l'angoisse humaine

Ciré Ndjim

Puisqu'on désespère, on ne sait pas à quoi s'accrocher, à quoi se fier. Se retrouver dans un état d'angoisse ne nous fait rien entreprendre de grand, de noble, de louable. C'est un peu se négliger et prendre chaque acte à la légère. C'est de la faiblesse sublimée parce qu'on l'a cultivée. ça peut perdurer pour ainsi intégrer notre notre nature seconde. Dans la pensée profonde et furtive, on a l'impression forte d'exister autour du vide. Ce vide, c'est notre angoisse, notre peur, notre mal-être. On a peur de faire un faux-pas. Désespérer, c'est une façon de s'avouer et d'avouer au monde entier que l'on a peur, que l'on n'est pas à même de se dépasser. C'est une forme de négation de ses propres potentiels. C'est une manière pour nous de nous confronter à nous-mêmes, de nous ériger en un démon invincible. C'est un moyen pour nous d'avoir une multitude de choix et ne pas savoir quoi choisir, ne pas savoir quel est le chemin le plus proche de notre but. On a jamais envie de faire quelque chose qui plait tant aux autres. On est différent des autres; on est un être à part. On est jamais sûr de ce qu'on aimerait faire dans le moment présent. On sombre dans la paresse. Ainsi plus on est exposé à l'angoisse, au désespoir, plus on devient paresseux. Plus on devient paresseux, plus on ne sait pas quoi faire. Et quand on ne sait pas quoi faire, on peut être sûr de ne devenir rien du tout dans sa vie. Et quand on sait qu'on n'a pas un devenir certain, quand on sait que notre vie n'est suspendue à rien de précieux, de fort, de passionnant, de plaisant, d'ambitieux, alors on ne fait que rêver pour passer tout son temps à désespérer. Mais désespérer ce n'est pas se faire du mal à soi-même. Il est vrai qu'on en est le responsable et que cela peut nous couter du temps. On ne se fait pas du mal, on fait du mal aux autres, au monde entier, surtout à ses proches, sa mère. C'est pourquoi, je dois avouer que c'est un état pitoyable, même si cela signifie qu'on a conscience de ce à quoi on peut tôt ou tard faire face.

Si je suis un être sensible, dés que je commence à angoisser, alors forcément j'en souffre. Par la suite, je ferai ou pourrai faire du mal à quelqu'un qui me prête attention. Ma mère, je lui ferai du mal, mon frère, ma sœur, un confident en somme. Ils sauront que l'état dans lequel je me trouve est dénué de force, de capacité. Même si pour moi c'est un sacerdoce, pour eux ce ne serait qu'une condition de misère, de lâcheté, de faiblesse, d'absence de conviction. En partie, pour eux je ne serai en mesure de ne rien apporter à la gente humaine que des ennuis, des soucis sans importance. Penser ça de moi, m'imaginer comme un rat qui agonise, sans certitude de revenir à la vie comme tous ceux qu'on voit gagner à la loterie, ce ne serait pas réconfortant. Cela ne ferait que m'affaiblir. Tout le monde pourrait penser ça de moi et ce n'est pas du tout agréable à ressentir au fond de soi. J'aime bien qu'on croit en moi. Nous comptons tous au moins sur quelqu'un, quelqu'un de très proche, qui croit en nous, qui a foi en notre potentiel psychique et physique. Pourquoi quelqu'un ne nous croirait pas capable d'anéantir le monde, d'écraser l'humanité comme un insecte qui ne se rétablira jamais de sa blessure? C'est accomplissable. Un seul homme pourrait soulever un empire si le peuple le soutient. Si on croit en moi, je pourrai être à même d'offrir aux hommes, à l'humanité, à ma mère, quelque chose de précieux, de mémorable, d'inoubliable, de symbolique comme la force, la vertu, la dignité.

Pendant que je déguste solennellement mon thé dans un bar , je suis entrain de me demander comment faire pour arriver au bout de mes rêves. Ce n'est pas du tout aisé d'en savoir plus de bout à bout. On a toujours des doutes. On ne peut s'empêcher d'avoir des doutes. En tout cas moi pas. C'est inhérent à ma nature. J'en ai besoin. Ou bien, à un moment de la spéculation, on réalise qu'on est entrain de rêver et que les armes fatales qu'il nous faut ne sont pas là où on est présentement. C'est une bonne chose de s'imaginer dans une autre vie, en entendant une voix douce qui vous parle et qui vous indique maladroitement quel chemin suivre. Maladroitement? Oui parce que vous rêver. En ce moment, au fond de nos délires, on se croit habile. Cette habilité inconsciente veut dire par là que nous sommes dans une certaine mesure malhabile dans le monde des phénomènes physiques réels. Le malheur, c'est quand on s'oublie dans ses chimères et que cela devienne une habitude, et que l'on croit cela une bonne chose. Parce que c'est un instant tellement fantastique, plaisant, sublime, exquis. C'est comme une séance de massage qu'on se donne infiniment le temps de faire. Ce n'est pas qu'on ne veut plus demeurer dans cet état de luxe et d'oisiveté, c'est qu'on peine à s'en détacher. C'est le moment convenable pour désespérer. Quand on cogite là-dessus, quand on y pense, ça veut dire qu'on est éveillé à moitié. Quand on se réveille et qu'on se met debout, ça veut dire que c'est à demi bien parti.

