LARME D'AUTOMNE

Susanne Derève

 

Adieu à mes amis, à ceux que j'abandonne                                                     
Car il me faut partir et je pars en automne,                            
Dans les ors et les bruns d'une saison qui meurt,
Dans l'humus et la tourbe,
Et que le lit des fleurs qui palissent et se fanent,
Me soit un doux linceul, une couche diaphane
Où  je pourrai dormir sans redouter l'oubli.
 
Pour me garder longtemps  du froid  qui me saisit,                             
Allez quérir des feuilles, des vignes et des branches,
Et mettez-y le feu, un feu de flammes blanches
Où réchauffer mes membres douloureux et  transis.
 
Puis versez-moi un peu de ce vin de pays                          
Pour ranimer le sang qui se fige en mes veines  
Ce vin que nous buvions autrefois entre amis   
Trinquez donc avec moi et cachez votre peine
-Oublions que la vie fut cette danse obscène-
        
Avant que ma bouche ne s'emplisse de sable                 
Donne-moi, mon amour, un ultime baiser,
Cache cet œil brillant de larmes déguisées,
Je ne veux emporter de toi que ton sourire
Et jusque dans la mort garder le souvenir
Des étreintes passées.
 
Adieu mes compagnons à vous que j'abandonne,
Je m'en vais, il est temps, comme s'en va l'automne
Après le long hiver quand poindra le printemps
Souvenez-vous combien j'aimais cette saison.
 
 
 
 
 
 
 

  • -

    C'est un temps qui se rouille :
    - tu sais bien que les fleurs
    ont quelque chose d'éphémère,
    et qu'elles se replient
    une fois leur rôle accompli - .

    Je vais me garder du froid,
    boire un peu de vin .
    Il ira réchauffer mes veines ,
    soulager ma peine,
    puisqu'il faut que je te quitte...

    Adieu. Il faut que je t'abandonne ,
    avant que mon sang ne se fige ,
    que je replie mes tiges,
    range mes feuilles,
    pour me préparer à l'automne.

    Je vais m'enfouir sous terre ,
    emporter avec moi ton sourire ,
    dans l'humus et la tourbe .
    Il me bercera avant de m'endormir ,
    quand j'aurai enterré l'été.

    Le soleil est parti ailleurs ,
    et les ombres s'allongent :
    il fait beaucoup plus sombre sur terre .
    Mais moi, j'ai gardé ta lumière ,
    et le silence la prolonge .

    Ne pleure pas sur ton sort ,
    - c'est seulement que je dors :
    En moi, sont imprimés,
    les profondes empreintes,
    de tes bras et celles de ton étreinte .

    Ne crois pas que je vais mourir :
    je prépare en secret ,
    de nouvelles fleurs à venir .
    Quand la neige aura ôté son manteau,
    je quitterai mes oripeaux.

    Je renaîtrai de mes cendres,
    le printemps ne se fera pas attendre
    alors tu me retrouveras sous un autre aspect :
    une année sera passée,
    mais l'avenir ne s'est pas épuisé.

    Si je suis comme cet arbre, là-bas,
    tu ne pourras plus avec tes bras,
    seulement, en faire le tour ;
    c'est aussi qu'a grandi mon amour,
    insensiblement sans que tu t'en aperçoives.

    L'hiver me m'a pas assassiné ,
    dans sa triste cave :
    j'étais bien enraciné ,
    et pour notre nouvelle saison,
    nous célébrerons la résurrection .

    Avais-tu oublié, que , même lente ,
    la vie demeure présente ?
    La terre se réveille, tiède .
    Nous en fêterons le renouveau,
    avec les oiseaux .

    Une année est morte :
    c'est la loi de la nature ,
    mais nous l'avons traversée ,
    et comme tu le vois ,
    je suis encore là pour toi .

    Tu glisseras tes vœux sous mes feuilles,
    délaisseras tes habits de deuil ,
    Nous partagerons des branches, le chant
    avec celui du vent ,
    courbés sur notre sourire .

    ( toi qui pensais déjà mourir
    de solitude et d'ennui,
    en pensant que je t'avais oubliée,
    juste parce que quelques feuilles rouillées
    sont tombées à tes pieds )  !

    -
    RC -

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • avec toi, mourir d'ennui , surement jamais

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • ☻ ♥ ♣ ♦

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

  • "une parenthèse dans la nuit "
    --


    Respirer dans un instant ( une parenthèse dans la vie ).
    C'est le rêve qui emporte les soupirs, au bord de l'obscurité.
    On ne l'imagine même pas, tant il pourrait être définitif .
    On s'imagine mort en rêve, et peut-être qu'on l'est un peu.

    C'est un souffle suspendu, quelque part entre ciel et terre,
    emporté dans la folle rotation de la terre...
    une moitié de jour , la lumière, l'autre la nuit.
    On refait l'essai pendant le sommeil...

    Imagine lors de ces fêtes foraines,
    une roue lancée à vive allure,
    ( on gagnera le lot désigné par le chiffre
    où la languette métallique
    se trouve lorsque la roue s'arrête ).
    On passe alternativement des cases obscures aux claires.
    On souffle le chaud et le froid, la glace, le vent, le soleil,
    en parcourant toutes les cases imaginables.

    Et mourir est la suspension définitive, arrêté là où on se trouve.
    Il n'y a plus d'alternative, plus de variation de saison.
    En fait, le rêve a plongé dans l'indescriptible,
    et personne n'en revient pour le décrire, justement.

    On se doute seulement que les feux d'artifice continuent,
    que les rues scintillent de files de voitures, que les étoiles
    nous font des signes au loin, que le manège continue,
    mais sans nous, désormais aspirés par la nuit.


    RC

    · Il y a environ 8 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • très beau texte : aspirés par la nuit , c'est cela , et j'aime l'image de cette roue de fête foraine

      · Il y a environ 8 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

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