L'Autoroute Transversale

jeremyslade

Structure de chaque chapitre :

- Un article qui explique les mystères de l’autoroute qui agiront durant l’épisode.

- Les péripéties du narrateur et de sa famille.

- Une chanson de Joe Cocker, concluant et symbolisant l’épisode.


Chapitre 1

Article : la création de l’autoroute.

Présentation du narrateur, de sa femme Mélanie et ses enfants Romain (vingt-deux ans), Coralie (dix-sept ans) et Nicolas (cinq ans). Arrêt dans la première station de l’autoroute, Nicolas disparaît, mais personne ne semble s’en rendre compte, sauf le narrateur qui a comme un sentiment de vide.

Chanson : début : The Long Voyage Home, puis  N’oubliez jamais.

Chapitre 2

Article : rumeur concernant les barmans des dix stations de l’autoroute.

Rencontre avec Jean, vingt-cinq ans, qui dit être le fils du narrateur. Le reste de sa famille ne semble pas le voir. Il prend la route avec eux, à l’arrière (ancienne place de Nicolas).

Chanson : My father’s son

Chapitre 3

Article : les trafics illégaux ayant lieu sur l’autoroute.

Coralie est retrouvée dans les toilettes en ayant fait une overdose. Puis elle n’est plus là. Elle n’a pas entièrement disparu car le narrateur l’appelle au téléphone. Elle est en cure de désintoxication, encore attirée par ce qu’elle appelle « son côté sombre ».

Chanson: Night Call

Chapitre 4

Article: explication sur la faune sauvage qui s’est développée dans les stations abandonnées.

Arrivé d’un chat qui ressemble à celui qu’avait le narrateur avant qu’il ne rencontre Mélanie. Il avait du s’en débarrasser car elle était allergique.

Chanson : Feelin alright

Chapitre 5

Article : La mémoire de l’autoroute.

Le narrateur perd le sentiment amoureux qu’il a pour Mélanie. Flash back sur leur rencontre. Il sent que sa mémoire va se transformer, comme s’il passait de l’autre côté du miroir. Ils continuent néanmoins la route ensemble.

Chanson : Unchained my heart

Chapitre 6

Article : l’importance de l’épicentre de l’autoroute.

Une nouvelle femme apparait et dit être mariée au narrateur. Elle explique au narrateur qu’ils ont eu Jean lors de leur jeunesse, avant qu'il rencontre Mélanie. L'enfant n’était pas désiré mais qu’ils ont décidé de le garder.

Chanson: One Night Of Sin.

Chapitre 7

Article : le travail sur l’autoroute.

Romain n’est plus du voyage. Tout le monde trouve cela normal. Le narrateur l’appelle et lui demande comment se passe sa recherche de travail dans le domaine artistique.

Chanson: Got to Use my imagination

Chapitre 8

Article : La société parallèle de l’autoroute.

Ajout de souvenirs dans la mémoire du narrateur.  Sa situation change. Ses habits changent. Il a l’impression de vivre un rêve de plus en plus consistant.

Chanson: Edge of a Dream

Chapitre 9

Article : Les disparitions sur l’autoroute.

Disparition de Mélanie. Il ne reste plus que sa nouvelle femme, Jean, et le chat. Le narrateur a un sentiment bizarre, comme si la bascule venait de se faire entièrement.

Chanson : Don’t forget me.

Chapitre 10

Article : La véritable fonction de l’autoroute.

Le narrateur comprend que l’autoroute est une représentation des choix que peuvent prendre les personnes. Aujourd’hui, dans cette u-chronie, il est possible de vivre plusieurs vies en même temps. Il faut un parcours symbolique, qui passe par un rêve, sinon le changement, trop radical, serait fatal pour le cerveau. D'où le réalisme de l'autoroute. Dans cet état d’hypnose, le narrateur se laisse porter par une liste de musique pour changer sa vie. Ici Joe Cocker. Chaque chanson l’emmène rétroactivement (à la manière d’un rêve) dans une autre direction. On ne sait pas s’il quitte la réalité pour un rêve ou inversement. Il fait juste une transition entre deux vies.

Chanson : Take me home. L’histoire s’arrête en même temps que la chanson (la dernière de la Playliste). Il sort de l’autoroute avec sa nouvelle famille : sa femme (premier amour de jeunesse), son fils et son chat. Le jour se lève (symbole du réveil).

CHAPITRE I

L’Autoroute Transversale, ou AT, a acquis avant même le jour de son inauguration le surnom d’Autoroute Maudite. Ebauchée en 1971, son ambition – avant tout politique – était d’en faire l’autoroute la plus grande d’Europe. Il aurait ainsi été possible d’effectuer la traversée du pays en quelques heures à peine et surtout d’effectuer un quelconque record, à l’époque où les deux géants de la Guerre Froide dessinaient l’histoire mondiale. L’AT serait un symbole de la modernité, glorifiant la voiture individuelle.

Un an plus tard, le premier choc pétrolier vint refroidir ces intentions. Ce projet reprit à la fin des années soixante-dix. Quelques mois après, le second choc pétrolier mis un nouveau coup d’arrêt.