Le ciel s'est recouvert de sa toile sombre et de ses milles yeux qui brillent il y a deux heures. Il est dix dix neuf heures à ma montre. Comme de routine, l'hiver ne peut pas supporter longtemps la lumière d'après-midi, en fin de journée. J'ai déjà mangé parce que j'avais trop faim. Ce qui est rare, moi manger à heure pareille. C'est parce que le week-end je suis un couche-tard. J'ai donc mangé à cette heure-la considérant que je mangeais en milieu d'après-midi. Après ça, je suis sorti me promener un tantinet. J'ai fumé pendant que je contemplais le ciel, le peu d'individus que j'ai croisés, les arbres qui ont perdu par fatalité leurs feuilles qui en ont marre de sentir l'hiver en février. Le moment de me sentir bien, j'ai médité un peu en pensant à mon adolescence, une adolescence sans engagement jusque-là. J'ai soudainement pensé, compris que l'avantage de l'adolescence, c'est qu'elle est le début d'une étape de révolution, le début d'une incarnation d'une autre personnalité, d'une seconde nature. C'est un début de construction d'une nouvelle identité. Mais sans oublier bien sûr que c'est aussi le commencement de vilaines affaires. La vilaine affaire qui se présente à moi, qui me taraude depuis quelques temps, c'est l'envie de partir, de fuir la monotonie des jours et des nuits, monotonie dans laquelle on s'ennuyait de temps à autre. Je n'aime pas vivre les mêmes expérience. La routine, ce n'est pas mon truc. Je suis trop jeune pour rester cloué à mes vieilles habitudes sans ne sentir aucun mouvement nouveau, aucun tapage, aucune douceur comme quand on s'approche des vagues de la mer qui amusent tous les spectateurs. J'ai envie de survivre, de vivre. Oui de sentir les coups du soleil partout, naviguer aux pas du temps, de marcher comme le vent souffle, de sentir sans limite mes pieds à travers des aventures. J'idéalise tout en restant pragmatique. Je m'inspire de la réalité pour mener des exploits dans mon petit cerveau. Je ne dois pas me mettre en retrait de la vie quotidienne, celle dont on entend parler à la télévision, celle dont on voit quand on se hasarde dans les rues. J'ai assez de temps et d'espace pour vivre, sentir l'heure sous mes pieds. J'ai aussi le temps pour bien partir dans ma vie.

Parce que quand on est jeune, on croit que le monde nous appartient. C'est parti pour s'assumer, pour pour passer la nuit loin des parents. Et pour en apporter la preuve, qu'on veut se faire un nouveau statut, on ne voit parfois rien d'autre que le divertissement. Le divertissement c'est le divertissement. La plupart voit y voit une façon de passer le temps quand on ne sait trop que faire. Parce que pour ces jeunes-la, s'amuser est la chose la plus bénéfique pour ne pas se sentir seul. Quand les jeunes de mon âge s'amusent, ils ne pensent qu'aux femmes. Voilà pourquoi on ne doit pas nier que le ciel clément est un artiste. Dans tous leurs jeux d'enfant, ils font intervenir au moins une femme. Ou bien même s'il n'y en a pas, ils se donnent l'avis de l'inventer. J'avoue que c'est une très bonne idée. Ce n'est pas une attitude qu'on peut se permettre de négliger. Les femmes, pour eux, sont faites pour passer le temps. En vérité, cette idée ne vient pas des uniquement adolescents. Ce sont les jeunes qui aujourd'hui se mettent cette idée dans la tête. Après il y a les adultes qui font sortir ces idées vulgaires de leur bouche à n'importe quelle occasion. En somme, ça les réconforte de penser ainsi. Si j'étais une femme, j'aurai honte, et des autres, et de moi. Mais les choses sont quelque peu bien équilibré. Il y a de jeunes adolescents qui n'aiment pas s'amuser. Ce n'est pas qu'il n'aime pas s'amuser, c'est qu'ils pensent que c'est perdre du temps, que ce sont des balivernes; qu'aller se défouler dans un bar ne leur correspond pas; qu'ils ne se sentiront pas bien dans ce genre d'endroit. Ils sont du genre à ne vouloir jamais trop se dévoiler devant le grand public. Ils ne sont pas renfermés sur eux-mêmes. Non. Bien au contraire, ils n'ont pas envie d'avoir honte d'eux-mêmes, de regretter ce qu'ils auraient fait la veille dans une soirée entre amis de fréquentation ou entre personnes étrangères.

Je dois avouer que j'ai un point faible qui a presque atteint son paroxysme. Mon talon d'Achille c'est les femmes. N'exagérons pas. Cela est connu de tous les hommes. Nous aimons tous guetter les femmes partout où qu'elles puissent être. On aimerait les voir sous la douche, au lit. On aimerait savoir comme elles s'épilent, se maquillent. On se précipite sur elles pendant leur pose-café. Étant donné qu'elles ne font rien à ce moment, on leur court après pour avoir le regard fasciné.

La femme est la meilleure invention céleste qui fait de Dieu le plus grand artiste inégalable sous nos yeux . Quand je pense à une femme, je deviens totalement une autre personne. Je ne me maitrise plus. Je deviens perdu et il m'est difficile de contenir mes émotions. Je ne m'arrête plus. Les femmes, ça ne connait pas de frein pour celui qui les épie. Le sentiment qu'elles nous font prévaloir, c'est la nécessité de ne pas leur quitter du regard une seule seconde. Elles sont faites pour me détourner de mon chemin. Quelque part je les confond avec Satan ou autre chose que je ne peux décrire, que je n'arrive pas à dénicher. C'est comme une vielle formule dont on ignore les secrets qui font d'elle une exception parmi tant d'autre êtres. Mais je pense que les femmes sont différentes de Satan en cela qu'elles n'ont rien voulu provoquer en tant que réaction instinctive chez moi. J'en suis le responsable. Je m'en veux moi-même. Elles me plaisent toutes. Toutes les jeunes filles que je croise dans la rue, au supermarché, dans le tram ou le bus, dans les fêtes foraines, dans les grandes manifestations étudiantes, aucune d'elle ne me laisse indifférent. Elles sont fascinantes, c'est pourquoi je les fixe des yeux. Mais rares sont celles que je remarque et qui me prennent autant de temps dans la contemplation. Je vois dans le regard de celles-ci la fascination, l'élégance, le charme, tout ce qu'il y a de pur dans leur corps d'où jaillit l'envie de se faire désirer par n'importe quel être humain. La femme a du cran, le pouvoir d'atteindre tous les regards. Elles savent comment posséder un homme qu'elles ne reverront jamais puisqu'elles ne le désirent en aucune manière. Une jeune fille que je croise dans un supermarché, si elle est belle, m'empêche de me concentrer sur les produits que je suis venu me procurer. Je suis envahi subitement par un un sentiment qui me donne envie de l'avoir, rien que pour moi, le restant de ma vie. Toutes les filles que l'on croise, splendides, qui ne nous prêtent aucune attention, nous attirent. Ce qui est en outre insupportables avec les femmes, c'est qu'on est jamais totalement sûr si nous les hommes on leur plait. Elles savent se déguiser en espèce humaines sans sensibilité. Elles savent jouer le jeu. Je peux faire l'amour avec une jeune fille de mon âge sans jamais être certain du sentiment qu'elle ressent pour moi. J'imagine que toutes ces supputations doivent être semblables pour elles vis-à-vis de nous. Je n'en sais rien. je ne suis pas une femme.

