L'autoroute

Vincent Jounieaux

Les cimes pyrénéennes se découpaient sur le ciel bleu azur. Premier jour de vacances ! Le soleil au zénith inondait l’habitacle du monospace. Une belle journée d’été, la première pour Nathan qui passait sa vie cloîtrée à l’ombre des tours en béton. Retour à la nature après ces mois à courir d’une ville à l’autre, sillonnant l’Europe en TGV ou avion, sautant d’un hôtel à l’autre, revenant inexorablement au siège central de Paris, ne retrouvant que trop rarement sa petite famille dans le Nord. Dur métier que celui de trader…Ils avaient quitté Valenciennes vers 23 heures et roulé de nuit pour ne pas imposer aux enfants les affres du voyage prolongé. Destination : le village d’Accous, près de la frontière espagnole. Il activa la fermeture du toit coulissant : la lumière de juillet l’éblouissait malgré ses lunettes de soleil. Il ferma un instant les yeux. La route avait été longue et une pause serait la bienvenue. Elle lui permettrait de consulter son portable : la récente chute du Dow Jones l’inquiétait. Agathe à ses côtés semblait plongée dans une profonde méditation pendant qu’à l’arrière, les enfants regardaient pour la énième fois un dessin animé aux chansons insipides et monotones.

« Avec une telle bande son à la guimauve, tu m’étonnes qu’ils soient calmes, pensa-t-il ! Tous les managers et autres spécialistes en com peuvent aller se rhabiller, ils n’arrivent pas à la cheville de ces compositeurs à la noix. Moi, elle me tape sur les neurones, cette musique de mongols ! »

Jugeant déplacé de pousser une gueulante en ce premier jour de grâce, Nathan opta pour un peu d’air non recyclé sur le visage. Besoin de s’oxygéner le cerveau ! Il amorçait une mouvement pour baisser sa vitre quand il jeta un rapide coup d’œil sur l’ordinateur de bord : température extérieure 32°. N’y pensons plus !

La circulation était fluide sur l’A666 et il se concentra sur l’asphalte qui se déroulait sans fin devant lui, écarquillant avec peine ses paupières de plomb. Bientôt, ils dépassèrent un panneau signalant une aire de repos. Ses yeux le brûlaient mais il jugea pouvoir attendre l’aire suivante annoncée dans soixante dix kilomètres et décida d’ignorer la pause qui lui tendait les bras. Trente minutes encore à endurer le refrain des princes très charmants, la romance des pulpeuses princesses et le silence d’Agathe. Trente minutes pour connaître les répercussions des troubles secouant le Moyen-Orient sur les cotations en bourse des principaux actionnaires dont il gérait le portefeuille. Son patron n’avait pas apprécié son départ en vacances.

« Merde ! Je n’ai pas pris de vacances l’été dernier, maugréa-t-il en lui-même. Il a signé lui-même ma demande de congés ! Il était au courant. C’est son problème ! Il  aurait du anticiper. Quand on est à la tête de…

- Nathan ! », hurla Agathe.

Le cri de sa femme lui fit faire une embardée. Il freina. Le régulateur de vitesse se coupa. À cent trente deux kilomètres à l’heure, la voiture se rabattit brutalement sur la voie de droite. Les pneus hurlèrent une brève seconde, le temps du rétablissement.

« Tu es dingue ?, poursuivit-elle. Arrête-toi là ! »

Son doigt indiquait la bretelle de dégagement. En dessous du pictogramme signalant l’aire de repos, on pouvait lire « Sortie 13 - Lac de Coucy ». 

« Désolé ! »

Il ne trouva pas d’autres mots pour justifier sa conduite. Il aurait du céder le volant ou s’arrêter avant de piquer du nez, avant de mettre en danger sa famille. Confus, il bifurqua et s’engagea sur la voie de sortie. Pause ! Oui, pause. Pause pour les emmerdes, pause pour le boulot, pause pour le couple ! Il jeta un coup d’œil dans le rétroviseur. Les enfants avaient eu peur, surtout Margot. La petite était sensible et, au cri de sa mère, les larmes lui étaient montées aux yeux. Pause aussi pour le dessin animé. Les princes avaient suspendu leurs complaintes, les princesses retenaient leurs soupirs mais le silence s’avérait plus insupportable que leurs jérémiades musicales. Nathan serra les dents.

