L'autoroute de l'Enfer
floketkaloo
L’autoroute de l’enfer
Autoroute A6, juillet 2012. Marc et Sophie Martin et leurs deux ados s’arrêtent sur une aire de repos. Cela fait plusieurs heures qu’ils roulent. Ils sont partis faire du camping : des vacances de rêves ! Seulement, l’autoroute A6 rejoint vite la route 666.
Chapitre 1
Un pic-nic sur l’aire de repos vite avalé. Des enfants qui jouent avec leurs smartphones. Sophie se repose dans la voiture. C’est déjà les vacances. Marc veut se dégourdir les jambes. Il emprunte un chemin en direction d’un bois. Malheureusement pour lui, l’autoroute A666
va le happer. Marc se perd dans la forêt. Mais est-ce bien une forêt ?
Chapitre 2
Inquiets, Sophie et les enfants se mettent à la recherche de Marc, puis Sophie, en désespoir de cause contacte la gendarmerie. L’enquête débute. Sophie se doit de rester sur place et attends dans l’angoisse d’une chaude nuit d’été le retour de son mari. Ce n’est que le début de l’horreur pour Marc.
Chapitre 3
Marc se réveille dans un endroit humide. Il a terriblement mal à la cheville droite. Il a des éraflures sur le visage et les bras et ses vêtements sont déchirés. Il tente alors de se souvenir ce qui a bien pu lui arriver. Il finit par se rappeler les évènements qui l’on conduit là et se repasse le film dans sa tête. Était-ce réellement le diable qu’il a vu ?
Chapitre 4
La gendarmerie annonce qu’elle ne va pas chercher Marc. Il est adulte. Il a le droit de disparaitre. Anéantie, Sophie décide d’appeler sa mère et lui demande de venir chercher les enfants. Elle lui expliquera ce qui se passe. Elle va rechercher Marc par elle-même.
Chapitre 5
Michelle, la grand-mère, viens sur place. Sophie lui explique ce qui leur arrive. Comme la gendarmerie l’abandonne, c’est à elle de résoudre le mystère de la disparition de Marc. Elle pose des questions, demande si quelqu’un a vu son mari. Son enquête va la mener au comble de l’horreur. Si ses vacances débutent par un cauchemar, elle ne va pas être déçue du voyage.
Chapitre 6
Marc réfléchi comment il va pouvoir s’en sortir. Il est sportif, mais sa cheville est fracturée. Marc à fait une chute de 3m. Malheureusement pour lui, il va passer ses nuits en enfer.
Chapitre 7
Sophie découvre qu’on lui ment. Elle apprend que de nombreux accidents se sont produis sur cette portion d’autoroute. Le site est réputé être hanté depuis la nuit des temps. Déjà l’ancienne route était victime de nombreux incidents plus ou moins graves.
Chapitre 8
Marc pense à Sophie qu’il aime de tout son cœur. Il sait que sa femme le recherche et qu’elle finira par le retrouver. Il lui envoie des signaux télépathiques pour la guider vers lui. De son côté, il met tout en œuvre pour s’échapper de ce piège.
Chapitre 9
Sophie est sur les traces de Marc. Sa ténacité a payé. Elle le croise sur le chemin, blessé mais en vie. Il s’en est sorti. Elle appelle les secours. Ils sont sauvés.
Chapitre 10
Dénouement de l’histoire. On apprend ce qui est arrivé dans le passé sur l’ancienne route. Marc a changé. Il a grandi.
L’autoroute de l’Enfer
-Si on s’arrêtait là…
-Hein ?
Marc se tourna vers sa douce moitié en baillant. Il n’avait pas vu le panneau "aire de repos dans 10 km".
-ça fait des heures que tu roules. Et puis les enfants ont faim, non ?
Sophie se retourna vers sa progéniture qui ne l’écoutait pas plus que son mari. L’une avait un casque sur les oreilles et l’autre envoyait des SMS à ses potes restés à Paris.
-Vous pourriez me répondre quand je vous parle !
Léa réagit la première en retirant ses écouteurs de ses oreilles.
-C’est vrai que j’ai faim, papa.
-Ok, encore 10 bornes et on s’arrête !
