L'âme de plume

Soda Pop

Celui qui écrit jouit de cet inégalable pouvoir, qu'il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes vagabondes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans la personnalité de chacun. Pour lui seul, tout est abandonné; et si certaines citadelles paraissent lui être fermées, c'est qu'à ces yeux elles ne valent pas la peine d'être visitées.

L'homme de plume et pensif, tire une insolite délectation de cette universelle harmonie. Et donc celui-là qui s'associe facilement aux âmes de la populace connaît des jouissances ardentes, dont seront éternellement frustré l'égoïste, fermé comme une huître, et le nonchalant, interné comme un mollusque dans sa coquille. Il embrasse comme sienne toutes les professions, toutes les joies et toutes les misères que le hasard de la vie lui présente.

Ce que les hommes nomment Amour est bien insignifiant, bien minimisé, comparée à cette indicible orgie, à cette dépravation de l'âme qui se donne toute entière à l'inattendu qui se présente, à l'anonyme qui passe.   

 Il serait bon d'expliquer quelques fois aux bienheureux de ce monde, l'histoire d'affaiblir leur orgueil, qu'il est des bonheurs bien supérieurs au leur, plus vastes et plus précieux. Les missionnaires du bout du monde, les pasteurs de peuples et autres religieux les plus dévoués, connaissent sans doute quelque chose de ces mystérieuses ivresses, et doivent rire quelquefois de ceux qui les plaignent pour leur misérable fortune et pour leur vie si chaste.

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