*

La voie s’éloignait de l’A666 en amorçant une montée un peu raide. En haut de la pente, la crête dentelée de sapins masquait le paysage et seules émergeaient sur la gauche les montagne enneigées. Nathan rétrograda pour lancer le moteur.

- « Waoou ! »,  dit Alexandre lorsqu’ils parvinrent au sommet.

Devant eux s’étirait un lac aux eaux miroitantes. La bretelle de dégagement se poursuivait sur un pont tendu au dessus de l’étendue turquoise qu’il coupait en plein centre. La voie suspendue à une dizaine de mètres de hauteur s’inclinait ensuite vers la berge opposée située à deux kilomètres environ.

- « Y’a même des bateaux, ajouta l’enfant dont le nez pointa entre les deux sièges avant.

- Remets ta ceinture, grogna Nathan sans tourner la tête.

- Écoute ! Ce n’est pas la peine d’être désagréable avec lui ! », répliqua Agathe d’un ton qui n’autorisait aucune réplique.

La vue était magnifique. Nathan aperçut au loin l’aire de repos nichée sur la berge : une sorte de ranch émergeant des frondaisons de la forêt alentour. Une flopée de pédalos jaune citron sillonnait les eaux, contournant les piles du pont, traçant des arabesques autour de l’île aux plages accueillantes. La bretelle suspendue passait juste au dessus d’elle, rasant les sapins qui la couronnaient et Nathan entrevit un groupe de jeunes bronzant au soleil. L’endroit semblait hors du temps, loin du monde et de sa société effrénée et Nathan aurait du se sentir en vacances mais, étrangement, un malaise indéfinissable obscurcissait ses pensées.

*

            Il avait tout organisé et, théoriquement, tout aurait du bien se passer ! Pourtant un funeste pressentiment lui tenaillait les entrailles. Rien ne se déroulait comme prévu, d’abord ce maudit assoupissement puis les pleurs contenus de Margot et enfin les remontrances d’Agathe. Quels aléas l’autoroute A666 lui réservait-elle encore ? Il chassa ces pensées et fixa son attention sur la bretelle suspendue, qui, après avoir survolé l’îlot, amorçait une descente en pente douce vers le relais routier. Alexandre, le nez écrasé sur la vitre où s’étalait le souffle de ses narines, dévorait des yeux les vacanciers chahutant sur leurs pédalos. Nathan aperçut dans son rétroviseur le clignotant orange d’un énorme poids lourd se préparant à le dépasser. Sans s’en rendre compte, il avait considérablement ralenti et se traînait lamentablement ! Son portable vibra dans la poche revolver de son jean.

« Merde ! Ce doit être le boss, pensa-t-il. Il ne me lâchera pas tant que je ne l’aurai pas rappelé ! »

