L'autoroute de la rédemption
line-cebee
Chapitre I : Une disparition
L'autoroute 666
Ça n’aurait jamais dû se produire….Tout devait bien se passer, tout était organisé pour. Mais finalement…rien ne s’est passé comme prévu. La grisaille du crépuscule commençait son oeuvre saboteuse. Camille sortit fébrilement son portable de la poche avant de son sac et fixa l'écran.
- Donne nous des news, Nonni.
C'est elle, Camille, qui avait décidé de cette escapade en montagne. Deux semaines auparavant, elle avait lancé l'idée alors qu'elle furetait, l'ordinateur portable sur les cuisses. Dans le salon, il n'y avait pas eu un tollé. Conrad suivait un match et Nonni s'était endormie. Nathan l'avait couvert de son regard captivant et avait lancé
- Nous mettre au vert ? Pourquoi pas.
L'autouroute A666 était peu fréquentée, et on pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre d'aires de repos qui la jalonnaient. Ils étaient arrivés à 13 heures dans ce petit chalet de bois aux allures de babiole et avaient parqué le break plein à craquer sous un peuplier. Nonni s'était réveillée en entendant les graviers crisser sous les pneus. L'aire d'autoroute arborait des espaces verts immenses, mais seul le petit relai et quelques jeux lui donnaient l'air fréquentable. Conrad avait ralé
- C'est quoi ce restau pourri, t'as dit que je pourrais avoir un hamburger ?
Le jeune garçon avait hérité d'un prénom aux accents raides, au grand désespoir de Nonni. Camille avait concédé à y adjoindre Luiggi, en tribut aux origines italiennes. C'est Nonni qui répondit :
- Tu vois la culture Américaine ? C'est le prénom, le hamburger et après toute l'insolence qui va avec.
-Nonni, arrête tes caricatures, c'est pas Américain Conrad, c'est germanique
- Germanique, repéta Nonni d'un ton sec, et ça empêche la bonne éducation ?
- Nonni, gémit Camille en se retournant. Elle coupa le contact et lança à la cantonnade :
- Qui veut un sandwish à la tartiflette ?.
Nathan pivota sur le siège passager et croisa son regard.
- Avec Mayonnaise ?
- Jusqu'à ce que mort s'en suive !
Le gendarme revint vers Camille à grands pas.
- J'ai quelques autres questions à vous poser. Votre grand-mère montrait-elle des signes -il parût gêné et chercha ses mots- des signes qui pourraient faire penser qu'elle commençait à perdre ses facultés ?
- Dans le genre Alzheimer ?
- Oui.
- Je ne pense pas. Elle oubliait parfois où elle avait mis ses clés ou l'endroit où elle avait quitté ses bagues, rien d'anormal pour une personne de son âge.
- Vous savez, parfois des signes même discrets sont annonciateurs d'un début de maladie. Les fugues aussi font partie des symptômes.
Camille tenta d'assembler les éléments dans son esprit. Ca ne collait pas. Nonni radotait parfois un peu et il fallait lui rappeler parfois comment lancer un DVD, mais elle n'avait rien de quelqu'un qui perd la boule. Récemment, Conrad lui avait même appris à envoyer des messages écrits avec son téléphone portable, un exploit pour quelqu'un qui avait appris à écrire avec des affiches publicitaires et qui avait traversé les Alpes presque pieds nus. De toutes façon, Camille en était sûre : si Nonni avait été désorientée et apeurée, elle aurait crié son nom ou celui de Luiggi.
- Vous pensez donc à une fugue ?
- Pas vous.
- Pas trop, non.
L'homme parut retenir ses mots. Il n'évoqua pas d'autres possibilités morbides et jeta un oeil à Conrad qui quittait l'épaule de Nathan pour se diriger vers eux.
- De plus, si elle avait perdu les pédales et fugué, il n'y aurait aucune raison pour que son téléphone soit sur messagerie.
- Vous avez essayé de rappeler ?
- Au moins mille fois.
- La batterie est peut-être à plat.
Camille eut un geste d'agacement.
- Nous venons de lui offrir ce téléphone et tout le monde a chargé son appareil ce matin avant que nous prenions la route. Cette foutue autouroute 666 !
Il voulut reprendre la parole, mais elle était lancée.
