L'antidote à la crise économique
Philippe Arents
Si aujourd’hui je ne suis que quelques mots inscrits sur une feuille de papier, je vois là les prémisses à ma future existence en tant que ville nouvelle.
Mais ne me confondez surtout pas avec ces villes dortoirs qui foisonnent en périphérie des grandes métropoles françaises. Non ! Ma véritable vocation sera d’être un antidote à la crise économique. On m'a imaginée pour devenir le remède à de nombreux maux de notre pays. Pour inverser la tendance de la délocalisation de nos usines, tout en remédiant à la difficulté que rencontrent les jeunes pour entrer dans la vie active.
Je serai toute en hauteur, petite, mais dense et à la pointe de la technologie. Mes habitants seront tous jeunes, et ils pourront me traverser à pied, ou à vélo, en seulement quelques minutes.
Vous l’avez compris, je serai une ville industrielle qui puisera sa force dans la jeunesse de notre nation. Pour pouvoir concurrencer ces lointains pays, qui ont su attirer nos chaînes de production au-delà des limites de notre continent, je devrai être en mesure d’avoir un coût de main-d'œuvre concurrentiel.
Ensuite il me faudra courtiser des industriels, pour les convaincre de revenir s’installer sur le sol national. Pour cela je mettrai à leur disposition des usines et une main d’œuvre motivée. Restera à leur charge d’installer des chaînes de montage et de former le personnel que j’hébergerai gratuitement.
Pour y parvenir, il me faudra être autonome. Je serai la première ville à énergies positives. Une ville qui, ne rejettera aucun gaz à effet de serre. Je serai équipée d'un dispositif destiné à produire toute l’énergie dont j’aurai besoin. Il me faudra également être autonome sur le plan alimentaire. Je ferai appel à de jeunes paysans de formation qui apprendront au reste de mes résidents comment cultiver la terre afin de nourrir les miens. Ainsi au-delà de mes limites urbanisées s’étendront de vastes surfaces agricoles.
En échange d’une solde, d'un logement et de l’opportunité d’acquérir une véritable expérience professionnelle, chaque jeune sorti des bancs d’école, devra s’engager pour un service civil d’une durée de deux années. En plus de ses trente-cinq heures de travail en usine, chaque résident devra m’offrir l’équivalence d’une demi-journée de son temps, pour subvenir à mes propres besoins dans des domaines aussi variés que la maintenance, l’entretien, la sécurité...
C’est au prix d’une autosuffisance et à l'implication de la totalité de ma population, qu’il sera possible d’assurer des charges salariales minimalistes qui permettront de faire sortir de mes usines des produits manufacturés pouvant concurrencer ces lointains pays qui font tant de mal à notre tissu industriel.
Mon ambition sera de pouvoir offrir à tous ces jeunes leurs plus belles années professionnelles. Tout en moi sera conçu pour eux. Une multitude d’activités extraprofessionnelles gratuites leur sera mise à disposition. Tel que des salles de cinéma, studios de musique, compagnies de théâtre, salles de danse, complexes sportifs, et j’en passe…. Pour les fêtards, je serai dotée de salles de concerts, de discothèques et de bars branchés. Les adeptes de toutes les nouvelles technologies ne seront pas en reste, ils auront accès à une couverture WiFi haut débit accessible sur l’ensemble de mon territoire.
Ne me jugez donc pas trop vite comme une ville « low cost » mais plutôt comme la ville du futur pouvant offrir à nos concitoyens la possibilité de maintenir chez nous, une économie de proximité et durable.
Oui, ça suffit de vieillir. Je vote pour un rajeunissement généralisé. (Et pas seulement des façades.)
· Il y a presque 11 ans ·Aliette Griz