Le hameau
maryil
LE HAMEAU
1. Sur la route des vacances, la famille Viguier s’arrête dans un restoroute suite à une panne. La voiture au garage, ils déjeunent au restaurant de la charmante Madame Robert. Le père de famille, Patrick, ne reviendra jamais des toilettes. La police ne venant que le lendemain, la mère, Florence, et les enfants s’installent dans une chambre du motel. En faisant un tour, la mère découvre la chaussure déchiquetée de son mari.
2. Deux inspecteurs, Denis Rivet et Mélanie Tomas, sont envoyés sur les lieux. Les interrogatoires commencent. La piste principale est la présence d’une bête dans la région. Denis et Mélanie promettent de revenir avec un mandat de perquisition. La nuit tombe sur le hurlement d’un loup qui glace le sang de la famille.
3. Mélanie demande une recherche ADN et enquête sur les disparus de la région.
Denis décide d’interroger les témoins sur un clochard disparu selon la serveuse. Madame Robert assure l’avoir vu partir à pieds en direction de l’autoroute A666 : celui-ci devait de l’argent. Mélanie revient et pose sur une table quatre dossiers sur des « affaires non résolues ».
4. Les inspecteurs persuadent la mère et ses enfants de quitter les lieux. Ils font des prélèvements dans le coffre : pas de traces de sang. Florence quitte le hameau furieuse d’être soupçonnée. Les recherches ne donnent rien. En observant la vieille bâtisse, Denis s’aperçoit que l’extérieur ne correspond pas à l’intérieur. Ils découvrent une porte dissimulée dans un réduit.
5. Du renfort arrive. Le couple Viguier avait des problèmes de couple. Toujours pas de nouvelles de Patrick. Ils s’équipent et commencent leur exploration. Ils découvrent un couloir puis une vaste pièce. Au sol, une vieille trappe à demi cachée qui dévoile une galerie souterraine.
6. Ils trouvent des morceaux de tissu déchirés. Les recherches leur apprennent que les animaux aux alentours ont été éventrés à coups de couteau, comme pour mener sur la piste d’une bête. Ils enquêtent sur la propriétaire et découvrent que le hameau appartient à un certain Yves Garlant. Denis et Mélanie se rendent à l’hospice et rencontrent l’homme qui a la maladie d’Alzheimer.
7. Enquête sur la vie de Josiane Robert et de ses trois maris, dont deux ont disparus, jusqu’à son installation dans le restoroute avec Garlant, son troisième mari. Fouille du resto route, où l’on découvre une pièce de survie ainsi que des os.
8. Florence est interrogée sur ses problèmes de couple. Ils ne trouvent pas de trace d’elle et tombent sur d’anciens articles sur Madame Robert et ses enfants.
9. Interrogatoire de la vieille Robert qui raconte ses malheurs et passe aux aveux. Elle parle du meurtre de ses deux premiers maris et de ceux de quatre voyageurs…
10. Ils reconnaissent Florence sur la photo d’un article. Elle est la fille de Josiane Robert. Elle se barricade avec ses enfants. On apprend son histoire. Madame Robert et sa fille s’accusent toutes les deux de la responsabilité du meurtre de Patrick Viguier et de son organisation.
LE HAMEAU. Chapitre Un.
-Boouuuuuu Oouuuh, le loup-garou va t’attraper !
Le cri de Lola, 10 ans, retentit dans la voiture et déclencha au bout de seulement deux heures de route la colère de sa mère.
-Oh ! Mais qu’est-ce qui se passe derrière ?!
-C’est Paul qui dit que le loup garou va m’attraper !
-Paul, tiens toi tranquille sinon je t’enlève ce livre ! Tenez vous tranquille TOUS LES DEUX !
Florence souffla un bon coup. Elle ajouta plus calmement :
-Je dois préparer notre feuille de route, planifier toutes les activités qu’on va faire, savoir combien ça va nous couter et tout ça. Donc, s’il-vous-plait, calmez-vous.
Le voyage avait à peine commencé que Florence était déjà épuisée. Elle avait posé ses petites fiches cartonnées en équilibre sur un genou et une carte de France sur l’autre. Chaque soubresaut de la voiture et chaque geste brusque de la conduite de son mari faisaient monter en elle un énervement qu’elle parvenait pour l’instant à maitriser. Ses enfants savaient que dans ces moments là, elle ne se retournerait pas aussi calmement la deuxième fois. Ainsi, Paul, 13 ans, plongea la tête dans son livre laissant sa petite sœur écouter sagement son walkman.