Le plus beau fleuron comme action dans notre vie, c'est la réflexion sur les choses qui doivent nous préoccuper ou qui nous inquiètent en un mot. S'il s'agit de se passer soi-même au crible, il suffit de voir de plus prés ce qui nous concerne, pour ensuite se tourner vers nos fins et enfin vers les autres.

Je pense que c'est très important de comprendre ce que la responsabilité a de si noble. La responsabilité c'est avant tout une prise de conscience. Quand je dis prise de conscience, je fais allusion à l'affirmation de soi. On se saisit en tant que sujet et on se tourne vers une conviction. C'est une affaire personnelle au tout début. Au fur et à mesure, elle devient une affaire étendue aux autre. Elle devient une façon de s'engager dans la vie, une façon d'apporter son grain de sel, une façon de dire au monde entier qu'on sait et peut faire quelque chose à son plus grand bonheur. On commence à savoir qu'on est une bouche, deux mains, deux pieds. Un enfant de six ans va à l'école, n'a pas de pouvoir de décision. Il va à l'école sans prendre conscience qu'il a d'ores et déjà la responsabilité sous ses pieds. Il ne connait rien à la responsabilité. Il sait plutôt idéaliser mais ce n'est qu'un engagement précaire tant qu'on n'y va pas jusqu'au bout. La responsabilité ne vient qu'au moment où l'on s'affiche face à la peur et qu'elle nous possède. Elle n'est acquise qu'à partir du moment où l'on s'aperçoit qu'on ne va pas à l'école pour la forme, pour être à la merci de ses parents. Quand nous étions petits, au cour d'éducation civique, on nous apprenait que l'école est une seconde maison. Ils ont raison mais pas à cent pour cent. Le passage à l'école n'est qu'une excuse pour ne pas apprendre à l'enfant, de manière très directe, qu'il a déjà une responsabilité, se gérer mais, autrement dit préparer son avenir. Dès qu'on sort de soi, on devient responsable du monde extérieur. Ce monde extérieur englobe les maints chemins à suivre, les obstacles qu'on peut heurter, les fins possibles à conquérir. La responsabilité c'est quelque chose de délicat, de précieux, de fragile. En terme d'engagement, ça demande beaucoup de tact et de minutie, de patience, de clairvoyance. Diriger un pays, c'est un métier difficile. C'est une grande responsabilité. On y va par risque car on n'est jamais sûr de comment se comportera le peuple souverain le lendemain. Parce qu'on aura voté une loi. Puisqu'elle ne nous concerne pas directement. Comment vous dire? Notre responsabilité c'est notre inquiétude, sans qu'elle nous concerne forcément et exclusivement. On est un chef d'État, on a la responsabilité de son titre, on doit l'honorer. Notre responsabilité ne nous appartient pas. Elle est faite pour servir les autres.

Si on est en butte à l'angoisse, ça signifie qu'on a plein de choses en tête et qu'on aimerait les réaliser. C'est de l'angoisse démonstrative, édifiante. Dans les lignes précédentes, je parlais de désespoir, de femme, de responsabilité. Eh bien toutes ces choses réunies puis présentes dans l'esprit de quelque immortel qui soit, donnent de l'ampleur et de la prééminence à notre angoisse quotidienne. Quand on angoisse, c'est en effet qu'on a l'intuition que la responsabilité nous hante et nous pèse. Voici donc très certainement la grandeur de la responsabilité. Quand on aime une femme, ou plus court, quand on aime les femmes, c'est là une responsabilité qui peut nous tourner la tête. Car aimer c'est être responsable de son amour, on est responsable de celui qu'on aime, on prend soin de lui. Au plus profond de notre être, la responsabilité est présente et se fait de plus en plus ressentir au fur et à mesure qu'on grandit en âge et en intellect. Le plus grand bonheur dans l'angoisse, dans la peur de perdre une perte, c'est qu'on a pris conscience de soi-même et qu'en cela on commence à s'affirmer. Le plus grand effort que l'on puisse faire preuve, c'est de ne jamais se laisser faire vis-à-vis de l'angoisse. Il est certes très bénéfique d'avoir peur mais il ne faut pousser cela à l'extrême. Ce serait avouer à soi-même et à ses congénères qu'on est un mauvais joueur. Dès fois, on peut se trouver assis sur un banc public et qu'on médite pendant un certain temps. Dans cette situation que l'on ne trouve pas confortable parce qu'on essuie de la peine, on doit reconnaître que c'est un moment responsable. C'est un moment responsable parce qu'on se pose généralement les bonnes questions. On dit toujours aux enfants qui sont dans la galère ou de nature exsangues de se poser les bonnes questions parce que rien n'est encore perdu. Notre angoisse réveille notre nature responsable. Et de façon subtile, je conclurai qu'il est crucial de s'interroger sur ce qu'il importe de savoir pour bien se prendre en main.