Tom leva la tête de son smartphone et sourit à sa mère. Elle savait toujours comment prendre son architecte de père par les sentiments. A part pour le boulot. Là, elle n’avait pas encore réussi à le faire plier. Son travail prenait une grande place dans sa vie et ce n’est qu’en vacances qu’il se permettait de souffler un peu. Sauf quand il était sur un chantier important. Comme c’était le cas en ce moment. Les vacances promettaient d’être studieuses. Ses copains lui manquaient déjà. A 15 ans, passer ses vacances avec ses parents c’était plutôt galère. Le jeune homme soupira en pensant qu’il se ferait de nouveaux amis au camping. Comme chaque année, d’ailleurs. Et puis la perspective de sortir avec une fille l’avait effleuré pour la première fois. Il rougit à cette pensée alors que son père s’engageait sur la voie de sortie. Il soupira à nouveau.
-Sans blague, on s’arrête là ?
-Et oui, mon grand.
-ça craint. Ya un de ses monde!
-Tu n’as pas suivi la conversation, mais l’unanimité a tranché. On s’arrête-là, point-barre.
-Super…je me réjouis !
Tom jeta un œil par la vitre. Le soleil était radieux, mais la foule qui avait envahie le lieu ne lui donnait pas envie de sortir de la voiture. Marc se gara où il le pu, c’est-à-dire le plus loin possible du relai et de ses commodités, évitant les marcheurs indisciplinés et les voitures mal parquées pour finalement finir aux confins de l’aire. Avant que quiconque ne dise un mot, Sophie lança :
-J’ai fait des sandwiches. On va pique-niquer ! Regardez, il y a même de la verdure !
La jeune femme balaya d’une main le paysage pour appuyer ses dires. Un parterre d’herbe sèche, pelée et étonnamment libre leur tendait les bras, ou plutôt les fesses puisqu’ils allaient devoir s’assoir à même le sol. Sophie avait encore une fois tout prévu. Elle étala une couverture écossaise en guise de nappe, puis demanda de l’aide à ses enfants pour qu’il l’aide à déballer le pique-nique, ce qu’ils firent en rallant. Par chance un pin déplumé leur faisait un peu d’ombre. Il devait faire dans les 30° à l’ombre. A quelques dizaines de mètre de là s’étendait une forêt. Un chemin s’y enfonçait. Marc sourit en lisant le panneau qui indiquait l’entrée sur l’autoroute A6. Un plaisantin avait rajouté deux 6 à la bombe et on pouvait y lire désormais l’A666.
-L’autoroute de l’enfer !
-Pardon chéri ?
-Non rien, bon appétit !
Les enfants engloutir leurs sandwiches comme s’ils n’avaient pas mangé depuis la veille, alors que Marc et Sophie savouraient les leurs en même temps que ce repos bien mérité. Pourtant, Sophie lâcha la phrase que son mari n’avait pas envie d’entendre. Rejetant ses longs cheveux en arrière pour profiter d’offrir à son visage un doux rayon de soleil qui lui effleurait la joue, la jeune femme ferma les yeux.
-J’espère que tu n’as pas emmené ton travail avec toi car j’ai l’intention de lézarder et de ne rien faire pendant ces trois prochaines semaines. Je ne veux pas entendre les mots architecture, maison, projet de construction ou tout autre se rapportant à ta profession !
-Je vais tout régler le premier jour et on n’en parlera plus. Je dois vraiment envoyer cette demande de permis de démolir et…
-Et personne d’autre ne peut le faire à ta place ?
-Si, sans doute, mais je suis le patron, alors…
-Ouais. Je te donne un jour !
Ils rirent en cœur sous l’œil interrogateur de Tom qui s’était levé pour dégourdir ses grandes jambes.
-Tiens, mon grand, si on allait se promener ? J’ai besoin de marcher un peu.
-D’acc’
-Tu viens avec nous, Léa ?
-Non, je reste avec maman.
-Soyez sages les filles !
Passant un bras autour des épaules de son fils, Marc l’attira contre lui et le serra. Il put constater que celui-ci le dépassait de quelques centimètres. Comme Tom avait grandi ! Où était passé le petit garçon qu’il faisait sauter sur ses genoux ? Une grande perche lui faisait place maintenant, vêtue de vêtements noirs XXL. Le jeune homme se dégagea prestement de cette étreinte.
