L'autoroute (concours)

michaela163

Concours d’écriture Livre de Poche : « L’autoroute : roulez vers l’imprévu »

Episode 1:

   « J’ai très envie de faire pipi, maman », annonça Clara en se contorsionnant sur son siège. Cela faisait près de quatre heures qu’on roulait et on n’avait toujours pas fait de pause. Ni pause pipi, ni pause morosité. Jusque là, le trajet avait été plutôt calme et déprimant. Inhabituellement calme et déprimant même. On avait connu des départs plus gais, où on écoutait de la musique, où on chantait, où on riait en prévision de l’été ensoleillé qui nous attendait. Mais là, rien de tout ça : chacun s’occupait de ses affaires. Papa conduisait, maman regardait le paysage à travers la vitre, Clara lisait l’un des nombreux Sherlock Holmes qu’elle avait emporté, et moi, j’écoutais de la musique sur mon ipod. Clara et moi avions pourtant été ravies quand nos parents nous avaient annoncé qu’on allait rendre visite à papy et mamie. Cela faisait cinq ans qu’on ne les avait pas vus. Papy George et mamie Lydia, les parents de maman, habitent dans le sud-ouest. Depuis que je suis petite, lors de la première semaine du mois de juillet, on prend la route pour passer quelques jours chez eux, dans leur belle et chaleureuse maison avec piscine et jacuzzi. C’est une sorte de tradition, comme la décoration du sapin en famille à Noël. Voici une autre tradition (qui semble désormais se perdre) : dès qu’on monte en voiture et qu’on s’éloigne de la morosité parisienne, l’excitation nous gagne. L’été de mes onze ans, mes parents ont soudainement décidé de changer de destination de vacances. Plus de trajets en voiture donc. Pendant cinq ans, nous nous sommes envolés pour l’étranger : Madrid, puis Chypre l’année suivante, Naples celle d’après, Lisbonne et Corfou ensuite. Mes parents ne m’ont jamais expliqué les raisons de ce changement soudain. J’ai pensé qu’ils s’étaient peut-être brouillés avec papy et mamie et que ça finirait par s’arranger.  Ça finissait toujours par s’arranger.    

« On ne va pas s’arrêter maintenant donc, prends ton mal en patience », répondit papa à Clara. Voyant qu’elle ne pourrait pas être patiente bien longtemps, je décidais de me mêler à la conversation : « Elle n’a que neuf ans, papa, et je doute un peu de sa capacité de résistance.

− En quoi ça te regarde ? Continue à écouter ta musique.

− Ça me regarde, tu vois. Je n’aimerais pas trop que Clara se pisse dessus, vu que je suis assise à côté d’elle. Je ne vois pas en quoi ça te dérange de t’arrêter cinq minutes pour qu’on puisse un peu se dégourdir les jambes ».

Maman semblait complètement perdue sans ses pensées. Mais, elle sortit de sa léthargie pour intervenir en notre faveur : « La petite a besoin d’aller aux toilettes et on a tous besoin de manger quelque chose. Il y a un relais routier pas loin. Tu te souviens ? Le resto s’appelle Chez Sammy, je crois. » Papa et maman échangèrent un regard qui me sembla durer une éternité puis, après un soupir, papa se résigna : il était seul contre toutes. Alors que maman cherchait une carte routière dans la boite à gant afin de déterminer combien de kilomètres il nous faudrait parcourir pour atteindre le relais, je remarquai un endroit assez particulier sur la bande d’arrêt d’urgence : des fleurs étaient disposées sur plusieurs mètres. Une grande couronne de fleurs avait été placée contre un poteau électrique. Je me demandai quel était l’évènement à l’origine de cette démonstration florale : « Regardez toutes ces fleurs, c’est bizarre… Y a une inscription sur la couronne : “. À…― ». N’ayant pas eu le temps de finir ma lecture, je criai : « Papa ! Pourquoi tu roules si vite ? J’ai pas pu voir le nom qui était inscrit ! » Mon père, avec sa sensibilité légendaire, me répondit : « Pourquoi ça t’intéresse ? C’est probablement une personne qui a été tuée sur la route. Ça arrive tous les jours ». Ma mère tenta une approche pour le raisonner un peu : « Si tu continues à rouler comme ça, Gilles, on sera au relais dans dix minutes environ. Mais, si tu veux qu’on soit tous vivants à l’arrivée, ralentis ». Un quart d’heure plus tard, on arrivait devant le resto dont maman nous avait parlé un peu plus tôt. Clara descendit la première et maman me demanda de l’accompagner à l’intérieur, ajoutant qu’elle nous rejoindrait dans quelques minutes. Ma sœur courut jusque Chez Sammy et je la suivis d’un pas trainant. Quand je me retournai, mes parents semblaient en pleine discussion. Je voulais demander à ma mère de me donner un peu d’argent pour des tampons mais je décidais que ça pouvait attendre. J’entrai dans le restaurant à la suite de ma sœur et je trouvai celle-ci installée à une table.