Si par conséquent aujourd'hui certains angoissent ou désespèrent, ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas de responsabilité. Ils l'ont cette responsabilité quand ils vont à la fac, travailler à l'usine, quand ils vont cueillir des fruits ou vendre du pain. Ils l'on sous les pieds. Là n'est pas le problème. Notre pierre d'achoppement émane du manque de confiance, de foi qu'on a de nous-mêmes. Croire qu'on est incapable de séduire une jeune fille de vingt ans, le manque de confiance s'y trouve englouti. Ainsi on désespère toute sa vie parce qu'on a pas confiance en soi. Moi il m'arrive de ne pas avoir confiance en moi. Et je vous assure que je me sentais ridicule. Je ne 'aimais pas. Un abruti qui même avec son talent de poète ne serait en mesure de séduire une jeune fille de quatorze ans. Néanmoins quand je crois en moi, je me trouve beau et me sens léger. Je ne glisse guère quand je marche. J'ai le cœur soulagé. Je sentais qu'avec un effort insignifiant je pourrai m'accrocher à l'épaule d'une fille plus mature que bibi. Pour terminer, je dirai que ne pas croire en soi est notre plus grand obstacle. Certains, peut-être, appelleraient ça obstacle tout court. Mais moi j'appelle ça un obstacle dégradant.

Une négation de soi en tant que responsable serait se faire de la peine. On ne doit pas en arriver à ce stade de trouver pesant ou chaotique le fait qu'on a des choses à entreprendre dans sa vie. Tous les gens qui agissent sont désespères. Ils n'ont la moindre force pour éviter ce malaise. Ils savent qu'avec plus de foi, de conviction, de force et d'abnégation, ils seraient à même de se réaliser. Aujourd'hui je rêve d'être reconnu en tant que poète tout comme les poètes classiques , modernes. Je rêve d'avoir le même statut que Rimbaud ou Verlaine. Maintenant je sais que je suis un poète. Me dévoiler au monde entier pour leur révéler ma nouvelle identité, ça c'est un autre fait divers. Aujourd'hui j'ai la certitude que je serai lu par des milliers de personnes. La question qui me hante c'est est-ce que seulement en écrivant de la poésie je serai heureux sans me faire de soucis. Si j'ai un peu peur, c'est parce que je ne marche fier comme les autres. Les autres ils sont chez eux. Même s'ils ne s'y sentent pas aimés, c'est au moins chez eux. Je sais que si je me retrouve dans un pays qui n'est pas le mien, je n'aurai pas le même sentiment. Ce qui importe de prime abord, c'est de s'y sentir aimé. Le reste on se débrouillera pour l'avoir. Je ne suis pas heureux parce que je me fais des soucis. C'est tout à fait légitime. Je ne serai apaisé que lorsque j'aurai le métier qui me convient, sans avoir de problème avec la justice du pays, et me sentirai finalement libre comme tous ses citoyens. Voyez donc qu'on désespère parce qu'à n'importe quel moment les choses peuvent dégénérer. Mon frère m'a appris que si je veux me sentir libre dans un pays où je suis un peu étranger, je n'aurai qu'à respecter ce qu'on y exige de loyal et travailler dur. Mieux, si je veux me sentir libre dans tous les pays du monde entier, je ne dois pas nier que j'ai de grandes responsabilités qui demandent beaucoup de sacrifices. Se sacrifier en ne pensant pas trop aux femmes. Ne pas s'amuser avec excès comme le font beaucoup de jeunes.

« Un jour on s'en remettra de ses peines », je le dis souvent. Pour mon compte je ne sais pas trop comment. Mais je sais que j'aspire toujours à devenir meilleur que celui que j'étais la autrefois. Je rêve toujours mais de façon pragmatique. C'est très important. Il ne faut pas prendre du répit quand il est question de son avenir. Les vieillards ont l'habitude de dire aux jeunes que la vie est dure et qu'il faut beaucoup se donner. C'est l'unique moyen pour pouvoir avoir le cœur attendri quand on sera plus âgé. Les risques nous préexistent. Il faut savoir risquer. Il paraît étrange des fois qu'on ne veuille pas se plier à un quelconque risque si on veut gagner sa vie. Dans un état où l'on sent qu'on manque de force parce qu'on désespère ou qu'on a peur, il faut reconnaître qu'on peine à se donner l'envie de risquer, c'est-à-dire de courir un risque dans l'optique qu'on en tira quelque chose de véritablement bénéfique. C'est fou non. Imaginez quelqu'un qui a l'intention de devenir un professeur dans une grande université de renommée internationale; quelqu'un qui aimerait donner des cours de physique, de lettres classiques, d'histoire à l'université de Harvard. Son professeur doit normalement lui conseiller de beaucoup lire. Lui-même doit savoir qu'il va être obligé de courir le risque de beaucoup fréquenter les bibliothèques, courir dans toutes les salles de conférence, travailler au jour le jour avec sérieux. C'est le risque à encourir. J'avoue que ce n'est pas aussi simple que ça. Quand on est paresseux, on ne veut courir aucun risque. Et quand on ne court aucun risque, on peut être sûr qu'on ne remportera pas le gros lot. C'est très important de savoir que rien de grand ne s'acquiert gratuitement dans ce monde. On aime quelqu'un, on lui avoue : c'est comme ça ou on aura rien vu.