- Et fouillés, les toilettes ! Il n'y a rien au fond ni devant ni derrière ! Si ma grand-mère a foutu le camp de cette aire ça n'est sans doute pas par confusion ou pour donner un coup de fil... Et c'est bien ce qui m'inquiète.
Elle faillit fondre en larmes.
- Ecoutez Madame, il y a des hectares de bois derrière nous -Il lança son pouce en direction de la lisière qui bordait l'aire- La nuit n'est pas encore noire et les hommes et les chiens sont au boulot. Vous devriez nous laisser un numéro et trouver un endroit pour vous et votre famille.
Camille embrassa des yeux la masse sombre et infinie des pins et sentit sa poitrine se serrer. Conrad la rejoint et posa sa tête au creux de son épaule. Elle passa la main dans les cheveux bruns et épais.
- Où me conseillez-vous de passer la nuit ?
- Il n'y a pas beaucoup de vie sur l'A 666, mais par chance, la sortie 12 est à très peu de kilomètres d'ici. Vous trouverez des auberges et des hotels dans le village de Paille-Morte. L'auberge des Pins est très bien. Je connais le propiétaire, il est discret et sympa, c'est aussi un excellent cuisinier.
- Je n'ai ni envie de manger... Ni envie de m'atarder dans les pins, marmonna Camille en tournant le dos à l'immense forêt.
L'auberge des pins
Le tenancier de l'auberge des Pins était effectivement un homme chaleureux. L'arabesque de ses moustaches toufues lui conférait un air bonhomme. La réception était constituée d'un hall et d'un comptoir de chêne. Une porte vitrée donnait sur la salle de restautant rustique et peu éclairée. De l'autre coté de l'entrée, deux vieux fauteuils et des distributeurs divers meublaient l'espace.
Les trois silhouettes accablées y surgirent comme des âmes perdues. Nathan s'entretint avec l'homme d'une voix grave tandis que Camille et Conrad tripotaient leur téléphones respectifs. Ils refusèrent le repas qui leur était proposé et trainèrent semelles et sacs dans les escaliers.
La chambre était pourvue de deux grands lits séparés par des chevets de bois. Le tout était orné de rayures et de broderies aux couleurs tendres. L'endroit était plutôt reposant, mais aucun d'eux ne pouvait chasser la boule de tristesse et d'angoisse qui avait élu domicile dans leur poitrine. Ils tentèrent à leur façon de s'en soulager un peu.
Le jet de la douche tourna sans discontinuer pendant une bonne heure. Une fois sortie de la salle-de-bains, Camille se jeta sur un des couvre-lits et se remis à penser. Conrad l'interrompit
- Toi tu crois que Nonni, elle a une de ces maladies du cerveau ?
Elle eut un sourire. Conrad venait d'avoir 12 ans et s'exprimait parfois avec la verve d'un adolescent New-Yorkais. Mais quand il était fatigué ou inquiet, des expressions infantiles lui remontaient au bord des lèvres et sa voix reprenait les accents d'antan.
-Elle en a pas l'air.
- Ouais, même que quand je lui ai appris comment écrire des sms, elle a tout écrit dans son carnet, mais au bout de d'une semaine, elle n'avait même plus besoin de le prendre. Ca, ça veut dire que son cerveau, il est pas complètement pourri, hein ?
- Ouais, ça veut dire, que Nonni est une mémé qui sait où elle habite, et que si elle avait commencé à perdre la tête, toi, Nathan ou moi, on s'en serait rendus compte.
- Tu crois que quelqu'un lui a fait du mal ?
Camille eut un pincement au coeur.
- Je ne sais pas mon fils. J'espère que non. Il faut qu'on attende des nouvelles.
Nathan surgit de la salle-de-bains. Ses cheveux ruisselaient sur sa machoires et la naissance de son cou. Il se mêla à la conversation en s'épongeant d'une serviette.
- On pourrait peut-être ne pas subir cette attente.
Camille redressa sa tête.
- Tu penses à quoi ?
- Il ouvrit le tiroir d'un chevet et en sortit un stylo et des dépliants touristiques. Après en avoir trouvé un qui n'était pas imprimé recto-verso, il s'installa sur le lit. Les têtes se rapprochèrent.