Le pare choc avant du semi-remorque pointait son nez à la hauteur du monospace quand, brutalement, la lumière déclina, plongeant l’habitacle dans l’obscurité. Nathan écarquilla les yeux. Les ténèbres avaient englouti la route et il ne distinguait plus que l’esquisse du tableau de bord, la vague silhouette de son épouse figée à ses cotés et le pâle contour des enfants à l’arrière du véhicule. Mais comment diable  pouvait-il regarder simultanément  vers l’avant et vers l’arrière ? Une épouvantable sensation s’empara de lui, une impression de flotter qui balaya ses interrogations. Il se cramponna mais ses mains, inaccessibles, s’étiraient à des milliers de kilomètres de sa volonté, là-bas, dans le lointain où elles se crispaient sur le volant. La lumière s’étiola encore et les objets se teintèrent d’une vilaine couleur sépia. Il se retourna sur lui-même et se contempla avec un détachement qui lui glaça les os : trente cinq ans mais un visage trahissant une vie brûlée par les deux bouts. Des cheveux blancs striaient sa chevelure d’ébène, des poches sous les yeux, une vilaine peau, épaisse, abîmée et un rictus désabusé aux coins des lèvres. Une gueule qui hurlait l’alcool, le speed, la coke, l’adrénaline et le désespoir ! Le reflet macabre de sa première femme décédée en quelques jours d’une leucémie foudroyante scintillait dans ses prunelles. Il avait cru pouvoir oublier, refaire sa vie. Il avait oublié, bâtit une nouvelle vie, engendré deux charmants bambins mais la douloureuse plaie s’étalait au grand jour. Il repoussa des lèvres le prénom de la défunte, craignant convoquer des souvenirs insurmontables. Ses mains glissèrent avec lenteur sur le volant. Le temps s’égrena avec hésitation. Le mouvement déporta le monospace sur la gauche, propulsant lentement la voiture vers l’imposant camion en train de doubler. A travers la noirceur d’une vitre, Nathan devina l’expression paniquée du chauffeur. Dehors, le lac et son relais routier avaient disparu dans la nuit de cendres où l’horizon bascula. Une phosphorescence bleutée émergea de nulle part, soulignant les rails de sécurité, éclairant les reliefs du poids lourd et le ventre des cumulus de suie. Nathan ne distinguait maintenant plus les siens, perdus dans l’ombre de la voiture qui percuta au ralenti le semi-remorque. Sous l’impact, le monospace se souleva légèrement. A cet instant, les cheveux de Nathan se dressèrent, il hurla mais ne proféra aucun son. Devant ses yeux effarés se dressait une foule fantomatique, une horde d’adultes et d’enfants dont les silhouettes nébuleuses s’étirait à perte de vue, massée sur toute la largeur de l’A666. Les ombres émergèrent du néant telle une image subliminale de l’enfer, des spectres aux jambes plongées dans le bitume, aux contours s’effilochant dans la nuit. Leurs visages se fondaient dans la noirceur ambiante et seuls brillaient leurs yeux sous l’habit de ténèbres. Le temps reprit son cours et Nathan hurla.

*

Le choc de l’accident couvrit les klaxons beuglant à ses oreilles. Nathan braqua violemment vers la droite pour se dégager du poids lourd dans lequel il s’encastrait. La voiture fit une brusque embardée, suivi d’une tête à queue dans un hurlement de freins et de pneus. De son coté, le conducteur du poids lourd avait pilé, les freins bloquèrent les roues qui tressautèrent longtemps avant que s’immobilise le semi-remorque quelques mètres plus loin. Le silence retomba. Des traînées de gomme dessinaient des courbes emmêlées sur le bitume. Une forte odeur de caoutchouc brûlé imprégnait l’autoroute immobile. Nathan ne bougea pas, terrorisé à l’idée que le moindre geste puisse relancer la séquence de l’accident. Le calme revint par paliers et, quand il fut capable de considérer la réalité, il se retourna avec angoisse sur sa famille. à son grand soulagement, aucune trace de sang, blessure ou ecchymose n’était visible :les enfants allaient bien, Agathe était vivante. Il expira longuement l’air retenu dans sa poitrine et, seulement alors, la peur reflua et Nathan céda au vertige qui l’envahissait. La tête lui tournait, une froide sueur poissait sa chemise. Un choc sur sa vitre le fit sursauter, il n’avait pas vu approcher le chauffeur du poids lourd. La portière poussa un long grincement  métallique quand, les jambes flageolantes, il parvint à s’extraire de la voiture.

*

« Tu prends quoi, chéri ? »

La voix de sa femme ne parvint pas à le ramener à la réalité et il demeura plongé dans ses ruminations. Il avait mis en péril sa famille à deux reprises… D’abord cet assoupissement, puis cette hallucination ! Que diable arrivait-il ? Un cauchemar éveillé ? L’horrible vision continuait à le hanter. Il lutta pour se concentrer sur le moment présent.

Tous les quatre se trouvaient autour d’une table du snack-bar. Autour de lui, de nombreux clients déjeunaient dans le doux brouhaha des conversations que découpait le tintement des couverts. Dehors, de jeunes corps se gorgeaient de chaleur et le bruit étouffé de leur chahut lui parvenait à travers les murs. À sa gauche, un jeune homme et une beauté platinée ne parvenaient pas à régler discrètement leurs problèmes de couple et le patron du relais, une sorte d’ogre bedonnant aux cheveux graisseux, se tenait prêt à secourir la belle enfant qui, à son désespoir, se débrouillait très bien toute seule. Un fusil accroché derrière le bar semblait garantir la sérénité du lieu. À droite, un biker solitaire, la mine patibulaire, descendait une bière avec délectation. Sa queue de cheval veinée de blanc pendouillait alors qu’il levait son verre, le gosier tressautant à chaque goulée, la mousse s’échouant en écume sur sa moustache.