« Qu’est-ce que tu fais là ? Tu ne devais pas aller aux toilettes ? » lui demandai-je.

« J’ai  plus envie maintenant » répondit-elle.      

« C’est pour toi qu’on s’est arrêtés, Clara.

− Je sais mais j’ai plus envie de faire pipi. Ils sont où, papa et maman ?

− Ils arrivent ».

A ce moment-là, mes parents entrèrent dans le restaurant. Maman déposa son sac sur la table et demanda à Clara : « C’est bon, tu es allée aux toilettes ?

− Non, j’avais plus envie ».

Ma mère s’installa sur la banquette à côté de Clara, mon père et moi en face d’elle. Un silence s’installa une fois de plus mais je l’empêchai de durer : « Qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi vous tirez la tronche alors qu’on est censés passer de bonnes vacances ?

− De quoi tu parles, Diana ? Tout va bien » répondit ma mère.

Malgré l’air convaincu qu’elle essayait d’adopter, j’avais du mal à la croire. « Tout va bien ? Personne ne parle dans la voiture, personne ne parle ici. C’est sûr, tout va bien. J’ai rarement voyagé avec des personnes aussi joyeuses. Ce sont probablement les plus belles vacances de ma vie ».

Mon père décida soudainement de venir à la rescousse de ma mère : « Qu’est-ce que tu veux qu’on fasse exactement ? Qu’on saute de joie, qu’on danse dans la voiture ? Ta mère et moi, on a travaillé comme des fous dernièrement, tout ça pour vous offrir de bonnes vacances et crois-moi sur parole, elles vont être excellentes, ces vacances.

− Tu vas adorer la maison qu’on a louée », ajouta ma mère.

− Justement, à ce sujet : pourquoi on ne loge pas chez papy et mamie comme avant ? Pourquoi vous avez loué une maison ?

− Vous êtes grandes maintenant et on a besoin de plus d’espace tous les quatre. Ce sera mieux, tu verras. Et puis, la maison est à dix minutes de celle de papy et mamie. »

Ma mère fit une pause, posa sa main sur la mienne, puis poursuivit : « Plage, piscine, parc d’attractions, cinéma, restaurant, randonnées… et tout ça en famille : que demander de plus ? Alors Diana, ma chérie, arrête de te prendre la tête. On est enfin en vacances. »

Je m’étais peut-être pris la tête pour rien. Je m’étais peut-être imaginé des choses sur notre situation familiale. La vérité, c’est que j’ai toujours eu peur de voir mes parents divorcer. Les trois quarts des élèves de ma classe ont des parents divorcés. Ma famille fait figure d’exception : mes parents s’entendent bien, ils ne se disputent pas trop souvent et, ils semblent toujours s’aimer après dix-sept ans de mariage. Ce n’est pas parce qu’ils sont un peu plus silencieux que d’habitude que tout va mal entre eux et qu’ils vont divorcer.

« Maman, je veux faire pipi maintenant » annonça timidement Clara.

« D’accord, on y va. Mais, commande ce que tu veux manger avant d’aller aux toilettes ».

Mon père fit signe au serveur, qui s’approcha de notre table, carnet en main. Après qu’il ait pris notre commande, maman accompagna Clara aux toilettes, me demandant de surveiller son sac. Pendant ce temps, mon père crut bon d’entamer  la conversation. On n’avait pas eu de vraies conversations depuis qu’il m’avait interdit de sortir avec Cédric, un garçon du lycée, sous prétexte qu’il était trop âgé pour moi. De toute manière, on n’avait pas eu l’occasion de beaucoup parler ces derniers temps parce qu’il faisait des heures supplémentaires au travail et qu’on ne se voyait plus qu’au moment du dîner, s’il était déjà rentré évidemment.

« Tu es contente de passer en première S ?

− Ça va.

− Il va falloir que tu travailles plus si tu veux avoir de bonnes notes au bac français. Tu vas avoir une bonne vingtaine de textes à apprendre pour l’oral.

− Je sais.