Au début des années 1980, le projet reprit. Mais si l’ambition de cette autoroute était nationale, le projet se heurta à des blocages régionaux des communes n’affichant pas la même couleur électorale que le gouvernement.

Au moment où des compromis furent enfin trouvés, le parti au pouvoir changea. Les régions auparavant d’accord se rétractèrent et le processus de négociations du se faire à nouveau.

L’autoroute fut enfin inaugurée en 1988. Cette fin de décennie correspondait au développement d’une conscience écologique de masse. Ce projet fut ainsi jugé rétrograde, désuet et obsolète. En contre-courant avec toutes les tendances actuelles.

De tels retards dans sa construction avaient transformé l’autoroute en gouffre financier, qui dut être compensé par la tarification excessive de ses péages. Ce fut le coup final porté à l’AT. Personne ne pouvait s’offrir les prix affichés, à l’exception des routiers, financés par les entreprises.

Cette autoroute fut ainsi un désastre économique, écologique, et politique. A la chute du mur de Berlin, certains journalistes écrivirent que « si on détruit un mur symbolique chez nos voisins, on vient ici d’en inaugurer un à grande vitesse ».

Ses promoteurs avaient voulu la surnommer « l’A66 » en référence à la route 66 traversant les Etats Unis. On accola rapidement un troisième 6 à cette appelation, la frappant d’un sceau d’infamie qui ne la quittera plus.

Elle traverse aujourd'hui le pays, partant des alentours de Lourdes jusqu’à Dunkerque. Certains trouvent très ironique d’avoir fait débuter cette route maudite près d’une ville sainte. Elle est principalement utilisée par les professionnels, qui doivent traverser le pays le plus rapidement possible et par quelques particuliers prêts à payer le prix conséquent.

En raison de cette faible fréquentation, le nombre de stations-service s’est drastiquement réduit. Certaines aires de repos sont mêmes laissées complètement à l’abandon et les bâtiments servent de refuges aux animaux. Si l’autoroute fait 750 kilomètres, il n’y a que dix stations ouvertes, tous les 75 kilomètres. Celles-ci se sont densifiées pour devenir de véritables petits villages où les routiers prennent le temps de vivre.

Des rumeurs circulent d’ailleurs comme quoi certaines personnes ne quittent désormais plus l’A666, passant d’une station à l’autre, et qu’une véritable société parallèle est en train d’émerger dans ce longiforme microcosme.

Bien sûr il ne s’agit que de rumeurs. L’A666 en génère beaucoup. Nous les verrons dans le chapitre suivant.

*

Nous sommes réunis dans la voiture espace familiale. Ma femme Mélanie à mes côtés. Juste derrière, Romain bouquine et Coralie écoute sa musique. Au fond, Nicolas dort à poings fermés.

La route est à nous. Du moins, la file de gauche. A droite, nous longons une interminable file de camions accolés les uns aux autres. Chaque fois que je suis sur l’AT, je croise les doigts pour que l’un d’entre eux n’ait pas l’idée d’un dépassement qui prendrait un quart d’heure. Soit pour moi un quart d’heure d’énervement, à littéralement ronger mon frein. Mais ça n’est jamais arrivé. Ici, les camions avancent tous à l’exacte même vitesse et semblent parfaitement s’en accommoder. Tant mieux.

A part les camions, personne. Nous devons être l’une des seules familles pour qui l’AT possède une véritable utilité. Sans elle, je ne connaîtrais pas autant les joies de la belle-famille, à laquelle nous allons actuellement rendre visite. La durée du trajet est considérablement réduite même si cela nous coûte un bras. Mais le beau-père est tellement heureux de nous voir qu’il couvre une partie des frais. A chaque fois, nous partons le vendredi soir pour arriver le samedi matin.

Nous avions franchis le péage automatique de l’AT il y a une cinquantaine de kilomètres. Je mets la radio et vaque machinalement de station en station quand retentit la voix de Joe Cocker et sa chanson « The Long Voyage Home ». J’aime beaucoup Joe Cocker. Dès qu’un de ses morceaux passe, je la laisse.  Pendant que le crooner anglais chante, je suis la droite autoroute, dépassant les camions les uns après les autres avec la régularité d’un métronome.

Soudain l’inévitable se produit.

« Papaaaaaa… »

Je soupire. Nicolas ne se réveille sur l’autoroute que pour une seule raison.

« Oui Nicolas ? Je connais déjà sa réponse et guette le panneau de la première station-essence.

- J’ai envie de faire pipi ».

A chaque fois, je lui explique qu’il faut y penser avant et chaque fois il recommence, appuyé par Mélanie qui prend sa défense en arguant la taille de sa vessie et les vibrations de la voiture.

J’émets un grognement de façade car je suis au fond content de cette routine. La routine m’a toujours rassuré. J’actionne le clignotant et guette un espace entre le flux des camions pour atteindre la première aire de l’AT.

A  peine arrêté, Nicolas sort de la voiture et fonce sur ses petites jambes pour disparaître à l’intérieur du magasin.