- Dans l'hypothèse où Nonni, n'est pas perdue, ni enlevée. En admettant que pour des raisons qui nous sont obscures, elle ait quitté le relais d'autouroute de façon volontaire, voilà le plan.
Il traça un petit carré et le désigna comme le relais. Les bois immenses qui longeaient l'aire furent limités par des pointillés et désignés par quelques sapins. L'échelle étant plutôt réduite, à quelques centimètres du carré, la sortie numéro 12 coupait le domaine boisé. Camille équarquilla les yeux.
-Tu crois vraiment que Nonni s'est tapé tous ces kilomètres à pied ?
- Il n'y en pas tant que ça, rappelle toi, de l'air à la sortie, on a pas mis 10 minutes. Nonni est une bonne marcheuse, Nathan n'arrivait pas à la suivre durant certaines promenades.
L'interessé protesta :
- C'est parce-que j'étais fatigué ! Je suis un sportif moi.
- Sûr ! Alors, descends donc aux distributeurs nous chercher des trucs à manger et à boire, lui suggéra Nathan en ouvrant son porte-feuille. On va avoir besoin d'énergie pour mettre notre cerveau à contribution.
Conrad s'éclipsa aussitôt, d'autant plus qu'il avait à faire la démonstration de son dynamisme. Camille pris une mine pessimiste :
- Tu crois que c'est une bonne chose de mettre ces idées dans la tête du petit ?
- C'est mieux que de le laisser passivement subir une nuit d'angoisse. Voire plusieurs... On ne sait pas ce que les recherches vont donner. On ne sera peut-être pas plus avancés demain.
- Mais s'il est vraiment arrivés quelque-chose à Nonni, il va être tellement déçu.
- On le sera tous, quoiqu'il en soit.
Elle fût touchée par sa déclaration. Il l'attira à lui et elle posa son visage contre sa poitrine. Ca ne faisait que trois ans que Nathan était entré dans la vie de Camille, et il avait aussi rejoint la drôle de famille avec simplicité.
- Notre matière grise peut aussi être utile, tu sais. Nous connaissons Nonni bien mieux que les types en uniformes qui retournent les bois.
- Tu as sans doute raison, murmura-t-elle en fronçant douloureusement son front. Elle s'écarta légèrement et repris son souffle. Conrad rouvrit la porte sans ménagements et jeta des poignées de produits emballés sur un des lits. Camille lança son regard dans celui de Nathan et articula silencieusement.
- Merci.
Conrad indiscret, protesta :
- Hey, c'est à moi qu'il faut dire merci. C'est moi qui me suis bougé pour aller chercher de quoi manger.
- Ouais, et il faut dire que tu n'y es pas allé de main morte, gloussa Nathan en balayant les barres chocolatées des yeux.
Il dolce e il amaro
Ils avaient tout repris : les habitudes de Nonni, son attitude à table, ses paroles, les minutes qui avaient précédé son départ aux toilettes. Leur analyse les avait occupés, mais elle n'avait rien révélé de nouveau.
En s'appuyant sur les plans trouvés dans les documents fournis par l'hotel, le trio eut bientôt agrandi de beaucoup le croquis. Le fait d'apprendre la superficie réelle des bois avait ajouté à l'inquiétude de Camille qui s'était faite silencieuse. Conrad baillait à s'en décrocher la machoire. Nathan lui restait très appliqué malgré la fatigue.
- Voilà l'endroit ou l'autouroute 666 croise l'autouroute et les nationales transalpines. On est à - il leva le stylo et se pencha sur un des dépliants - environ 70 kilomètres du réseau autoroutier où on s'est arrêtés ce midi.
- Pourquoi chercher les voies pour rejoindre l'Italie, demanda Camille rompant son silence.
- A ce que je sâche Nonni n'est pas Hollandaise.
- A ce que je sâche, elle ne nous a pas informés d'une escapade dans son pays d'origine.
Nathan baissa les bras.
- Tu fatigues ? Moi aussi.
Ils s'affalèrent tous les trois, au milieu des rayures pastels et des brochures froissées. La fatigue finissait toujours par l'emporter.