− Je pourrais t’aider si tu veux. J’ai toujours été bon en français.

− Non, vraiment ? Incroyable, pour un avocat.

− Sarcastique et révoltée : incroyable, pour une ado ».

La gêne était évidente : on n’avait que peu de choses à se dire. J’attendais donc avec impatience que Clara et ma mère viennent reprendre leur place. Alors que le serveur arrivait avec les plats, Clara réapparut enfin. Elle s’assit et entama son hamburger. « Où est maman ? », l’interrogeai-je.

« Elle est aux toilettes. Elle m’a dit de pas l’attendre », répondit Clara la bouche pleine.

Je mangeai ma salade en silence. J’étais sur le point de finir mais ma mère n’était toujours pas revenue et son plat de brochettes de poulet avait refroidi. « C’est bizarre que maman ne soit pas encore là », lançai-je. Ni mon père ni ma sœur ne semblaient inquiets de ne pas la voir revenir. « Je vais aller la prévenir que ses brochettes ne vont plus être bonnes si elle ne rapplique pas tout de suite », proposai-je en me levant.

Aux toilettes, une seule cabine était occupée. « Maman, ton plat est froid », dis-je. Pas de réponse. J’insistai : « Maman, qu’est-ce que tu fais ? ». Toujours aucune réponse. J’attendis devant la porte qu’elle finisse par sortir et, quand la porte s’ouvrit enfin, je me retrouvai nez à nez avec une personne que je n’avais jamais vue. J’étais confuse : « Excusez-moi, je croyais que ma mère était là.

− Eh bien non, vous voyez. Ce n’est que moi. »

La dame semblait assez mécontente que je l’ai dérangée alors qu’elle était « sur le trône ». Je m’empressai de sortir pour rejoindre ma table où je croyais retrouver ma mère en train de manger ses brochettes. Mais elle n’était pas là. Inquiète, j’annonçai à mon père : « Maman n’était pas là-bas. Tu l’as pas vue ?

− Non. Tu es bien sûr qu’elle n’y était pas ?

− Sûre et certaine, papa. Il n’y avait qu’une dame grincheuse que j’ai apparemment dérangée.

− Tu as bien cherché ?

− Mais oui je te dis ! Ce n’est pas un palace, juste des toilettes de pauvre relais routier ! Je n’ai pas pu la manquer.

− Calme-toi, d’accord ? Elle est peut-être juste sortie faire un tour, c’est tout.

− Et on ne l’aurait pas vue sortir ?

− C’est possible.

− Non, je crois pas. »

Je me dirigeai vers la sortie du restaurant. « Elle est peut être à la boutique juste à côté », suggéra mon père. Non, elle n’y était pas. Elle n’était de toute évidence pas au restaurant, elle n’était pas à la boutique, et elle n’était pas dans les parages. J’entrai  en trombe dans le restaurant et annonçai à mon père, les larmes aux yeux : « Je l’ai cherché partout mais elle est nulle part.

− Tu ne crois pas que tu dramatises un peu, là ? On va la trouver. »

Il se leva, regarda autour de lui puis s’adressa à l’unique serveur du restaurant : « Excusez-moi, vous n’auriez pas vu ma femme ? Elle était avec nous tout à l’heure, elle est partie aux toilettes et maintenant, elle n’est plus là.

− Je ne pense pas l’avoir vue sortir du restaurant mais, vous savez, je fais des allers-retours entre la salle et la cuisine donc, je ne peux pas vous dire. Elle est peut-être allée faire un tour. Vous ne pouvez pas la joindre sur son téléphone portable ?

− Son téléphone portable ! »

Mon père se tourna vers la table pour se rendre compte que le sac à main de ma mère s’y trouvait toujours. Il remercia le serveur pour son aide puis revint vers nous. « Il ne l’a pas vue. Le téléphone de ta mère est bien dans son sac ? » me demanda-t-il. Je fouillai rapidement dans le sac et en sortit le téléphone. Mon père, désormais un peu moins calme que tout à l’heure, me dit : « Je vais faire un tour dehors pour la chercher. Je suis sûr qu’elle est juste sortie pour prendre l’air ».

Du restaurant, on pouvait l’entendre appeler ma mère, lançant des « Sarah ! Sarah ! » à plusieurs mètres à la ronde. L’anxiété gagna ma petite sœur, qui restait assise sur sa banquette sans dire à mot. D’un air apeuré, elle finit pas me demander : « Elle est où, maman ? On l’a kidnappée ?