-Papa, ça craint ! ça va, j’ai plus cinq ans !
-Malheureusement. Je ne peux plus faire un câlin à mon fils !
-Bon, on y va ?
-Si on allait vers cette forêt, il doit y faire bien frais !
-On peut aller d’abord au relai ?
-Si tu veux.
Léa c’était rapprochée de son père et toute excitée sursauta sur place.
-Oh, oui, on y va, papa !
-Bon. Je parie que vous voulez vous acheter des cochonneries !
Sophie se mêla à la conversation tout en s’étirant.
-Ça fait partie des vacances. Allez-y, moi je reste là. Je vais faire une petite sieste.
-Bien, tout le monde est content. Mais je vais d’abord devoir passer par la case WC.
-Moi aussi.
-Alors c’est parti !
Léa tendit le livre qu’elle dévorait en ce moment à sa mère. En bonne fille sage, elle en avait emporté cinq ou six dans ses bagages. Elle aimait passer ses loisirs et moments de liberté à se plonger dans des histoires fantastiques ou romantiques. Ajustant sa casquette sur sa tête, elle accéléra le pas pour ne pas se laisser distancée. Elle ne voulait pas se perdre dans cette foule de vacanciers qui, par vagues, affluait au relai. Les toilettes étaient assez éloignées du relai en lui-même. Il devait sans doute y en avoir aussi à l’intérieur, mais il était impossible d’y accéder sans passer par le restaurant bondé. Marc annonça qu’après le détour aux petits coins, seule une visite au kiosque à journaux l’intéressait et qu’il n’allait pas passer son après-midi à poireauter dans des boutiques pleines à craquer de juilletistes moutonniers, prêts à acheter des souvenirs hors de prix, kitchs à souhait. Le relai était vintage et n’avait pas dû être restauré depuis des lustres. Il était assez déprimant, en fait. Mais il était également bien placé, à mi-chemin entre Paris et leur lieu de villégiature. En y réfléchissant, Marc se dit qu’il n’avait roulé que la moitié du chemin. Il se consola en se disant que ce soir, il allait manger des grillades et boire du rosé. Après le diner, Il prendrait Sophie dans ses bras et ils regarderaient le ciel étoilé, comme ils le faisaient depuis 20 ans maintenant. C’était incroyable, quand il pensait. Ils se connaissaient depuis l’adolescence. Marc avait eu le coup de foudre pour cette belle rousse aux cheveux longs et à la peau laiteuse. Elle sortait du lot. Dans toute l’école, pas une fille ne lui arrivait à la cheville. Elles étaient bien pâlottes, dans son souvenir, ses petites amies, avant Sophie. Il était lui-même pas mal de sa personne et avait eu du succès auprès de la gent féminine au Lycée. Mais il attendait la perle. Et il l’avait trouvée. Il était prêt à faire des efforts car il sentait que son travail commençait sérieusement à effriter son couple. Sophie était patiente. Elle était belle, aussi. Et encore jeune. Il sentait qu’elle s’éloignait lentement, mais inexorablement de lui. Il devait lui prouver qu’il l’aimait toujours comme au premier jour. Les vacances étaient propices au rapprochement. Il devait tout mettre en œuvre pour sauver leur amour.
-Papa !
-Quoi ?
-ça fait une heure que je t’appelle !
-Pardon, ma chérie, j’étais ailleurs.
-J’ai peur d’aller seule aux toilettes. Tu peux surveiller la porte ?
-Je reste ici. Ne t’inquiète pas. Tu y va déjà, Tom ?
-Ouais.
-Tu peux aussi te soulager dans la forêt, si tu préfères !
-Maintenant que je suis là !
-J’arrive. Attends-moi au relai, si tu veux.
-Et si on se paume ?
-Tu as ton téléphone sur toi, non ? Moi aussi. Alors appelle-moi.
-Non, je préfère t’attendre. C’est glauque ici !
Marc haussa les épaules. C’était un relai routier comme il y en a des milliers en France. D’accord, il n’était pas de la première jeunesse, mais ce n’était pas non plus Alcatraz !
