sans gêne

S'était noircie, à la liqueur

 

Mais où s'était-elle fourrée

Tellement bourrée, ne le savait

L'auto plongée, dans le fossé

A l'improviste, on l'a trouvée

 

Avec mon pote, de par ici

On a refait tout le circuit

Et son manège, on l'a compris

Vautrée, grisée, et sous la pluie

Elle gémissait, comme évanouie

 

On a lancé, le SOS

Feu les pompiers, femme en détresse

Connaissant rien, question ivresse

Fallut que la SAMU, se presse

 

A l'examen, dit, médical

Pas trop en forme, l'animal

Le pouls, le cœur, tout bien normal

Sauf qu'à l'odeur, pas un régale

Etait pintée, c'était fatal

 

Vite embarquée, de gré, de force

Se débattait encore féroce

Prise sur le vif, définitif

J'en voulais plus, suis pas naïf

 

De là, notre séparation

Mais à mon tour, l'inspection

J'ai découvert, tas de litrons

Capsules ouvertes, tire-bouchon

 

Rongé de remord, passé mes jours

A encaissé, ce désamour

Je la connais, en ai fait le tour

L'alcool, c'est éternel retour

Semblant drogue douce, sans amertume

Juste une goutte, comme de coutume

A dégueuler, ultime recours

Mais l'humaniste en moi, plaidait

Pour la sauver, la faire soigner

Mais le médecin m'a tout avoué

« Ça dure depuis des années

Crises éthyliques, vont empirer

Refuse tout, c'est terminé

Faut plus la voir, l'oublier

Car avec elle, allez couler »

 

J'en suis resté, tout étourdi

Encore une fois, me sens coupable

Son avenir est compromis

Que puis-je faire, pas la morale

 

Suis pas son psy, ni son génie

Un camarade, dit, formidable

Ou fornicable, bon ami

Mais je galèje, en homme à fable

 

Dans son état, c'est pas certain

Qu'elle puisse se rendre au turbin

Va se réveiller, un beau matin

Saucissonnée, chez les pas fins

 

C'est moindre mal, si elle s'en sort

Trop orgueilleuse, rayonne encore

Pour se recaser, faudra attendre

Faire une cure, pas des plus tendres

Je ne lui souhaite, pas la mort

Plus avec moi, suis pas à vendre

                                                                                         

Histoire d'AS, réitérée

Une demoiselle, bien propre sur elle

Par la bibine, s'est fait choper

Péché véniel, n'est pas mortel

Encore faut-il s'en confesser

 

L'alcool tue, même les dames

Et n'en déplaise, à leur chère âme

Promise cuitée, pas mon modèle

Dégoise, dégueule, n'est que fidèle

A ses beuveries, sa dive bouteille

 

L'alcool tue et ensorcelle

Amour sensuel, instincts sexuels

Son truc à elle, c'est de sucer

Même au goulot, c'est tout pareil

Se satisfaire de téter

Belle tourterelle se coupe les ailes

Manque de style, manque de zèle

 

L'ivrognerie, mène droit au ciel

Mais c'est l'enfer, au naturel

Se suffit plus, monts et merveilles

Zeste de gnole, sucré de miel

« Le Paradis Artificiel »

 

C'est à prévoir, dur le réveil

Toute déglinguée, comme une vieille

Qui va fouiller dans les poubelles

Pour dénicher, son plein de rêves

 

Pas très brillante, ma conclusion

Mais à l'image des pochtrons

Plutôt pochtronne, à l'occasion

Celle qui litrone, à l'unisson

 

Je dois émettre quelques réserves

L'orgueil des femmes, est en alerte

Pour elles aussi, l'alcool conserve

Leur dignité est en exergue

 

« Ca se fait pas », jolie morale

Au féminin, « c'est pas normal »

La tête dans le seau, pas du pastis

La femme s'enferme dans son supplice

 

Quand l'homme boit, c'est qu'il est gai

On arrose tout, à coups dans le nez

« Ca fait du bien, pour où ça passe »

Tous ces slogans, nous voilent la face

L'alcool des femmes, c'est dégueulasse

 

J'en ai fini, de mon cas soc.

Faut dire j'étais pas à la noce

Qu'est devenue, mignonne pochtronne

Ne le sais pas, peut-être cochonne

 

L'alcool, toujours, est le plus fort

Il se vend bien, et pour pas cher

Mais enrichit les cimetières

Les abstinents, ont toujours tort

 

La belle fille, pas à la diète

A pris la poudre d'escampette

Un autre benêt, elle va saouler

Son estomac pas rassasié

 

L'école des fans, l'école des femmes

C'est du théâtre à domicile

L'alcool des femmes, c'est pas un drame

En la demeure, y'a pas péril                 JC Blanc   décembre 2014  (clin d'œil à Molière)

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