Vivre parce qu'on doit jouer un rôle est une chose très difficile à assumer. C'est une idée qui me bouleverse parce que je ne cesse d'y penser. Ma sainte et sage grand-mère ne s'empêchait de dire : « il n'est pas vain de se dire qu'on doit jouer un rôle !». Parce qu'on est censé connaître que tout un chacun doit apporter sa bagatelle au plus grand bien de l'humanité. Mais s'il existe des hommes insensés et bornés. Il faut quelque part reconnaître que c'est une chose tout à fait normale. Ce n'est pas parce que tout un chacun ne peut pas faire la même chose que les autres. C'est parce que certains ont très vite pris conscience de l'importance à jouer un bon rôle dans la société. D'autres au contraire ont voulu déparer alors alors qu'à certains il était tard, pendant que les autres étaient déjà arrivés à point nommé. Ils ont ainsi emprunté un autre chemin qui n'est pas le bon. Les premiers qui sont partis pendant qu'il était temps ont pu recueillir de la gratitude dans leur conduite quotidienne. La réalité des seconds est tout autre. Ceux-la ont perdu du temps, ou ont n'ont pas eu de la chance. A un moment de leur, ils ont dû emprunté le mauvais chemin et l'on su trop tard. Ils ne pouvaient ainsi revenir en arrière et ont fait de leur identité délinquante une fonction sociale. Ils permettent aux experts de voir comment contrôler avec minutie la jeunesse. Ceux-la qu'on a décidé de nommer des semeurs de troubles ont aussi une certaine responsabilité. Ils sont responsables de l'enfant qui vient de naitre et qui ne doit point suivre leur exemple. Ils sont responsables de la société parce qu'ils doivent s'y reconnaître. Leur repère, s'ils veulent saisir la chance de vivre une vie plus commode , c'est de s'affranchir de ce rôle qu'ils sont entrain de jouer dans les rues ou ailleurs. Leur liberté ne sera effective que s'ils se sentent responsables, et d'eux-mêmes et de leurs spectateurs désolés. Je n'aurai peut-être pas tort de dire que notre responsabilité doit servir les autres. De fait si on n'agit pas dans un style décent, on fait du mal autres. On arrive pas à reconnaître que l''on se trompe parce que pour nous il n'y a pas une autre issue. Toute action, tout rôle, toute responsabilité qu'on a, doit être d'une grande utilité pour les autres.

Parfois on vous fait des remarques. Tout le monde sait en faire. Tout le monde sait faire le psychiatre ou le psychologue dans bien des contextes, même compliqués. C'est pour vous signaler quelque chose d'important à ne pas négliger, qui a trait à votre réalité quotidienne. C'est une façon de vous faire comprendre la situation dans laquelle vous vous vous trouvez. Certains, les amis, les proches, une connaissance, vous font des remarques alarmantes, démoralisantes à votre avis, parce que cela ne vous ne semble pas du tout vous correspondre. Ce n'est pas à coup sûr dans l'intention de vous blesser que certains vous font entendre des propos « humiliants », « gênants ». On vit avec des gens qui nous aiment et ne nous haïssent que parce qu'on agit maladroitement. La parole comme le dit Sartre est action. Elle peut porter un coup fatal pour votre existence ou votre être. Elle est active dans la mesure où elle fait naitre chez un individu conscient une réaction constructive. J'aime qu'on agisse par droiture. Ces remarques que me font donc mes amis, j'avoue qu'au début éveillaient en moi le sentiment de malaise persistant et et affaiblissant. ça me faisait perdre patience; j'étais toujours effrayé et décontenancé. Pas de force, un peu engourdi et introverti, replié sur moi-même. J'ai installé une barrière à toute possibilité de se sentir mieux. Je n'attendais rien du monde extérieur. Du moins je ne faisais aucun effort.

Faire une remarque, qui soit effective pour quelqu'un, a ceci de symbolique qu'elle ne peut échapper à notre vigilance. Je ne suis pas du genre à me laisser abattre. Ma réaction primaire quand on me fait une remarque peut rester latente pendant un certain temps. Et quand elle finit par exploser, sitôt qu'elle remonte jusqu'à ma force sensible et consciente, ça veut dire que j'ai beaucoup réfléchi, que je suis prêt et que finalement je ne suis plus dans le monde des chimères. Rien de banal pendant qu'il est temps de suivre le bon chemin. Comme on dit, si l'on veut parvenir à ses fins, il faut faire feu de tout bois. Mais agir comme il se doit. Moi j'ai la ferme certitude que je ferai n'importe quoi pour vivre une vie plus aisée que celle d'avant. Et toi que feras-tu pour survivre? Mon grand frère m'a dit d'arrêter de rêver. je crois qu'il a tout à fait raison. C'est une remarque remarquable.

Quand un enfant pleure pendant qu'il rampe sous le soleil brulant, tout le monde part à son secours. C'est une réaction tout à fait normale étant donné qu'il ne fait pas semblant d'avoir mal. L'enfant sait bien jouer son jeu parfois, si son adversaire est trop prévisible. Moi je peux ne suis être prévisible quand j'ai peur. Ou plutôt je suis toujours prévisible à chaque fois que je ressens une menace prendre une place dans mon intimité. Si en effet j'ai peur, c'est parce que je ne sais pas où j'en suis. J'ai en fait peur de moi-même. Vous devrez trouver cela un peu étrange. En dépit de cette bizarrerie, la chose peut s'expliquer. Je n'invente rien. Quand bien même je puise cela de mon esprit, il s'agit tout au plus d'une chose qui émane de mon cœur. Je ne peux détacher mon cœur de mon esprit. C'est un phénomène dialectique fatal. Ça ne guérit pas. On vit avec.

