Laos

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Je m’appelle Jules. Jules, c’est mon nom. J’ai trente ans, tout juste trente ans. Je suis dans une contrée au nord du Laos. Je suis là, seul, devant une montagne, la végétation est luxuriante. Je reste pétrifié, immobile. Je regarde, je respire, j’écoute. Le paysage est sauvage, inaccessible, tout contraste avec ma vie d’avant, avant mes trente ans. J’ai tout quitté ; femme, enfants, enfin ceux de ma femme que j’aime comme les miens. J’ai quitté mon père détaché de moi depuis longtemps, j’ai quitté ma mère que je retrouve en ces lieux. Ne pas se retourner au propre comme au figuré. J’ai peur, les nuages s’amoncellent comme un toit d’épouvante. Les odeurs de végétaux séchés me donnent la nausée. Les craquements me font penser à quelques fantômes malfaisants venus pour m’égorger. Devant moi un chemin, Le chemin, devant moi Mon destin. Devant moi une route que je vais devoir ouvrir à la machette si je décide de continuer. La région est hostile, les lianes sont épaisses comme des cordes de pendu, les ronces s’aiguillent dans ma direction, tout est contre moi, contre ma volonté. Tout est danger. Je me concentre sur ma décision d’être là, le soleil perce le ciel menaçant, les lianes deviennent souples et lisses, les ronces moins griffues. Je dois avancer, je me concentre à nouveau…

Jules décide de se remettre en marche. En marche comme on se remet en état de fonctionner. Sa crainte quasi-maladive de l’isolement en a étonné plus d’un quand il projeta ce périple au Laos. Son exil a été le fruit d’un long questionnement sur lui. Le chemin qui s’ouvre devant lui à coup de machette lui parait possible. Ce chemin qui doit lui permettre l’apaisement se dessine clairement. Il fauche l’herbe haute, les lianes, les ronces, obstacles à la fois menaçant et amicaux. Avant son départ il a pris soin de tracer le trajet le plus court pour arriver au but. Celui qui le rapproche davantage de son objectif à chaque mètre gagné. Subitement, sans s’y attendre un spectacle grandiose s’offre à lui. Devant ses yeux ébahis : une plage. Une plage qui s’étend sur plusieurs kilomètres avec en son centre une barque miteuse entourée de filets de pêche. Il doit avancer, il sait qu’Il sera là. Que de pensées mêlées dans sa tête, se reconnaitront- Ils ? Sentiront-Ils le lien ? Jules s’interroge, ne pas se retourner, rester concentrer, avancer. Jules reste pétrifié, un homme lui fait signe, il Le reconnait. Cet homme, son manque, sa moitié, son double sur terre. Il ne l’a jamais vu, Jules vit en France depuis  sa naissance. Cet homme devant lui, porte un grain de beauté sous l’œil gauche juste à la naissance des cils, comme lui.

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