Florence jeta un coup d’œil sur son mari et fit la moue. Sa tenue ne lui convenait pas. Elle avait bien tenté le matin même de le dissuader de mettre son short troué fétiche et ses vieilles espadrilles en toile noire mais il n’avait pas voulu l’écouter.
-Oh… Mais on part en vacances, Flo !, lui avait répondu son mari. Tu crois qu’on va croiser un seul mec en costume cravate sur la plage?! N’importe quoi ! Ecoute, je m’habille comme ça. Que ça te plaise ou non !
Sur ces paroles, Patrick avait immédiatement bouclé la valise et préparé la voiture.
-Allez les enfants, on y va et on ne discute pas.
Et voilà comment, dès la matinée, Florence avait commencée à se renfrogner.
-Raconte- nous papa, s’il te plait, l’histoire de grand-père, demanda calmement Paul.
Patrick sourit mais chercha d’un regard l’assentiment de sa femme avant de se lancer. Il prit une voix inquiétante et rauque et raconta :
«Une bête faisait régner la terreur dans la région de nos ancêtres. Elle se déplaçait au gré des troupeaux et ne faisait pas de différence entre un mouton et un enfant. Un soir d’été, bien avant même que votre grand père ne soit né, on raconte que trente moutons et leur berger ne furent jamais retrouvés. Il n’en était resté que des lambeaux de chairs, de laine et … quelques bouts de la blouse du vieux berger. »
Les enfants oscillaient entre la peur et le rire. Leur père continua son récit, faisant les gros yeux dans le rétroviseur pour faire plus d’effets.
« Quand votre grand-père était petit, il a assuré avoir été face à face avec une bête, bien plus grande qu’un loup… Mais le temps de crier et la bête était miraculeusement partie. »
Reprenant sa voix normale :
-Vous imaginez que jamais ses parents ne l’ont cru, une bête féroce l’aurait emporté loin et ne l’aurait pas laissé comme ça dans la … MERDE !!!
Devant le regard médusé des enfants, il se reprit :
« Zut ! Zut de zut ! Voilà que le voyant de l’huile s’allume... Il va falloir s’arrêter parce que je ne sais pas combien de temps la voiture pourra encore tenir. »
Patrick avait commencé à suer à grosses gouttes. Au bout de quelques longues minutes, Florence s’exclama :
- Là, regarde !
Florence lui indiqua le panneau d’un garage et d’un restoroute situés à 15 kilomètres. Ils quittèrent la A666 et s’engagèrent dans la campagne profonde. Ils finirent par arriver dans un petit hameau, qui semblait abandonné. La porte du garage était pourtant grande ouverte, une vieille pancarte en métal indiquait « Chez Frédo ». Patrick se gara et tout le monde descendit de la voiture. Le garagiste, la quarantaine bien sonnée, débraillé, vint à leur rencontre. Patrick eu la drôle d’impression de le connaitre.
- Bah qu’est-ce qui vous arrive ?
-Bonjour monsieur. Le voyant s’est allumé, c’est peut-être une fuite d’huile, j’ai préféré m’arrêter.
- Y a des chances que ça vous coute cher avec ce modèle, les pièces sont pas données. C’est une Mustang de 65, nan ?
-67, répondit Patrick sèchement. Jusqu’à combien ça pourrait monter ?
- C’ dépend ! Vous êtes drôle, vous ! C’dépend si c’est le bouchon de vidange, le filtre à huile ou carrément aut’ chose ! Ça peut grimper jusqu’à 1000 euros !
Patrick siffla.
-Et beh dites donc, plutôt que de faire une école de commerce, j’aurais mieux fait de devenir garagiste, les temps ne sont pas durs pour tout le monde.
Le garagiste lui décocha un regard noir.
- J’ peux regarder vot’ voiture pendant qu’ vous allez déjeuner si vous voulez. Ma mère tient le restoroute et le petit motel, just’ là. Je dois juste faire une course après mais je s’rai de retour pour quatr’ heure.