J'ai peur parce que je sais que j'ai une responsabilité. Ma peur n'est pas que de l'émotion. C'est aussi de la douleur. Je peine à l'endosser. Ce n'est pas si simple qu'on peut le croire. Ma peur c'est ma peine. Ce n'est pas une sensation dont je veux me délivrer. J'ai peur parce que je n'arrive pas à retrouver ma motivation. Jadis quand j'étais au lycée, je travaillais comme un fou. Je m'exerçais sans relâche. Je voyais rarement mes amis. Il y en avait que je ne voyais presque plus parce que j'étais occupé. C'est l'air que j'avais. Même quand j'étais chez moi, je ne sortais que pour un temps très bref. A cette période, je n'avais pas peur parce que j'avais toujours envie de faire quelque chose. Ma responsabilité je l'avais sous les mains et m'en occupais avec délicatesse. Aujourd'hui les choses ont revêtu une autre allure. Je ne peux pas parler de peur à ce jour. C'est pire que ça. C'est de l'angoisse, de la peur poussée à l'extrême, persistante et insupportable, diabolique qui vous ronge. Ce n'est pas Satan qui a pu survenir au travers de mon chemin. C'est quelque chose que j'ai construite dans les recoins de mes méditations intentionnelles et incongrues. Ce démon est plus déterminé à me détruire que Satan. L'homme du mal n'a rien fait de désastreux pour mon existence. On ne se connait pas. Il n'a jamais existé pour moi. Un démon s'est installé au fond de ma personne. Il est partout où je puis être. Il me suit et me déstabilise. Il m'effraie, me chagrine, m'angoisse, m'ôte toute confiance en moi. J'ai réussi à angoisser tout seul. Je pense donc j'angoisse. C'est ainsi que se résume mon existence jusque-là. Si certainement j'angoisse, c'est parce que j'aspire à devenir quelqu'un dans une autre vie, dans quelques années.

J'angoisse attendu que je sais que j'ai des responsabilité à gérer. Je dois gérer ma vie, mes instincts sexuels, mon talent de poète, mes études à l'université. En somme, j'angoisse parce que je sais que si je continue à angoisser alors tout sera perdu. Si je rencontre une chute horrible pour moi, mes parents, mes amis, auront peine à y croire. Par la suite, quand ils sauront pourquoi cela m'est tombé dessus, personne ne sera fier de moi. J'aurai honte de moi. Je ne saurai pas quoi faire de ma vie. Si j'angoisse, si j'ai peur, c'est pour éviter de décevoir les personnes qui reconnaissent en moi un certain potentiel intellectuel. Ils m'ont vu aller au lycée. Ils ont toujours eu confiance en moi. Ils n'ont jamais pu s'imaginer que dans ma vie je pourrai connaître un échec.

Il y a ainsi un inconvénient quand les gens manifestent un surplus considérable de confiance en vous. Vous vous dites « qu'est-ce-que je vais en faire. Peut-être que je devrai me concentrer sur ma personne sans ne jamais penser à me faire du mal, ni à moi ni aux autres ». Finalement, quand vous y cogitez encore mieux, vous vous dites : « Ce n'est vraiment pas facile quand les gens ont foi en vous. Ils ont raison de le faire. Ils ne vous veulent point de mal. Ils vous aiment. Mais c'est quand même inconsciemment de l'exagération. Et c'est lourd à porter ». Avec un peu de clairvoyance, on doit s'apercevoir qu'il n'est pas toujours commode d'avoir deux responsabilité: se gérer, d'une part, et d'autre part gérer la confiance des autres. A chaque fois qu'on se promène, qu'on médite, qu'on croise quelqu'un, ou qu'on butte accidentellement sur quelque chose, on se dit « ah il ne faut pas que je fasse des bêtises parce que les autres ne doivent pas être déçus. ». Je ne peux pas porter ce lourd fardeau. Je suis d'accord que je fuis ma responsabilité, que c'est se soustraire derrière sa responsabilité en agissant de la sorte . J'ose croire que ce n'est pas là une maxime très éthique. Mon environnement éthique est toujours paisible pour moi. Chacun a son chez-moi, que ce soit son cœur comme refuge, ou ses activités artistiques comme échappatoires. Je ne suis pas en un sens d'accord avec ce système relationnel où on doit toujours avoir de l'égard pour les autres. Je n'aime pas condamner pour n'avoir rien en force. Je désire ne penser qu'à moi avant tout. Qu'on me laisse faire et tout ira à merveille. Ce n'est pas du tout de l'égoïsme, certainement pas. Mon individualité a besoin de se sentir libre, non opprimé. Pour tout vous confier, je ne me sens pas bien dans cet état où l'on doit penser aux autre alors qu'en personne on ne se sent pas dans son meilleur état. Comment pensent les autres? Ils pensent à qui, à quoi quand ils lèvent la tête et se mettent à marcher. Est-ce-qu'ils pensent à moi? Je sais que ma mère pense à moi. Elle croit en moi, a tout de même peur que la vie me cause du tort, me blesse. C'est le coté charmant, avoir quelqu'un qui s'inquiète pour vous.