Le chauffeur routier avait été conciliant, pensa Nathan. Ils s’étaient arrangés à l’amiable, sans faire de constat et, pour le remercier, Nathan l’avait invité à déjeuner mais l’homme avait décliné l’offre, préférant s’isoler pour dormir un peu. Un norvégien qui retournait dans son pays. Son camion n’avait pas souffert de l’accident. Il faut avouer que le semi-remorque était un monstre aux flancs blindés, aux parois de plomb renforcé : transport de déchets radioactifs vers les centres de traitement. Aucune indication ne transpirait sur les flancs de la remorque afin ne pas effrayer la population. Aujourd’hui, le camion roulait à vide et circulait sans escorte. Par contre, la carrosserie du monospace était fortement endommagée avec l’aile avant gauche et la portière défoncées. Mais la mécanique était intacte : les vacances étaient sauvées !

« Tu as choisi ?, reprit Agathe.

- Pas très faim…, parvint-il à grogner entre ses dents.

- Allez ! Je te commandes des escargots ! Tu les aimes et je t’en fais rarement.

- Des escargots ? Pouaah ! Dégueulasse, commenta Alexandre, tirant de dégoût une petite langue rose pour enchaîner aussitôt : Papa, après, Margot et moi, on pourra aller jouer dehors ?

- Oui, bien sur ! », répondit aussitôt leur mère.

Agathe avait raison de lui couper l’herbe sous le pied. Elle savait qu’il allait dire non, invoquant la route à finir, la fatigue et d’autres excuses bidon. Il était trop fâché pour accorder un peu de bonheur aux gosses. L’écran plasma accroché au mur diffusait d’horribles images en provenance du Moyen Orient. L’ambassade de France avait été détruite, soufflée par une bombe, l’ambassadeur et sa famille pendus.

« Pouvez-vous changer de chaîne, s’il vous plait Monsieur ? Pour les enfants, demanda Agathe au barman obésoïde qui opina tant la tête que de la bedaine.

- Tout d’suite, Mdame. »

Et rebelote avec ces maudits dessins animés pour enfants attardés. Le sort poursuivait Nathan comme son patron et ce portable qui ne cessait de vibrer.

Il ne goûta pas sa douzaine de gastropodes mais les enfants engloutirent leurs steaks frites et déclinèrent le dessert, trop pressés de filer au bord du lac. Agathe les mit en garde : pas question de se mouiller. Le linge de rechange n’était pas accessible… Alexandre demanda à sa mère de l’accompagner aux toilettes. Nathan soupira. Son fils n’était pas encore capable d’aller pisser seul !

*

Dès qu’Agathe et Alexandre eurent disparus, il sortit le portable de sa poche arrière et rappela le dernier numéro : le siège central à Paris. Margot, les yeux levés, suivait les péripéties d’un gnome vociférant sur l’écran suspendu. La petite paraissait épuisée et, les traits tirés, s’abandonnait au rythme hypnotique du cartoon. Régulièrement, elle jetait un coup d’œil sur son père. Sa bouche tremblait légèrement comme si elle cherchait à lui parler sans y parvenir.

« Nathan !, hurla la voix à l’autre bout de la ligne, qu’est ce que vous foutez ? Vous avez vu la dégringolade des marchés ? C’est une catastrophe internationale. J’ai besoin de vous ici ! Tout de suite !

- Je suis en vacances, Monsieur ! Cela fait deux ans que je n’ai pas décroché. Vous n’avez qu’à demander à Thomas : il est aussi compétent que moi ! »

Mais les paroles du boss l’avaient accroché. Que se passait-il donc dans le monde extérieur ?

« - Vous… Paris…  je vous… rentrer… mille euros…

- Attendez : je ne vous capte plus. Le réseau est mauvais !