Au petit jour, Camille ouvrit les yeux sur la chambre étrangère. Elle tapota le chevet. L'écran de son portable n'indiquait rien de nouveau. Il était 7 heures, mais les lourds rideaux flitraient un soleil déjà franc. Elle se glissa sans bruit hors des draps. La voix ensommeillée de Conrad lui parvint du lit voisin.
- Où est Nathan ?
- Il a du partir faire un footing. T'inquiète pas, tu sais qu'il est matinal.
- Et Nonni ?
- Rien pour le moment.
Un grognement lui parvint alors qu'elle franchissait la porte de la salle-de-bains. Les premières gouttes provoquèrent une sensation électrique sous sa peau. Elle combattit ces picotements en augmentant la pression des jets et se remémora les scènes de la veille.
Nonni avait pour habitude de claquer la langue quand quelque-chose provoquait sa désaprobation. Au moment de monter en voiture et de prendre la route, elle avait émis ce bruit sec.
- Qu'est-ce qu'il y a Nonni, avait demandé Camille.
- Il y a que le petit, il a pas pris de petit déjeuner. C'est pas une bonne chose pour prendre la route.
Nonni n'appelait jamais Conrad par son prénom civil. C'était Luiggi ou le petit. De même, personne n'appelait Nonni par son vrai prénom : Guiseppa.
- Ca va Nonni, le refuge est à quelques heures. Et puis, on s'arrêtera pour manger.
- Il n'empêche que le petit déjeuner c'est quelque-chose d'important.
- Tu es experte en nutrition maintenant ?
- Ce n'est pas une question de nutrition, c'est une question d'éducation, grogna Nonni avant de faire reclaquer sa langue.
- Et allez, on est repartis sur l'éducation !
Camille avait louché en direction de sa grand-mère, mais la vieille italienne ne l'écoutait déjà plus.Les yeux ailleurs, elle avait murmuré pour elle-même.
- No ha il dolce a caro, chi provato non ha l'amaro².
Sa main sèche avait aggripé le cadre de la portière et elle s'était hissée sur un des sièges arrières.
Ce matin, le proverbe sur l'amertume se mit à la tarauder. La petite silhouette de Nonni lui manquait déjà. Depuis qu'elle avait recueilli la vieille dame trop solitaire, les sermons de Nonni avait participé à remettre de l'ordre dans sa vie. Et dans celle de Conrad. En quelques sortes, c'est grâce à ce nouvel équilibre qu'elle avait fait la rencontre de Nathan. Elle aurait voulu l'entendre entrer dans la chambre et gronder sur l'ordre et l'heure du lever.
Elle avait peur que cela n'arrive plus jamais.
Elle se laissa aller aux larmes sous l'eau ruisselante. La porte de la chambre claqua : Nathan était de retour.
Avant de sortir, Camille passa une poignée de minutes devant le miroir et tapota ses paupières gonflées. La lumière était de plus en plus vive dans la chambre. Conrad était désormais bien reveillé mais il n'avait pas quitté le lit. Ses deux pouces courrait sur le clavier de son téléphone. Nathan fouillait s'était agenouillé devant les bagages et sortait des piles de linge méticuleusement. Il se leva et déposa un baiser sur son front.
- Ca va ? Bien dormi.
- On fait aller.
- Pas de nouvelles ?
- Aucune, j'allais appeler.
- Si le téléphone ne sonne pas c'est sans doute qu'il n'y a rien de nouveau. Je pense qu'on devrait prendre un bon petit déjeuner. On aura besoin de tenir.
- Oui, souffla Camille une boule dans le ventre, c'est important le petit dejeuner.
Luiggi
La salle de restaurant n'était pas encore prise d'assaut et ils s'intallèrent dans un calme relatif. Sur les nappes rustiques, de petits bouquets trempaient dans des vases transparents. Une odeur de café et de pain grillé flottait dans l'air et quelques cliquetis parvenaient des cuisines. Les garçons se dirigèrent vers le buffet alors que Camille s'installait à une table ronde et se collait fébrilement à l'écran de son téléphone.
Conrad revînt avec une assiette garnie et commença à manger de tout avec appétit. Etonnée, Camille laissa choir ses bras.
- Eh bien, toi qui ne prend presque jamais de petit-déj, tu es un ogre !
