Larmes amères

franekbalboa

-Pourquoi continue-t-elle de pleurer?

-Je vais te le dire. Mais avant il faut que tu saches que tout est trop complexe pour être expliqué en détail. Enfin bon, elle a toujours été en deçà moralement. De nombreuses heures passées chez un psy, des antidépresseurs, un regard haineux sur bien des choses. Cependant un homme a perçu son bon fond, car oui, elle en a un. Cet homme lui a apporté une oreille, de la patience, de la douceur, de la compassion, il a tout fait pour qu'elle se sente mieux, jour après jour, nuit après nuit, il l'a rassurée, veillée, sans arrières pensées, simplement sentait-il ce petit éclat de lumière perdu dans les ténèbres de sa colère et de sa tristesse. Elle s'est mise à revivre, pas complètement, certes, mais petit à petit. Cet homme ne s'est jamais moqué. Il l'a écouté, il lui a parlé, il a toujours été fidèle à ce qu'il lui avait dit. Elle commença à avoir des sentiments, et sans s'en rendre compte, elle se laissa envahir, chaque soir elle avait ce besoin de l'entendre, chaque jour ce besoin de le voir, chaque instant ce besoin de sentir sa présence et son parfum.

-Alors elle devrait être heureuse non?

-Cet homme qui avait énormément de patience n'avait pas d'autre envie que celle de l'amitié, tout simplement. Parfois il n'était pas joignable et il prenait une soufflante parce qu'il vivait, il se faisait regulièrement réprimander, questionner, c'en devenait limite indécent. L'indiscrétion grandissait, jusqu'au jour où elle décida d'aller chez lui à l'improviste. Il l'accueilla, mais rien ne se passa comme elle l'avait prévu. Il avait un rituel avec une excellente amie, chaque soir ils échangeant des heures durant au téléphone, parlant de tout, de rien, d'écriture, de culture... Elle l'a mal pris, vécu comme une trahison, et elle s'enfuit dans la nuit. Elle ne revint que quelques heures après, le visage fatigué, crispé, sans mot dire, elle alla se coucher. Le lendemain, elle lui dit qu'il avait été incorrect. Il se fâcha, il ne l'avait pas mise dehors, il l'avait accueillie, et laissé rentrer une seconde fois alors qu'elle avait choisi de partir, il l'avait allongée alors qu'elle dormait déjà et bordée afin qu'elle n'ait pas froid. Il la regarda alors qu'elle hurlait, et lui dit de quitter les lieux. Sans crier, d'une voix ferme, rude, autoritaire. Elle n'eut pas le choix, elle s'exécuta. Elle fondit en larmes dans la rue. Il l'entendit, mais refusa d'aller la voir. Il n'avait rien à se reprocher. Des jours, des semaines durant, elle essaya de l'appeler, sans succès, d'innombrables messages restèrent sans réponse. Lui qui avait été si proche était désormais si lointain, lui qu'elle aimait aujourd'hui, elle l'avait fait fuir hier. Et il ne reviendra pas. 

-T'en es sûr?

-Oui. Ces larmes le prouvent. Elle doit se résigner. Elle a gâché quelque chose, elle a perdu quelqu'un qui, en quelques semaines, lui avait apporté plus que personne au cours de sa vie. Ce doit être dur.

-Et l'homme?

-Il vit. Il revit, même. Et il n'a plus l'intention de se faire passer en second.

  • Certaines blessures sont des puits sans fonds... même avec le meilleur de nous-mêmes, il semble impossible de les combler... on ne peut qu’essayer, mais ne pas se laisser sombrer avec l’autre dans le fond...

    · Il y a presque 6 ans ·
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    nehara

    • Une blessure comme ça... Je pense que cette personne doit d'abord accepter qu'elle ne le doit principalement qu'à elle même...

      · Il y a presque 6 ans ·
      Djinn

      franekbalboa

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