Je n'aime pas être seul. Je déteste rester seul. Je pense que c'est de la pure folie, rester seul. La solitude est si ignoble à ma grande attention que des fois j'ai peur d'y rester pendant longtemps. Je n'aime pas y tremper ma conscience. Aussitôt que je m'y retrouve, je ressens à l'intérieur de mon âme que je suis entrain de souffrir. C'est pour cette raison que j'ai peur de rester seul parfois. Je n'aime pas rester seul parce que je peux m'ennuyer très rapidement. La solitude a une réaction négative, une attitude rétrograde par rapport à l'instant que je vis. Cela me déconcentre. Je n'arrive pas à me perdre dans mes méditations comme je le souhaite, c'est-à-dire suaves, sublimes, luisantes. C'est l'enfer qui me pénètre, me surmonte si je puis le dire ainsi. C'est comme si vous faisiez exprès de vous emprisonner dans un endroit ouvert qui pourtant au fond vous étouffe. Quand on se retrouve dans une situation de ce genre, il n'est pas du tout simple d'avoir l'esprit tranquille. La solitude pour moi, est un moment d'escapade où je me cherche et me fais des illusions. Je commence à angoisser avec déraison; je ne puis m'empêcher d'avoir peur. C'est le pessimisme qui jaillit de mon sommeil éveillé. Je me disais  « cette humeur pessimiste dans laquelle je me reconnais n'est-elle pas due à ce sentiment d'inquiétude qui est la frousse de croiser l'échec et de ne pouvoir l'éluder? » A toutes ces interrogations, j'avais la même réponse: « J'ai peur, rien de plus! C'est très dommage». Pourquoi certains fuient-ils ou plutôt évitent la solitude? Parce qu'ils ne se sont pas trompés en imaginant avec détermination que c'est un coin obscur, cauchemardesque, habité par une créature à la silhouette effrayante en quoi nous pouvons nous transformer. Certains retrouvent leur monde dans un petit coin reclus. C'est pour s'interroger sur leur sort, sur les choses qu'ils ont faites ou auront à faire d'un jour ou l'autre. Nous devenons des devins. En cela nous effectuons une visite guidée. Nous évitons des pièges. Nous essayons de réparer les erreurs commises et nous cherchons le droit chemin. Seulement on est son propre guide et on peut avoir peur d'aller plus loin qu'on ne le désire. Quand on fuit sa peur, on fuit sa responsabilité. Il faut savoir s'y faire. La peur ce n'est rien d'autre qu'un sentiment capable d'ébranler toute force qui peut s'opposer à nous, enfreindre nos principes moraux et éthiques. Avoir peur c'est se projeter dans le futur et se dire tout à coup d'une voix haute et assurée : « il faut que j'y arrive »

Aujourd'hui je peux concevoir que je suis pauvre. Chez moi je ne l'ai jamais été. Ici je le suis car je ne suis pas chez moi. C'est différent. On a la routine de dire qu'il n'y a pas mieux que chez soi. Je suis d'accord. Je n'ai ni faim ni soif dans ce pays. Ce n'est pas la faim ni la soif qui me prennent par la gorge et m'empêchent de respirer librement. C'est le simple et unique sentiment que tout ce que j'aurai acquis comme connaissance dans ce pays reviendra tôt ou tard à ma terre natale. Mon âme et mon cœur y sont, cristallisés. Ici il n'y a que mon ombre qui défile. Toute âme citoyenne où qu'il puisse se trouver doit jeter un regard derrière elle pour apercevoir même de loin les réverbères qui illuminent les allées publiques. Je n'ai pas faim ni soif dans ce pays. Et même si j'ai à me lamenter je n'aurai ici nullement d'interlocuteurs. Je m'adresserai à moi-même. C'est un problème personnel et non national, encore moins international. Cette misère s'adresse à ma personne. J'en ai la responsabilité. . Ça ne regarde que moi. Pourtant quand je me dis tout ça avec fierté, je n'oublie point que c'est là une lourde responsabilité. Un pays, un citoyen. Mais un citoyen qui est submergé par l'effroi, l'émoi qui hante son quotidien au point de lui faire perdre la tête. Je suis toujours déboussolé à l'idée d'une responsabilité. Les choses se construisent progressivement. Chaque pas, chaque action a un prix. Qu'est-ce-que je ferai pour mon pays. Je ne sais pas trop à vrai dire. Peut-être que pour lui je défendrai l'honneur de nos soldats, de nos combattants au sang éparpillé dans presque tous les coins du monde. J'ai comme impression que je ce que je suis entrain de raconter ne suit pas une logique. Je dirai tout simplement que je trouverai quelque chose à faire pour ma patrie.

Pleurer dans nos entrailles, angoisser en heurtant cette vision: « j'ai encore de la chance », voilà quelqu'un qui n'a pas encore subi le coup choc de l'échec. L'échec ce n'est rien qu'une simple idée de génie qui intervient dans tous nos instants de rédemption, renaissance, moments de grande spéculation sur soi. Tant qu'on n'est pas sûr d'être remis aux mains de la voute céleste, on peut être certain que rien n'est encore perdu. La mort vient toujours quand il n'y a plus de chance.

Je suis en pleine forme depuis tôt ce matin. Je n'ai pas vraiment dormi. Je me suis réveillé à trois heures du matin et j'ai commencé à espérer. J'ai débuté ma journée, sans m'attarder sur les choses annexes à ma représentation d'une vie saine au quotidien. J'ai commencé par remettre en cause la primauté que j'accordais au sommeil. Dormir, désormais, ce n'est plus ma tasse de thé. Je lui ai tourné le dos et c'est en ce moment précis que j'ai commencé à gagner de l'assurance, de la volonté, de la motivation pour me concentrer sur les denrées de première nécessité. Le pire ce n'est pas de s'avouer vaincu, mais de prétendre avoir de la force quand on passe sa vie dans l'oisiveté, et de se croire assez malin quand on sait qu'on a pas su vaincre les choses sans valeur véritable. Je crois que j'ai été malin. Cela m'a épargné d'une éminente catastrophe: angoisser pour me pourrir la vie sur terre.

J'ai passé ma vie à dormir sans pour autant m'en rassasier. J'étais aux anges mais c'était un peu différent. L'effet que ça me donnait de rester cloué au lit et les yeux jamais ouverts, c'était un effet paralysant qui ne me donnait jamais envie de faire ce que j'avais à faire: bien rester concentré sur mes études. A un moment donné, je me négligeais. Je ne craignais rien. J'étais indifférent et j'avais la profonde certitude que cela ne me mènerait nulle part sinon vers un labyrinthe, un cul-de-sac où je n'aurai aucun rescousse. Je me faisais face et je trouvais l'état des choses très embarrassante. Il fallait partir, je le savais. Je devais revenir à la normale, comme durant mes années de lycée où je marchais avec fierté dans les petits coins de rue de mon village.

Chaque jour, chaque souffle, chaque interminable sommeil, était pour moi une bêtise impardonnable. Dans cette affliction, cette condamnation injuste qu'il m'incombait d'épier, j'ai dû me lever à l'aube, en sursaut, pour me retrouver aujourd'hui, ce soir que je vous parle, envieux d'une vie plus chaleureuse, charmante, une vie sans prise de tête, une vie simple. Je veux dire une vie saine. On se remet tôt ou tard de ses peines.