Tom n’attendit que cinq minutes devant le lieu d’aisance avant qu’une cabine ne se libère, alors que les toilettes des dames, comme d’habitude, était noires de femmes qui papotaient devant les portes comme si c’était le dernier endroit à la mode pour causer. Il faisait assez sombre dans la cabine et Tom prit garde de ne rien toucher. Il n’avait pas envie de s’attraper une méchante bactérie. C’est en relevant la tête qu’il s’aperçu qu’un graffiti avait était gribouillé sur le mur devant lui. En se penchant, il distingua nettement le contour du dessin et ses poils se dressèrent sur ses bras. Un pentagramme inversé et dégoulinant, peint très fraichement en noir, d’une taille d’environ 10 cm de diamètre, lui apparut distinctement. Il tira la chasse et sortit au plus vite retrouver son père qui s’inquiéta de son air pâle.
- Tom, ça ne va pas ?
-On y va ? Cet endroit me file les jetons !
-J’y vais vite, commencez à vous diriger vers le relai, je vous rejoins.
Après sa petite visite aux toilettes, Marc rattrapa ses enfants, qui passaient déjà la porte d’entrée du relai. Ils se dirigèrent tous trois directement vers le kiosque alors que la clientèle avait déserté le lieu pour envahir la cafétéria. Ils furent assez tranquilles pour choisir quelques magazines, chacun dans son domaine de prédilection. Finalement, Tom renonça à la balade en forêt et préféra raccompagner sa sœur jusqu’à la voiture. Son malaise grandissait au fur et à mesure que la silhouette de son père s’éloignait du chemin bitumé pour se perdre entre les grands pins. Il était adulte après tout. Si cela l’amusait d’aller se perdre dans les bois, ce n’était pas son problème. La fraicheur du sous-bois rappela à Marc combien il était agréable de se promener à l’ombre quand le soleil tape à midi. Cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. En s’enfonçant dans la pinède, après avoir marché une bonne dizaine de minutes, il commença à distinguer, à travers des percées entre les arbres, un hameau dans le lointain. Sortant son téléphone portable, il fit glisser son index sur l’écran et tenta de trouver les coordonnées GPS de l’endroit. Cela l’amusait beaucoup depuis qu’il avait acquis son smartphone. It vit alors avec étonnement que le réseau ne passait pas dans la forêt. Sans s’inquiéter d’avantage, il poursuivit son chemin, bien décidé à éclaircir ce mystère : Qui habitait dans un coin si reculé, par-delà la pinède? Il lui sembla que plus il avançait, plus la route jusqu’aux premières chaumières s’allongeait. C’est alors qu’il reçut un SMS. Sophie commençait sans doute à s’inquiéter. Il devait rebrousser chemin. Le ciel s’assombrissant soudain, il se conforta dans cette idée. Il fallait retourner au relai au plus vite. Jetant un œil distrait au message que sa femme lui avait envoyé, il stoppa net sa marche.
-Merde ! C’est quoi se délire !
Marc frissonna. Sophie n’était pas l’auteure du SMS.
-666 !!! Ce n’est pas drôle !
Comme il tentait de savoir qui lui avait fait parvenir ce texto diabolique, son téléphone se mit à sonner à répétition. Les trois chiffres s’affichèrent encore et encore. Marc n’était pas homme à avoir peur d’un rien, mais cette incroyable succession d’évènements commençaient à lui ficher la trouille. Le ciel s’était encore assombrit, comme si un orage allait éclater dans la seconde. En se retournant pour revenir sur ses pas, le jeune père de famille poussa un petit cri entre ses dents. Le paysage avait complètement changé. Il ne reconnaissait plus le chemin qu’il avait pris pour venir. Le retour allait être compliqué. En regardant en arrière, il vit que les petites fermes avaient disparues, elles aussi.
-Mais qu’est-ce qui se passe ? Où suis-je ?
Marc tentait de se raisonner pour ne pas paniquer, mais la fuite lui sembla la plus appropriée à sa situation. Il devait courir. A en perdre haleine.