Patrick regarda sa montre, il était déjà 13h. Les enfants jouaient à chat sur la pelouse un peu plus loin. Il les appela et, sans un regard pour sa femme, se dirigea vers le resto. Celle-ci le suivit sur les talons.
Le restoroute ne payait pas de mine. La façade extérieure aurait gagné à être rafraichie. L’intérieur était vieillot mais propret, à l’image de la propriétaire des lieux qui vint à leur rencontre. La mamie se présenta, elle s’appelait Madame Robert. Sa petite voix chevrotante la rendait d’office sympathique : elle rappelait la grand-mère modèle des pubs Mamie Nova. Elle tint à leur montrer des anciennes coupures de presse datant de sa jeunesse. Madame Robert avait été lauréate de nombreux concours de poésie et de chant dans la région. Elle devait être une petite célébrité à une époque qui semblait aujourd’hui lointaine.
-Ces articles sont mon seul pêché d’orgueil, avoua-t-elle. Oh, mais je vous dérange avec mes vieilles histoires ! Prenez place, je vous envoie ma petite serveuse.
Le restaurant étant vide, le choix se porta sur la table la plus proche de la baie vitrée afin de garder un œil sur le garagiste qui s’affairait à trouver la faille de la rutilante Ford Mustang rouge. Patrick n’avait que moyennement confiance en ce « Frédo » qui ne devait son poste qu’aux rares pannes de l’autoroute et à son lien de filiation avec la propriétaire des lieux. Seul le plat du jour était proposé sur un tableau noir mais, le hasard faisant bien les choses, c’était le plat préféré de Patrick. Quatre risottos aux cèpes furent donc commandés avec une bouteille de Cahors et, exceptionnellement, des sodas pour les enfants.
-Il faut bien marquer le coup pour le début des vacances, dit-il à Paul et Lola quand ceux-ci écarquillèrent grand leurs yeux pendant la commande.
Il faut dire qu’à la maison, on ne plaisantait pas avec l’éducation. Les boissons et goûters sucrés étaient bannis des placards, les rythmes de sommeil respectés à la lettre et, c’était d’ailleurs là le principal point d’accord entre leurs deux parents, les punitions tombaient à chaque écart de comportement. Lola et Paul étaient des enfants plutôt dociles et ne semblaient pas particulièrement troublés par cette discipline.
Le repas fut correct et vite mangé. Patrick fit remarquer à Florence qu’il avait raison : ses espadrilles noires et usées ne gênaient ni madame Robert, ni les « nombreux » clients du restoroute. Florence leva les yeux au ciel.
-Maman, est-ce qu’on peut sortir de table, s’il te plait ?, demandèrent les enfants
-Oui, vous pouvez aller jouer dehors mais ne vous éloignez pas du restaurant, répondit Florence. Paul, surveille bien ta sœur, qu’elle ne s’approche pas de la route. Et restez à l’ombre !
Les deux enfants sortirent en courant. Il faisait un grand soleil. Ils trouvèrent sur le côté du restaurant un vieux cheval à bascule en bois et s’y amusèrent un bon moment. Ensuite, ce fut un chat qui attira leur attention. Le vieux chat de gouttière portait un collier en dentelle blanche.
- Celui-là, il doit appartenir à la mamie !, s’exclama Paul.
Ils sortirent de leur poche les bonbons que celle-ci leur avait donné, caressèrent et taquinèrent le chat qui ne cherchait qu’à rester l’objet de leur attention. Il se faisait ainsi dodelinant, mielleux et doux à l’image de sa maitresse.
Arriva le moment où il se lassa des caresses des deux enfants et se détourna d’eux aussi vite qu’il était venu. Les enfants, déçus, décidèrent de rentrer rejoindre leurs parents. A la montre de Paul, il était déjà 15h30.
A l’intérieur, ils retrouvèrent leur mère, seule, à la table.
-Il est où, papa ?, demanda Paul.
-Il vient de partir aux toilettes. Il va être l’heure de retourner chez le garagiste donc restez là maintenant.
Les deux enfants voulurent aussi y aller. Florence demanda que Paul accompagne d’abord sa sœur aux toilettes des filles. Après dix minutes, ils revinrent le visage inquiet.
-On n’a pas trouvé papa…
-Comment ça vous n’avez pas trouvé papa ?
