L'attente d'un autre temps

Le sol de la pièce était recouvert de tomettes rouges, très foncées. La jeune fille était assise sur un fauteuil, le regard tourné vers la fenêtre ouverte. Elle attendait, blanche, dans la lumière du matin, les yeux perdus dans le vague de ses pensées, écoutant le chant délicat du rossignol. Viendrait-il ? Etait-il en vie ? Ou bien s'était-il volatilisé dans la violence du combat ?

La brume se levait progressivement, laissant quelques gouttes de rosée scintillante sur les roses trémières du jardin, lorsque les pas assurés d'un cheval retentirent. La jeune femme sursauta, partagée entre inquiétude et réjouissance, puis se leva, ne sachant à quoi s'attendre. Elle approcha de la fenêtre mais resta prudente, se dissimulant derrière le rideau. Quelques instants plus tard, elle aperçut un homme sur son étalon bai-brun, la barbe et les cheveux longs, le muscle saillant sous sa chemise de lin. Elle ne reconnut pas immédiatement celui qu'elle n'attendait plus. Elle l'observa depuis sa place, sans bouger et attendit qu'il se présentât à la porte. Mais celui-ci entra sans frapper, agité d'une fureur palpable. Elle s'efforçait de ne pas remuer lorsque la porte de la pièce où elle se trouvait s'ouvrit à son tour, violemment.

Ils se regardèrent longuement, dans le silence de ce moment, suspendus entre les ailes du temps dont la course est infinie. Les mots n'étaient pas leur nécessité première en ces instants et leurs yeux se disaient tout, résumant la force primitive qui anime deux êtres en perdition se retrouvant subitement, hors des ténèbres de l'absence.