− Arrête de dire des bêtises, Clara ! Qui aurait pu la kidnapper, franchement ? Elle a dû sortir et se perdre, c’est tout. »

Se perdre sur l’autoroute : étrange, non ? Je savais que ma théorie ne tenait pas la route mais je n’en avais pas d’autre pour l’instant. Tout ce que je savais, c’était qu’en arrivant, ma mère s’était rendue aux toilettes avec ma sœur, et que l’instant d’après, elle n’y était plus. Je restai debout près de la table, immobile et tendue, observant à travers la vitre mon père cherchant ma mère. Au bout d’un quart d’heure, il rentra à nouveau dans le restaurant pour nous dire : « Je ne l’ai pas trouvée. Je ne sais pas où elle est. »

C’était peut-être le moment de paniquer. Ma mère était on-ne-sait-où sans argent ni téléphone. On n’avait aucun moyen de la joindre. Je suggérai alors à mon père ce qui me paraissait le plus logique à faire : « Il faut qu’on appelle la police.

− T’es folle ?! Elle a disparu depuis moins d’une heure ! Qu’est-ce que tu crois qu’ils vont pouvoir faire ?

− La chercher, papa. Ils vont pouvoir la chercher. Disparaitre au beau milieu de l’autoroute alors qu’on fait une pause pipi, ce n’est pas très commun. Ça n’arrive pas tous les jours.

−  Non, on n’appelle pas la police. Ce serait ridicule. Elle va revenir, j’en suis sûr. On attend. »

Il était un peu plus de quatorze heures. A dix-sept heures, on attendait toujours. Le serveur vint aux nouvelles à plusieurs reprises mais il n’y avait aucun changement : toujours disparue. Vers dix-sept heures trente, le propriétaire du restaurant arriva. C’était un monsieur d’une soixantaine d’année, d’assez petite taille et à la bedaine naissante. Dès qu’il entra, il se dirigea vers notre table comme s’il nous connaissait. Il serra la main à mon père et se présenta : « Je suis Sammy  Brunel, le propriétaire. Votre femme n’est toujours pas revenue ? » De toute évidence, il était au courant de l’histoire. Le serveur l’avait sûrement appelé pour le prévenir. Mon père répondit par un signe de tête. Après un long soupir, M. Brunel suggéra : « Vous devriez téléphoner à la police. Ça fait plusieurs heures maintenant. Combien d’heures d’ailleurs ?

− Environ quatre heures et demi », répondis-je.

C’est alors que mon père eut enfin la politesse de faire les présentations : « Désolé, j’ai oublié de me présenter. C’est que je suis un peu déboussolé. Je suis Gilles, et voici mes filles Diana et Clara. »

D’une grande gentillesse, M. Brunel proposa : « Vous voulez que je les appelle ? Les flics. » Après une courte hésitation, mon père acquiesça. La police arriva vingt minutes plus tard. Il y avait deux agents en uniforme, un homme et une femme. Presque machinalement, l’homme interrogea mon père sur son identité, puis sur celle de la disparue : « Nom, prénom, âge, lieu de naissance, signes particuliers, vêtements portés ». Mon père lui donna les renseignements principaux mais il bloqua sur la partie vestimentaire. Il se tourna alors vers moi : « Qu’est-ce que ta mère portait aujourd’hui ? Je ne sais plus.

− Un jean bleu clair, un t-shirt blanc et des sandales dorées. »

Les agents de police nous expliquèrent toutes les démarches qui allaient être effectuées. Ils tentèrent de nous rassurer en nous disant qu’il y avait de fortes chances que ma mère revienne d’elle-même dans peu de temps. Ils parlaient d’elle comme si c’était une adolescente en fugue. Je n’avais pas l’impression qu’ils prenaient sa disparition très au sérieux. Je me mis donc à les bombarder de questions pour savoir ce qu’ils allaient vraiment faire : « Vous allez la chercher, n’est-ce pas ?

− On va faire de notre mieux, ne vous inquiétez-pas », répondit la femme.

J’insistai davantage : « Mais vous allez enquêter ? Vous allez vous bouger pour la retrouver, hein ? Parce que, si elle ne revient pas d’elle-même, qu’est-ce qu’on fait ?

− Il y a une procédure à suivre mademoiselle et —

− Je sais, j’ai compris, vous suivez la procédure habituelle. Mais est-ce que les disparitions en plein jour sur l’autoroute A 666 sont habituelles ? Est-ce que vous en avez déjà vu ?

− Une personne peut disparaitre n’importe où, vous savez.