Florence leur ordonna de rester là et alla faire un tour au fond du restaurant. Quand elle revint, elle essaya de paraître sereine aux yeux des enfants.
- Il a dû passer par la porte d’entrée et aller directement au garage. Allez les enfants, suivez-moi.
Elle se renseigna tout de même auprès de la jeune serveuse pour savoir si elle n’avait pas vu son mari passer. Celle-ci, bien que très gentille, était également un peu simple et se mit à rigoler : « non, elle ne l’avait pas vu, ah ça non ! ».
Florence lui assura qu’elle reviendrait régler le déjeuner, juste le temps de passer au garage. Le dénommé Frédo était rentré à l’instant et se mit à lui rapporter ses découvertes dès qu’il la vit.
-C’tait vot’ bouchon de vidange d’huile qui était…bah… fuyard, quoi ! Mais sur c’ modèle de voiture, j’en aurai pas avant après-demain. J’ai pris sur moi d’en commander un à mon fournisseur. Lui,’ l’ a internet et tout c’ qui faut. Il vous trouvera ça, m’dame. C’dépend si vot’ mari est d’accord, bien sûr !
-Il… n’est pas avec vous ?
-Beh non m’dame, je viens seulement de rentrer, là ! Il est pas au restaurant ?
Le sentiment d’inquiétude de Florence grandissait.
-Non… Je pense que je vais aller faire le tour du hameau avec les enfants… Ce n’est pas si grand que ça ?
-Ah ça pour sûr qu’en un quart d’heure, ça s’ra terminé. Il a p’t-êt’ voulu se dégourdir les jambes vot’ mari !
Florence esquissa un sourire mais prit de façon vive chacun des enfants par une main et ils sortirent tous les trois. Une fois dehors, ils entendirent la voix du garagiste leur crier :
-C’est bon pour le prix du bouchon magnétique ? 200 euros avec la main d’œuvre !
Florence fit un signe de loin. Un coup d’œil alentour et elle sut que la visite du hameau serait faite rapidement car il était uniquement constitué du garage, du restaurant et d’un petit bâtiment servant de motel. On se serait tout droit cru sorti d’un vieux feuilleton américain.
- Ou plutôt d’une vieille série B, se dit Florence à elle-même.
Les enfants suivaient sagement. Florence essaya de les rassurer en leur disant que leur papa était certainement parti trouver un autre garage. Il avait horreur de se sentir arnaquer. Sur le chemin, ils trouvèrent des plumes ici et là et plus loin quelques poules dans un enclos. Peut-être le cuisinier les tuait-il à cet endroit ? A moins que ce ne soit une bête? Mais immédiatement, Florence s’empêcha d’avoir des idées comme celles-là.
-Dis, maman, ce village là, ça ne peut pas être le village où vivait grand-père ?, se risqua de demander Paul.
Emma se mit à pleurer. Sa maman se mit à sa hauteur pour la serrer dans ses bras et la rassurer :
-Arrête de dire des bêtises, Paul. L’histoire de votre grand-père c’est une invention, d’accord ? C’est un peu comme les contes, qui sont racontés pour que les petits enfants soient sages. Alors, ne fais plus peur à ta sœur.
Quand ils revinrent au niveau du garage, Florence décida que, même si son mari revenait de sa « ballade », il leur faudrait dormir sur place. Il était déjà 17h. Le soleil se couchait tard en été mais le coin ne valait rien qui vaille pour une femme seule et ses deux enfants. Florence rentra dans le restaurant pour s’enquérir de la possibilité de louer une chambre. Madame Robert en fut très heureuse et s’empressa d’aller en préparer une. Ils retournèrent au garage prendre les valises laissées dans le coffre. Madame Robert leur fit signe du balcon. Ils prirent l’escalier extérieur et la rejoignirent.
-Votre mari n’est toujours pas rentré ?
-Non, madame. Je vais peut-être appeler la police.
-L’antenne de police est une annexe de celle de la grande ville. Elle ferme à 20h et ouvre à 6h du matin. Sinon, il faudra contacter la police de Limoges. Mais je crains qu’ils ne se déplacent pas ce soir pour… une fugue.