Conrad mordit dans en toast en souriant. Nathan revint avec deux tasses géantes et en posa diligemment une entre le visage de Camille et son portable. Elle lâcha enfin l'appareil et leurs doigts s'entremêlèrent furtivement. Ces rassades brûlantes leur firent du bien.
De longues minutes de trêve s'étirèrent. Soudain l'angoisse reprit la jeune femme.
- Il commence à se faire tard. Il faut que je sorte téléphoner.
- On t'accompagne, cria Conrad piaffant ses dernières miettes.
Il sortirent devant l'auberge et Camille composa le numéro qu'on lui avait laissé. Le brigadier Fache décrocha à la troisième sonnerie, sa voix n'était guère plus encourageante que la veille.
- Et vous avez du nouveau ?
- Les recherches reprennent ce matin, mais nous n'avons rien trouvé pour le moment. La géolocalisation du téléphone mobile n'est pas possible non plus.
Elle parut soudain très abattue et rattrapa sa tête entre la pulpe de ses doigts.
- C'est pas bon signe ça ?
Un souffle satura le combiné. Il reprit plus doucement.
- Plus le temps passe, plus les possibilités de retrouver une personne s'amenuisent. Cependant, les toilettes et les environs ne comportant aucune trace de lutte, nous n'excluons toujours pas la possibilité d'une fugue.
- Nous en avons reparlé en famille, ma grand-mère n'a présenté aucun signe particulier ces derniers mois. Mon compagnon pense qu'elle a pu, pour des raisons qui lui appartiennent, s'en aller et rejoindre son pays d'origine, l'Italie – elle jeta un regard à Nathan qui hocha lentement du chef- Pensez-vous que c'est plausible, je veux dire, est-ce-que vous avez déjà vu des cas comme ça ?
- On voit absolument de tout Madame, et les raisons des escapades sont parfois complètement ignorées par les proches. Le mieux c'est que vous passiez pour une audition ce matin. Vous avez de quoi noter ?
Elle releva l'adresse sur un carton que Nathan sortit du fond de ses poches. Elle se précipita vers le break. Nathan accéléra le pas et referma sa main sur l'avant-bras de Camille. Elle laissa glisser les clés du véhicule et se hissa sur le siège passager. Le front collé à la vitre froide, elle s'intéressa aux environs pour la première fois de la journée.
Le village de Paille-Morte, portait bien son nom.
L'autoroute 666 aussi.
La végétation était principalement constituée de successions de pins plantés en lignes parallèles et d'herbes sèches. Rien ici n'était une ode à la vie. Rien sur l'autoroute 666 n'était, pour le moment explicable par la logique. Un mystère malveillant, tout comme l'évoquait ce foutu chiffre.
Comme pour soutenir cette idée, Conrad se mis à crier soudainement.
- Putain !
- Conrad !
- Euh purée.
- Le premier mot était de trop.
- Non mais attendez, c'est super grave !
- Quoi, se mêla Nathan en ajustant le rétroviseur intérieur.
- Il y a deux semaines, y a un anonyme avec un compte bizarre m'invitait sur Facebook. Je pensais que c'était encore une fille du collège, j'ai accepté. J'ai essayé de lui parler au moins 10 fois, et rien du tout. Et là, elle vient de me demander comment je vais.
- Et alors, qu'est-ce-qui vaut un P-U-T-A-I-N là dedans ? épela Camille avec flegme.
- Elle m'a écrit : Tout va bien Luiggi ?
Ils eurent tous le souffle coupé.
Tous les trois savaient qu'une seule personne utilisait ce prénom pour désigner Conrad.
Cette personne c'était Nonni.
² Qui n'a pas goûté l'amertume, ne sait pas apprécier la douceur.
Synopsis :
Chapitre 1
Sur l'autouroute 666 Camille, son compagnon Nathan, son fils Conrad et sa grand-mère roulent vers la montagne pour un weekend tranquille. Malheureusement, après un tour aux sanitaires, Nonni la grand-mère ne réapparait pas. Les fouilles commencent à la nuit tombée et la gendarmerie conseille à la famille de s'installer au village voisin. Dans l'après-midi suivante, le jeune garçon reçoit un message qui fait référence son deuxième prénom. Stupeur :Luiggi n'est jamais utilisé que par sa grand-mère disparue.