− Même sur le chemin des vacances, dans un relais routier ?

− Ça arrive ».

Mes questions les agaçaient : je le voyais bien. Mais ils m’agaçaient aussi avec leur calme olympien et leur ton mécanique, machinal. J’avais l’impression de parler à des robots. Avant de partir, ils nous conseillèrent de passer la nuit dans l’hôtel le plus proche, qui se trouvait à dix minutes de là, et ils nous assurèrent qu’ils nous recontacteraient dès qu’ils en sauraient plus.

Je n’étais pas plus rassurée après l’intervention de la police. Mon père, lui, prétendit leur accorder toute sa confiance : « Ils vont la retrouver très vite, ne vous en faites pas, les filles. On va faire ce qu’ils nous ont dit. On va aller à l’hôtel et se reposer ». Je n’étais pas forcément pour mais je n’avais pas d’autre choix que de suivre mon père. Moi, j’aurais voulu continuer à la chercher, la chercher partout, et dormir sur place s’il le fallait. Mais, je doute que cette idée ait plu à M. Brunel. La disparition soudaine de ma mère ne faisait pas de la bonne publicité à son restaurant et, à voir son air quand la police nous interrogeait, je compris qu’il avait hâte de les voir enfin partir.

Mon père et ma sœur se dirigèrent lentement vers la sortie. Ils semblaient tous deux abattus par ce qui était en train de nous arriver. Ma sœur avait pleuré une bonne partie de l’après-midi et elle s’était un peu calmé quand la police était arrivée. Ce soir, elle était plus silencieuse qu’elle ne l’avait jamais été. Ils étaient donc sur le point de sortir du restaurant quand je les interrompis dans leur élan : « J’ai une envie pressante. Il faut que j’aille aux toilettes. Attendez-moi dans la voiture, j’arrive.

− Non, on t’attend ici. Dépêche-toi » dit mon père.

Je saisis le sac de ma mère qu’ils avaient oublié sur la table et me dirigeai vers les toilettes. Mon père me demanda : « Qu’est-ce que tu fais avec le sac de ta mère ?

− J’ai besoin d’un tampon et je crois qu’elle en a. Ne t’inquiète pas, je ne vais pas le perdre ou l’oublier sur une table ».

Je me dépêchai comme mon père me l’avait demandé. C’est surtout que je n’avais pas réellement d’envie pressante d’aller aux toilettes : juste une envie pressante de fouiller dans le sac de ma mère pour voir si je pouvais y trouver quelque chose d’intéressant, quelque chose qui expliquerait sa disparition. Il fallait bien commencer quelque part. Je sortis donc un à un les objets qui se trouvaient dans le sac fourre-tout : portefeuille, téléphone portable, crème solaire, chewing-gum, test de grossesse… Test de grossesse ! Ma mère avait un test de grossesse dans son sac. Elle en avait même deux, à bien y regarder. L’un était usagé, l’autre se trouvait encore dans sa boite. Je fermai les yeux, refusant de regarder le résultat du test usagé. Au bout de quelques secondes, je me décidai enfin : +. Le signe plus ne laissait pas de place au doute : le test était positif. Pourtant, ma mère comptait bien refaire un autre test quand elle en aurait eu le temps. Comment j’allais pouvoir annoncer ça à mon père ? Je poursuivis ma fouille dans les abimes du sac : miroir, papiers, livre de poche. C’était tout. Je remis dans le sac l’ensemble des objets que j’avais éparpillés sur le comptoir au dessus de l’évier. Je me rendis compte que je n’avais pas inspecté le contenu du portefeuille. Je plongeai ma main dans le sac pour le récupérer. Je ne savais pas bien ce que j’espérais trouver… mais je ne pensais certainement pas tomber sur des photos de ma mère avec un inconnu. Quatre photos prise dans un photomaton mettaient en scène ma mère et un homme visiblement plus jeune qu’elle : ma mère assise sur les genoux de l’homme en train de rire ; ma mère et l’homme prenant la pose avec des lunettes de soleil ; ma mère et l’homme en train de s’embrasser ; ma mère, la tête posée sur l’épaule de l’homme. Les adolescents aimaient généralement prendre ce genre de photos, pour s’amuser. Mais, ma mère… Elle avait quarante ans tout de même. Quarante ans et un autre homme que mon père dans sa vie. Quarante ans et beaucoup de secrets. J’étais en train de fixer les photos, comme pour essayer de deviner leur histoire, quand mon père ouvrit la porte. J’eux un sursaut de frayeur. Mon père le remarqua et me demanda : « Qu’est-ce que tu fais ?