- Papa ?

-Vous m’entendez ? Oui ou merde ?, beugla à nouveau son patron et Nathan le reçut cinq sur cinq.

- Oui, ça va mieux !

- Je vous garantie une prime de cinq mille euros mais j’exige que… »

La friture l’empêcha d’entendre la condition. La vache ! Une telle somme méritait un peu de considération. Cinq mille euros ! Même Agathe serait sensible à l’argument. Il se leva pour sortir, le portable rivé à l’oreille.

- Ne quittez pas ! Surtout ne quittez pas ! »

Il fit un sourire à sa fille, boucha de son doigt le micro du téléphone et dit :

« Margot, ne bouge pas d’ici ! Je passe un coup de fil dehors et je reviens tout de suite. Maman va arriver.

- Papa. J’ai peur !

- Papa revient tout de suite. Promis !, lui souria-t-il en s’éloignant.

Il devait faire vite, craignant se faire surprendre en pleine conversation professionnelle par son épouse.

- Papa, je les ai vu, moi aussi !, murmura Margot. Il vient me chercher ! »

Mais Nathan n’entendit pas ses paroles…

*

De retour, Agathe l’attendait à la table. Seule.

« Margot n’est pas avec toi ?, l’interrogea-t-elle aussitôt.

- Je l’ai laissée là, il y a cinq minutes, le temps d’aller chercher une clope dans la voiture. Elle doit être avec Alexandre.

- Tu refumes ? Oh ! Non ! »

Elle demeura silencieuse, perplexe avant de reprendre :

« Margot n’est pas avec Alex. Je viens de le quitter. Il est parti jouer dehors. Je lui ai dit que nous le rejoignions.

- Je n’ai pas vu sortir Margot. Elle doit être aux toilettes. Vous avez du vous croiser. Allons voir. »

Ils fouillèrent les WC mais ne trouvèrent aucune trace de leur fille. Agathe commença à paniquer.

« Ils ne peuvent pas être bien loin, suggéra Nathan pour la rassurer. Margot est sortie rejoindre Alexandre pour jouer. La journée est magnifique. Et puis avec tous ces pédalos… »

*

Agathe se rua vers l’extérieur tandis que Nathan réglait l’addition. Dehors, le poids lourd qu’ils avaient embouti amorçait un large virage et se préparait à rejoindre l’autoroute. Agathe fit de grands signes de bras au chauffeur qui s’arrêta à sa hauteur dans un concert des freins hydrauliques. La vitre s’abaissa sur le visage avenant du routier.

« - Vous n’auriez pas vu mes enfants ?, demande-t-elle ?

- Ben, si. Le fiston est aux balançoires.

- Où ça ?

- Ben, juste à coté du parking, du côté des pédalos. »

Agathe poussa un soupir de soulagement. La chape de plomb qui l’étreignait s’envola. Elle prit conscience de la clarté du soleil, de la chaleur de la journée et du chant des oiseaux dans les sapins. La vie reprenait des couleurs.

« Merci, Merci beaucoup. »

Elle lui adressa son plus beau sourire, lui souhaita bonne route vers le nord et courut jusqu’à l’aire de jeux. Quand elle arriva aux balançoires, le souffle coupé, elle vit aussitôt Alexandre. L’enfant était seul, perdu dans la contemplation de ses chaussures pendouillant à quelques centimètres du sol. Les cernes sous ses yeux accentuaient la pâleur de son visage. Son cœur de mère se serra : un malheur  était arrivé !

« Alex ! Où est Margot ? »

A ces mots, l’enfant s’effondra. Sa frimousse se chiffonna, il sauta de l’escarpolette et se jeta dans les bras de sa mère où il éclata en sanglots. L’arrivée de son père ne calma pas son désarroi et ce n’est qu’après de longues minutes qu’il parvint à maîtriser ses larmes. Quand Alexandre fut capable d’aligner plus de deux mots, il avoua avoir pris peur en se retrouvant seul. Il n’avait croisé ni son père, ni Margot en quittant le snack et aucun enfant ne l’avait rejoint aux balançoires.