Chapitre 2
Les pistes se referment ou piétinent. Les gendarmes croient de plus en plus à un départ volontaire de la vieille dame. La proximité de l'Italie et l'éventuelle fuite de Nonni dans ce pays voisin ne permet pas aux recherches de progresser. De retour au domicile sans Nonni, la famille a du mal à reprendre son quotidien. Il le faut pourtant, c'est la rentrée de Septembre. Camille qui a un métier artistique organise son emploi du temps à sa guise, elle commence à enquêter sur le passé de Nonni.
Chapitre 3
En fouillant la chambre de la disparue, Camille apprend ou se souvient des choses sur le passé de son aieule, mais rien qui l'éclaire sur les raisons de sa disparition. La grand-mère parcimonieuse et presque rigide a laissé peu d'écrits ou d'objets à valeur sentimentale. C'est une composante de sa personnalité que Camille ne comprend pas et qu'elle rejète. Elle est sur le point d'abandonner ses questionnements, quand elle s'aperçoit qu'un numéro revient sur la facture détaillée du mois de Juillet.
Chapitre 4
Camille vérifie auprès de ses proches : personne n'a composé de façon récurrente un numéro. On en déduit que c'est donc un des derniers gestes de la disparue. En appelant, elle se rend compte que la ligne est celle du standard d'un journal national. En insistant, elle trouve l'interlocutrice de Nonni : une journaliste qui ne concède pas à la recevoir et qui a l'air très agacé.
Chapitre 5
Camille sent qu'elle tient une piste, elle obtient de ses proches un week-end solitaire et monte enquêter à Paris. Elle découvre qu'un reportage est monté et sur le point de paraître. C'est un film dont le tournage s'est essentiellement fait à la frontière transalpine. Il s'intéresse à la remontée inquiétante du fascisme, avec un des leaders italiens en vogue d'un de ces mouvements. Sur des clichés pris à la volée, près du leader en question, se tient Nonni.
Chapitre 6
Camille est perdue. Sa grand-mère est effectivement quelqu'un d'extrêmement rigide, mais elle ne semblait pas mettre son discours au service de quelque politique. Elle obtient une entrevue avec la journaliste. Celle-ci, rassurée par la programmation définitive du documentaire, lui confirme que Nonni a beaucoup insisté pour empêcher la parution du reportage. Camille est abasourdie.
Chapitre 7
En rentrant chez elle, Camille confie les vraies raisons de son escapade. Nathan le compagnon de Camille est sur de l'honneteté de Nonni. Ils regardent le reportage ensemble, mais ils le cachent à Conrad. Pourtant celui-ci rentre de l'école en pleurant, on a reconnu sa grand-mère à la télévision. Les 2 adultes excédés placent l'enfant en week-end dans la famille et partent en Italie dans le village d'origine de Nonni.
Chapitre 8
Il ne retrouvent pas Nonni là-bas, ce n'est pas l'endroit où elle est venue se cacher. Au village, son nom de famille est devenu étranger, mais le couple retrouve une vieille dame qui connaissait Guiseppa : le vrai prénom de Nonni. Elle leur apprend un secret étonnant. Nonni a eu un autre enfant, caché, un fils qu'elle n'a pas pu élever et que le père biologique, un homme puissant et violent lui a enlevé. En allant au cimetière, ils apprennent le nom de cet homme.
Chapitre 9
En lisant la stelle, ils vont de surprise en surprise. La tombe de l'homme porte le même nom que le leader fasciste. Cet homme dont le documentaire français faisait cas serait donc le fils de Nonni ! Cet enfant qu'on lui a arraché, qu'elle n'a pas pu élever et dont elle regretta toute sa vie l'évolution vers des issues violentes. Du coup, tout prend sens la honte de Nonni et sa fuite, mais aussi ses remarques sur l'éducation de Conrad.
Chapitre 10
De retour chez eux, des changements s'opèrent dans l'organisation familiale en souvenir de Nonni et en référence à cette histoire de famille brisée. Camille sait que Nonni est très âgée et qu'elle finira probablement ses jours sans les revoir. Pourtant un soir, il leur arrive de nouveau un message qui parle de Camille, de Nathan et.... de Luiggi.