La misère, la souffrance, le mal-être, sont des choses partagées. La misère, qui ne la connait pas? Où pourrai-je trouver une âme sensible qui n'eut jamais senti un coup intérieur en sachant se dire: « on n'est jamais totalement heureux ». C'est pessimiste peut-être pour toi âme qui te hasardes dans mon univers émotionnel? sans doute mais c'est encore plus sérieux que ça n'a peut-être l'air à votre imagination. Le bonheur n'a pas d'écho universel, c'est la seule chose au monde qui n'est pas à partager puisqu'on ne le croise nulle part. Le bonheur n'a pas de d'universalité palpable. On doit s'estimer heureux que ce soit comme ça. Le bonheur est au dessus de nous et on part quotidiennement, instantanément à sa conquête. C'est pourquoi le pauvre et le riche sont deux êtres semblables dont il n'y a pas lieu de rivaliser. Le pauvre doit être riche de sa pauvreté. Et le riche doit être pauvre de sa richesse. Ces deux conduites conviennent à cette idée que le bonheur est une fin toujours recherchée et jamais totalement acquise. On ne perçoit dans son for intérieur qu'une partie du bonheur. C'est une sensation de paix de notre propre âme. C'est le rejet de tout goût du luxe et des choses mondaines. C'est la faculté de discerner le bien et le mal. C'est un sentiment d'appartenance à un monde spirituel sain où seul Dieu est le maitre. Ce n'est pas du je-m'en-foutisme, c'est au contraire un sentiment responsable qui nous rapproche de cet idéal, qui est une invention fascinante. C'est comme ça que je vois le bonheur. Ce n'est pas un acquis, c'est un conquis.

Il n'est pas question de s'adresser au pauvre et au riche de façon contradictoire. Si je m'adresse à ces deux personnages, je leur dirai chacun : « sois fier de toi mais pas toujours. Le sang qui coule en toi est le même que celui qui coule dans les veines de ton prochain. S'il y a une chose que vous devez savoir du bonheur, c'est qu'on l'acquiert dans cette condition s'avouer avoir une responsabilité ». Ainsi que l'on m'entend l'affirmer, le bonheur c'est la responsabilité. J'ai la responsabilité de ma personne et je dois en être heureux. Heureux à l'idée que je peux être pauvre de ma richesse et riche de ma pauvreté. Allier ces deux principes de vie, fait de moi un homme responsable qui se satisfait de son état social et s'estimerait heureux d'avoir la même vision que quiconque. Je pense comme les autres donc je suis responsable et par cette voie je deviens du reste un homme heureux.

Je connais la misère. J'en ai flairé l'odeur au moindre geste et à la moindre contemplation de l'univers disparate qui m'entoure. J'ai connu la misère et je m'en estime heureux. Pourquoi? Parce que c'est si doux. On s'y égare quand on joue au bourgeois. On s'y perd bien évidemment aussi quand on joue au pauvre. Marcher avec ou sans sandales dans un état de misère, voilà qui me laissait indifférent et totalement imbu de ma personne. On se croirait le nombril du monde, le point de mir de toutes les aspirations, parce qu'on marche tout fier et tout innocent. En Afrique, on rit même quand on a pas grand-chose de quoi se nourrir. Y être riche ou y être pauvre, c'est deux choses tout à fait pareilles. On ne sait pas faire le bourgeois, jamais de masques. Je dis ça parce que là où j'ai grandi, c'était ainsi qu'on vivait.

J'ai une certaine force psychique et transcendantale qui me soulage de ma condition insupportable. Je sais me comporter en bourgeois. J'en ai des qualités morales qui ma foi ne me sont que rarement ou jamais nuisibles. Ce que j'ai en argent, aussi infime que cela puisse être ou paraître, je n'ai jamais eu que la folle impression que j'en avais toujours assez. Le vau d'or, pour moi ça allait comme ça venait. Je m'en foutais de ne plus en avoir le lendemain si j'avais en envie de me faire plaisir. Si je dois fumer des cigarettes pour quand même mourir de faim. Je n'ai jamais été vraiment perturbé par l'idée d'avoir faim. Je sais qu'il existe des gens qui ne supportent pas cela. Mais alors comment se sentent-ils quand ils n'ont rien à manger? Ils s'en sortent, ils se débrouillent, laissent passer le temps et s'interrogent sur leurs attitudes alimentaires.

 Quelque part, avoir peur veut dire avoir des inquiétudes. On a l'impression qu'il existe des choses inexpérimentables. Il n'existe nulle part quelque chose, même sans essence, sans réalité réelle, qu'on ne puisse explorer, même abandonnés à nous-mêmes. L'exploration, le pèlerinage c'est une réalité qui suit son cour et ne finit pas. C'est une recherche interminable et effroyable de soi. Je ne finis toujours pas de me chercher. Chaque souffle d'un jour nouveau me révèle qui je suis en réalité. Mais je ne nie pas qu'en définitive je suis une entité humaine qui se fait de la bile. Je me pense et je ne désire m'arrêter que mon trépas décidé. L'inquiétude affreuse et moralisante à la fois qui me mouille jusqu'au cou, est ce sentiment d'appartenance à un monde sans défaut rationnel, un univers global, globalisé où je me sentirai mieux si je mets en œuvre toutes mes bonnes intentions. Je pense que nos bonnes résolutions doivent tourner autour de cette vision d'un horizon artificiel de bon vivre qui passe nécessairement par la mise en pratique de nos rêveries les plus douces et les plus fascinantes. Il ne s'agit pas de rester dans l'euphorie. Il s'agit de cesser d'être toujours en transe pour ne plus savoir quoi faire de tous cette énergie fournie.

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