Florence remercia la vieille dame et ferma la porte, contrariée. La chambre n’était pas bien grande mais contenait deux petits lits doubles. Pour gagner de la place, elle rangea les valises dans le placard d’entrée et décrocha le combiné pour appeler la police. Elle expliqua à l’agent d’accueil que son mari avait disparu mais celui-ci ne voulut rien entendre. Tant qu’il n’y aura pas de véritable certitude, il faudra attendre 24 heures pour qu’un agent se déplace pour savoir si une enquête devait être menée.
-Avez-vous tenté de le joindre sur son portable ?, demanda l’agent.
-… Mais, bien sûr, vous me prenez pour qui ? Excusez-moi monsieur l’agent, je vous rappelle s’il y a quelque chose de nouveau.
Avant même d’avoir raccroché, elle composait déjà le numéro de portable de son mari.
-Décroche, décroche…
Son cœur fit un bond. Elle entendit la sonnerie du côté de la porte d’entrée et s’y précipita. Le bruit venait de la pièce qui devait être la salle de bain. Elle l’ouvrit, tremblante, pour apercevoir son fils fouiller dans la valise qu’il avait trainée là. Le portable sonnait toujours, elle se précipita sur lui avant que cela ne raccroche et se souvint ensuite que c’est elle-même qui l’avait rangé là.
-Mais à quoi ça sert d’avoir un portable !, se plaint-elle.
-Maman, j’ai faim !, dit Lola.
-Il est encore tôt, je vais vous mettre exceptionnellement la télé, ça nous changera un peu les idées, hein les enfants ?
Les enfants étaient ravis et s’installèrent auprès de leur mère qui choisit un reportage animalier. Quand il fut fini, ils décidèrent de descendre dîner.
Dans la salle de restaurant, ils étaient encore les seuls clients. Le diner fut frugal tant ils étaient inquiets. Florence ne put s’empêcher de revisiter les lieux. Elle regarda les coupures de presse de Madame Robert. Est-ce qu’elle vivrait aussi dans le passé quand elle aurait son âge ? La vieille dame vint à sa rencontre après le repas pendant que les enfants lisaient des magazines dans un petit salon. Et elle se mit à lui raconter, sans qu’elle lui ait demandé quoique ce soit, une légende des environs à propos d’une bête irréelle qui rôdait dans la région. Mais quand elle vit la pâleur de Florence face à elle, la vieille dame s’excusa de l’embêter avec ses vieilles histoires et tenta de la rassurer.
-Votre mari a dû vouloir trouver un autre véhicule et est parti à pieds sans penser que la ville la plus proche était si éloignée. La nuit va tomber, vous ne pourrez rien faire ce soir. Allez vous coucher et pensez à vos enfants.
Florence acquiesça. Elle devait avoir raison, elle y verrait plus clair demain. Elle appela les enfants qui la suivirent dans la chambre. Une fois en haut, elle décida d’aller faire un dernier tour.
-Ecoutez les enfants, je vous laisse un moment seuls. Allumez la télé si vous voulez mais vous fermez derrière moi et surtout vous n’ouvrez à personne. Personne à part moi, compris ?
Elle se baissa pour les embrasser.
-J’arrive tout de suite, ne vous inquiétez pas. Je te fais confiance Paul ?
Paul acquiesça. Il attendit qu’elle fût sortie pour refermer la porte derrière elle et prit sa sœur par la main. Ils s’installèrent sur le même lit et allumèrent la télé.
Florence, une fois dans le couloir, frissonna. Tout était sombre et un peu lugubre. De nouvelles coupures de presse jalonnaient ici et là les murs. Il fallait qu’elle se dépêche car la nuit tombait gentiment mais sûrement.
Dehors, il faisait toujours chaud mais le vent soufflait plus fort. Florence prit le même chemin que dans l’après midi pour faire le tour du hameau. Cela lui donna l’impression d’être en terrain connu. Son cœur se mit à battre quand elle s’approcha de l’endroit où, avec les enfants, ils avaient trouvé les plumes lors du premier tour. Il y avait là, ce soir, le cadavre d’un lapin. La vision de son ventre déchiqueté lui souleva l’estomac. Elle réussît à se maitriser et décida de rebrousser chemin. Et c’est à ce moment là qu’elle l’aperçut. Elle n’en était pas sûre et s’approcha, les mains tremblantes, jusqu’à ne plus avoir de doute.
Là, par terre, au pied des poubelles, se trouvait l’espadrille de son mari, déchiquetée.