− Papa ! Tu es dans les toilettes des femmes !

− Qu’est-ce que tu fais, Diana ? »

Je ne pouvais pas lui dire. Je ne pouvais pas lui dire que ma mère lui était probablement infidèle. Je choisis alors l’alternative numéro deux. Je plongeai ma main dans le sac de ma mère, y rangeai les photos à la hâte, puis en sortit le test de grossesse. C’était déjà moins grave que la possible infidélité. Je brandis le test et lui demandai, d’un air faussement furieux, des explications : « C’est quoi, ça ? Tu étais au courant ? ». Apparemment, il ne l’était pas : il en resta bouche bée à la vue du petit + bleu. «  Tout va bien » avait dit ma mère plus tôt dans la journée ; «Elles vont être excellentes, ces vacances » avait ajouté mon père.  J’enfonçai un peu plus le clou, cette fois réellement furieuse qu’on ait cherché à me cacher des choses : « Alors, papa, tu penses toujours qu’on va passer d’excellentes vacances ? Les meilleures de notre vie, hein ? »  

Synopsis:           

Diana, audacieuse adolescente de seize ans, sent que quelque chose ne va pas : alors que sa famille prend lentement mais sûrement le chemin de belles vacances d’été, elle croit déceler des tensions entre ses parents. Ces derniers s’évertuent donc à la rassurer. Mais quand sa mère disparait dans un resto routier après avoir accompagné sa petite sœur Clara aux toilettes, elle panique. Son père, lui, semble ne pas trop savoir comment réagir. Ainsi, passé le choc de la disparition de sa mère et malgré l’apathie de son père, Diana décide de prendre les choses en main. C’est en fouillant dans le sac à main laissé par sa mère qu’elle va faire plusieurs découvertes déstabilisantes.  

Malgré la désapprobation de son père, Diana quitte l’hôtel pour faire de nouvelles recherches au relais routier. Elle interroge les employés du restaurant et essaye de retracer le parcours de sa mère. Sur l’autoroute, en marchant sur la bande d’arrêt d’urgence, elle trouve des traces de sang séché, ainsi qu’une lanière de sandale. Mais elle peine à convaincre son père de la prendre au sérieux.

Diana, Clara et leur père quittent leur hôtel pour s’installer dans la maison qu’ils ont louée. Diana n’abandonne pas ses recherches pour autant. Et elle n’est désormais plus seule : son petit ami Cédric l’a rejointe. Diana se rend chez ses grands-parents pour en savoir plus sur la personnalité de sa mère, qui semble lui avoir caché nombre de choses.

  Les grands-parents de Diana soulèvent un plus grand nombre de questions qu’il n’y en avait déjà. Ils racontent la jeunesse de leur fille et ses dérapages, dus à des fréquentations pas toujours recommandables. Diana commence alors à se demander si sa mère n’a pas été kidnappée.

  Diana est à la recherche de l’amant de sa mère, qu’elle pense à l’origine de la disparition. Mais, elle se voit dans l’obligation d’avouer à son père le fruit de ses découvertes. Elle se rend vite compte qu’il en sait beaucoup plus qu’elle : il était au courant de la liaison de sa femme. Furieuse, Diana part s’installer chez ses grands-parents.

Ces derniers lui permettent d’enfin découvrir ce qui a causé un séisme dans le mariage de ses parents. Six ans plus tôt, alors que ses parents étaient sortis faire la fête, ils avaient renversé une jeune adolescente, puis pris la fuite. C’était sa mère qui conduisait. Diana pense que cet événement a un lien avec la disparition de sa mère mais elle ne sait pas encore lequel.

Diana poursuit ses recherches en se concentrant sur l’adolescente renversée et sur sa famille, qui recherche toujours les coupables de la mort de leur fille.

Un coup de téléphone du père de Diana vient compliquer les choses : Clara, sa petite sœur, a disparu à son tour. Désormais, Diana doit accélérer ses recherches.

Après avoir retrouvé la trace de l’amant, Diana retrouve enfin sa mère et sa sœur. Sa mère lui explique les raisons de sa disparition et de l’enlèvement de Clara.

La mère de Diana refuse de retourner à sa vie de famille et elle demande à sa fille de la suivre. Mais Diana veut d’abord réfléchir. Après avoir pesé le pour et le contre, elle prend une décision qui rendra forcément malheureux l’un de ses deux parents. 


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