Le vent mugissait dans les arbres, ployant ceux-ci vers le sol, leur donnant un air de géants fabuleux prêts à attraper de leurs branches Marc qui courait sur le chemin de terre comme si sa vie en dépendait. Car c’est bien ce qu’il ressentait dans l’instant. Il avait peur de mourir. Des voix lointaines et étranges lui parvinrent alors qu’il zigzaguait en courant comme si il était ivre. Son cœur battait si fort qu’il crut qu’il allait s’arrêter dans sa course. La douleur l’empêcha d’aller plus loin. Il s’arrêta, haletant. Il prit le temps de souffler et de se raisonner une fois encore. S’appuyant contre un tronc rugueux, il inspira et expira doucement, ce qui, en quelques secondes l’apaisa. Personne ne le coursait, après tout. Le ciel était toujours noir, mais le vent s’était calmé, cessant de charrier les feuilles et les aiguilles du sous-bois en un tourbillon poussiéreux. Jetant un œil à son portable, Marc comprit que celui-ci ne lui serait d’aucun secours. L’écran affichait un "aucun réseau disponible" inquiétant. Déboussolée, le jeune architecte se sentait tout penaud. Comment avait-il put se perdre en forêt, lui qui aimait s’y promener dès qu’il avait un moment de libre. Habiter à Paris ne lui offrait que peu souvent ce plaisir. Bien sûr, il y avait les bois de Boulogne et Vincennes, mais il n’avait pas le temps de s’y rendre. Traverser la capitale n’était pas son hobby favori.
Reprenant ses esprits, il regarda autour de lui tout en repensant à ses cours de survie quand il était scout. Ils allaient lui être fort utiles, si tenté qu’il réussisse à se concentrer en se bouchant les oreilles, car les voix se rapprochaient inexorablement de lui, l’empêchant de réfléchir. A nouveau, la peur le gagna. Que disaient-elles, au juste ? C’était comme un murmure qui montait en puissance. Il distingua : "Aidez-nous, nous sommes perdus." Du moins, c’est ce qu’il lui semblait être le plus proche de ce qu’il pouvait déchiffrer de ce son surnaturel. Il cria : "Allez-vous en, laissez-moi tranquille !" Une boule dans sa gorge sèche montait lentement, étranglant Marc qui devait se rendre à l’évidence. Il était vraiment perdu. Il se mit à sangloter comme un enfant, ce qui ne lui était pas arrivé depuis ces 10 ans, quand Fred, le chat, se fit écrabouiller devant ses yeux par une voiture pressée et indifférente à ses cris d’enfant. Pauvre Fred. Il était mort sur le coup, le gros matou.
-Je vous en prie, laissez-moi…
Les voix cessèrent et disparurent comme elles étaient venues, avec le vent. Celui-ci se mit à nouveau à mugir entre les arbres, puis cessa. Marc put à nouveau respirer. Le silence pourtant le glaça. Il n’y avait pas âme qui vive à la ronde. Les oiseaux ne chantaient plus. Et il commençait à avoir terriblement froid. Décrochant le sweet qu’il avait attaché autour de sa taille, le jeune homme le passa en savourant sa douceur et sa chaleur. Au moins, il ne mourrait pas frigorifié. Il se concentra ensuite sur la façon dont il allait s’en sortir. Que pouvait-il faire ? Il avait déjà rebroussé chemin mais il s’était perdu. Peut-être n’avançait-il pas dans la bonne direction ? Il était venu par le sud et avait marché vers le nord. La mousse sur les arbres indiquait qu’il n’avait pas couru dans le bon sens. Devait-il une nouvelle fois retourner sur ses pas ? Ou alors devait-il attendre que l’on vienne le chercher ? Sophie devait forcément s’inquiéter. Marc pesta en lui-même contre sa manie de retirer sa montre quand il était en vacances. D’habitude il regardait l’heure sur son portable quand il ne portait pas sa Rolex. Mais bien évidemment, celui-ci était hors d’usage.
-Je ne vais pas rester là à rien faire ! Je n’ai pas peur de vous, vous m’entendez !
Tout en tournant la tête en tous sens pour voir si les esprits maléfiques qui le suivaient n’allaient pas s’en prendre à lui mesquinement, Marc se disait qu’il ne devait pas sombrer dans la paranoïa ou la folie. Il n’avait jamais cru au paranormal, même si Sophie avait tenté maintes fois de le convaincre de sa réalité, elle-même adepte de séances de voyance et autres balivernes soi-disant spirits. Il était d’un naturel rationnel et refusait de croire aux fantômes et aux messages de l’au-delà. Quand on est mort, on est mort et il n’y a rien après.