Nathan sentit l’angoisse lui nouer les tripes. Il enjoignit son épouse de rester avec Alex et s’empressa de vérifier si Margot ne traînait pas du côté des pédalos ou ne les attendait pas au snack devant la télévision.

Mais Margot n’était pas là. Ils fouillèrent ensemble l’aire de repos, de long en large, interrogèrent les vacanciers. En vain ! Des jeunes et même le barman se joignirent à eux pour chercher leur fille. Sans plus de succès. Margot demeura introuvable et leurs appels restèrent sans réponse. Plus le temps passait, plus Alexandre se décomposait. Nathan finit par réquisitionner un pédalo, sillonna le lac. Agathe craignait que la fillette se soit noyée mais lui ne croyait pas à cette hypothèse. Margot savait bien nager et n’aurait pas enfreint les recommandations de ses parents.

Il était quinze heures trente sept quand il appela la police…

 

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SYNOPSIS :

2

Appel de la police. Premier cas de ce type. Injonction à rester sur place. Nuit au relais. Recherche par hélicoptère avec caméra thermique. Réveil brutal par un violent éclair suivi d’une déflagration ( ?). Feu de forêt. Agathe voit sa fille avec un adulte et les poursuit dans la forêt. Nathan et Alexandre la rejoignent. Le vent se lève. Encerclés par le feu.

3

Ils reviennent sur leurs pas et se sauvent en pédalo sur l’île. Ils se réfugient dans une petite grotte au pied d’un pilier de la bretelle. Nathan entend l’hélicoptère. Il sort pour signaler leur présence. Le jour se lève : Nathan n’est pas revenu.

4

Agathe et Alexandre cherchent Nathan en vain sur l’île. Agathe croit voir son mari avec son ex-femme décédée. Agathe se domine pour ne pas effrayer Alexandre et décide d’attendre sur l’île la fin  de l’incendie de forêt. Dans la nuit survient un tremblement de terre.

5

L’autoroute de fracasse et tombe dans le lac. Des crevasses s’ouvrent dans l’île et Agathe se trouve séparée de Alexandre. Elle saute au dessus d’une faille, se fracture la jambe. Alexandre la hisse. Ils s’enfuient sur le lac. Le lac se soulève et engloutit le pédalo. Agathe voit la terreur dans les yeux de son fils avant de se noyer.

6

Alexandre dérive accroché au pédalo. Cherche sa mère, pleure, a faim et soif. Accoste au pied d’une pile du pont. Voit sa mère et son père de l’autre côté du lac mais ne comprend pas leurs paroles. La nuit apparaît une autoroute fantôme avec ses voitures suspendues dans le vide.

7

Alexandre grimpe sur l’autoroute en utilisant un sapin calciné. Voitures et squelettes. S’endort et rêve de son meilleur ami Noah, mort cette année. Noah est à ses cotés. Noah le touche. Quelque chose se produit…

8

Sa peau brille de la même opalescence que l’autoroute fantôme. Il est capable d’emprunter celle-ci et aperçoit au loin la voiture de Papa. Il se découvre à l’intérieur de la voiture et se souvient de sa vision de fantômes. S’était-il vu lui-même ? Alexandre s’aperçoit que les voitures se déplacent lentement.

9

Alexandre se dirige vers l’endroit où la vision lui était apparue. Il y parvient et attend. Quand la voiture de Papa apparaît, le temps ralentit et Alexandre découvre les visages effrayés des passagers. Alexandre se retourne. A ses côtés se tient Noah et derrière lui, un foule de fantômes. Ceux-ci lui expliquent qu’il est décédé la première nuit dans l’explosion d’une ogive atomique (la troisième guerre mondiale est déclarée) mais que son don (communications avec les vivants) peut sauver l’humanité ! Les spectres sont des anges gardiens mobilisés pour sauver le Prophète. Alexandre « mort » parle au Alexandre « vivant ». Flashback : quand Maman est aux toilettes et papa au téléphone, Alexandre emmène Margot dans la remorque du camion blindé. Ainsi survivra-t-elle à l’attaque nucléaire.

10

Trente ans plus tard. Discours de Margot, devenue le leader politique pour la paix dans le monde. On l’appelle aussi « le Prophète ».

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