C’est en se rassurant de la sorte que Marc finit par se ressaisir. Alors qu’il allait reprendre le chemin en sens inverse, il entendit un bruissement dans le feuillage d’un mûrier touffu. Une fillette d’une dizaine d’année sorti de sa cachette et s’avança vers lui. Surpris, l’architecte sursauta puis lui sourit. Il n’était plus seul.
-Bonjour, que fais-tu ici ?
Pour toute réponse, l’enfant lui fit au revoir de la main et s’enfonça dans le bois.
-Eh ! Attends !
S’élançant à sa poursuite, Marc tenta de la suivre, mais elle marchait très rapidement, louvoyant entre les troncs d’arbres à une vitesse impressionnante. Elle l’attira jusque vers un devers, puis contourna la petite colline et disparu. Marc venait de comprendre : Il était bel et bien entré dans un monde parallèle. Sinon, pourquoi cette enfant portait-elle des vêtements des années 80 ? Cela ne l’avait pas frappé tout de suite, mais cette robe à carreaux, ces couettes et ces chaussettes blanches montantes étaient d’une autre époque. La gorge nouée, le père de famille retint un sanglot. Il n’allait jamais sortir de cette forêt. La fillette l’avait amené à la suivre et il savait qu’il était encore plus perdu que cinq minutes auparavant. Le sous-bois était toujours aussi sombre, comme si la nuit tombait prématurément. Depuis combien de temps errait-il ? Pourquoi personne ne s’inquiétait de sa disparition ? Tout ceci n’était qu’un cauchemar et il fallait qu’il se réveille. Marc n’était pourtant pas endormi, même si il ressentait une grande fatigue. Il sentit à nouveau son cœur s’emballer quand, au loin, il distingua en relevant la tête, les contours des petites chaumières qu’il avait vues en arrivant à l’orée du bois. De la fumée sortait même de la cheminée de l’une d’elle. Il décida de se diriger dans leur direction. Avec un peu de chance, elles étaient réelles et n’étaient ni le fruit de son imagination, ni un mirage. Seules quatre maisonnettes formaient le hameau, mais il y avait une petite chapelle en son centre ce qui rassura Marc. Il avait au moins une certitude dans la vie. Il croyait en Dieu. La fillette fit à nouveau irruption sur le chemin à une dizaine de mètres devant lui et il sursauta. Avalant avec peine sa salive, il s’arrêta. La gamine se mit à rire et fit signe à Marc de le suivre d’un geste encourageant.
-D’accord. Je crois en toi. Je te vois. Je t’en supplie, fais-moi sortir d’ici !
Tendant une main suppliante vers elle, le jeune architecte s’approcha doucement de l’apparition car il avait peur qu’elle ne s’évanouisse à nouveau. Quand il ne fut plus qu’à quelques mètres d’elle, il put voir son visage se transformer. Sa peau devint comme du parchemin, se réduisant en quelques secondes jusqu’à devenir si sèche qu’elle se craquela, laissant apparaitre les os de son crâne en un masque effrayant. Hurlant de terreur, Marc se mit à courir comme un fou, droit devant lui, passant à travers la vision d’horreur qui s’évapora. Il eut juste le temps d’entendre son rire d’enfant machiavélique lui vriller les tympans avant de se prendre le pied dans une racine. Il comprit, tout en tombant lourdement sur le sol qu’il n’arriverait pas à se rattraper. Il espérait seulement ne pas se faire trop de mal et se laissa dégringoler du haut de la petite colline pour ainsi limiter les dégâts. Il roula plusieurs fois sur lui-même avant d’atterrir dans un trou assez profond, de forme circulaire régulière. Un craquement sec lui arracha un cri de douleur. Sa cheville droite n’avait pas résistée au choc. Submergé par la peur, l’angoisse et la douleur, Marc se mit à pleurer doucement. Dans sa chute, il avait perdu son portable. S’était peut-être encore le seul lien qui le reliait à la réalité.