« Nicolas, pas si vite. »

Je rentre à mon tour mais je ne le vois pas. Inquiet, je jette un rapide coup d’œil dans le magasin.

« Si tu cherches le petit bonhomme, il est parti directement vers les toilettes. »

C'est le barman. Il se situe derrière un comptoir, astiquant un verre dans une posture confinant au stéréotype. La caricature s’arrête là, puisque derrière lui, aucun Martini ou Pastis mais un étalage de jus de fruits. Une rumeur court sur les stations de l’AT, comme quoi de nombreuses bouteilles d’alcool sont officieusement en vente. Mais le nombre de rumeurs circulant sur cette autoroute est si grand qu’on pourrait en écrire un livre en plusieurs chapitres.

Je rentre dans les toilettes et je vois mon bonhomme sur la pointe des pieds, qui tente de laver ses mains, bras en avant. Encore quelques années mon petit. Pour l’instant, tu as encore besoin de ton papa. Je l’assois sur le rebord. Son regard s’illumine quand en agitant les mains il parvient à déclencher l’eau par lui-même.

Nicolas n’était pas désiré. Nous avons fait le choix de le garder et je n’ai jamais été plus heureux d’une décision de ma vie. Ce gamin est la preuve que, même si la routine me rassure, il faut parfois accepter l’imprévu.

Après l’avoir soulevé jusqu’au séchoir automatique (autre instant magique pour lui), nous sortons des toilettes et je vois ma petite famille installée à une table.

« Bon, quitte à s’arrêter… »

Nous avons pris à manger. Ça m’allait très bien, nous n’avons plus trop l’occasion d’être tous ensemble. Romain, le plus grand, a quitté la maison lorsqu’il a trouvé ce travail d’ingénieur urbain après trois ans de chômage où ne voulait rien entendre d’autre qu’une carrière artistique. Coralie, dix-sept ans, émerge enfin de son adolescence chaotique. Deux ans très difficiles, pour elle et pour nous. De nombreuses fugues, quelques prises d’héroïnes. Sa tentative de suicide l’année dernière fut paradoxalement son moyen d’arrêter cette dérive. Elle nous a tout avoué et nous avons redoublé d’efforts pour nous en occuper. Aujourd’hui elle va mieux. En ce moment, notre famille est enfin pacifiée

Coralie mange une salade en silence, Nicolas dévore sa compote et Romain engouffre son sandwich. Je prends un simple café et Mélanie bois un jus d’orange. Nous ne parlons pas, profitans de l'apaisant silence.

Avant de sortir, Nicolas hésite à repartir aux toilettes, histoire d’assurer le coup. Mais il se dit qu’il pourrait bien tenir. Au pire, son papa s’arrêtera une nouvelle fois. Ensuite, il disparait.

Nous avons tranquillement regagné la sortie. Une fois dehors, mes doigts cherchent à tâtons la main de ma femme. Ce mini-entrelacement de quelques secondes, le temps de regagner le véhicule, est délicieusement romantique. Avec Mélanie aussi, tout ne fut pas rose. Mais nous voilà désormais réunis jusqu’à la fin de nos jours.

C’est en claquant la porte que j’ai commencé à douter. Je suis resté quelques secondes, immobiles, jusqu’à ce que Romain me demande :

« Qu’est ce qu’il y a papa ? Un souci ? »

Oui, un souci. Un vide. Mais je ne sais pas de quoi.  Pourtant, tout le monde est là et me regarde avec curiosité.

« Vous n’avez pas l’impression qu’il manque...une personne ? »

Ils me regardent curieusement.

« Pas du tout voyons. Regarde. Nous sommes là. »

Romain a raison. J’ai pourtant l’impression de ressentir ce vide dans mon corps. Comme si quelque chose n’est pas à sa place. N’est plus à sa place.

Je dois vérifier. Je ressort du véhicule. Il me semble qu’il fait déjà un peu plus froid qu’auparavant. C’est normal : la nuit va bientôt tomber.

Le barman n’a pas bougé. Il est derrière son comptoir et nettoie son verre avec minutie. Il veut être sûr qu’il soit limpide. Transparent. Pur. Que toutes les traces disparaissent. Que l’on n’imagine pas qu’il ait déjà vécu auparavant.

Il n’y a personne d’autre dans le magasin. Pas un seul camion ne s’est arrêté. Il faut dire que nous ne sommes qu’au début de l’autoroute. Derrière lui se trouve toujours les jus de fruits. Je m’approche de lui mais je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Ni ce que je vais dire. Il me fixe avec nonchalance et ne semble pas surpris de me revoir.

«Vous cherchez quelque chose. »

Ce n’était pas une question. Je réponds tout de même.

« Oui. Mais je ne sais pas quoi. »

Il continu de nettoyer son verre, d’un frottement que je trouve de plus en plus irritant. J’ai l’impression d’entendre un couinement à chacune des torsions de son chiffon. Comme s’il étouffait quelqu’un.

« Ça ne m’étonne pas.

- Pourquoi ?

- Parce que vous avez la tête de quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il cherche. »

Un silence passe, ponctué de couinements de verre.

« Comme savoir ce que je cherche alors ?

- Commencez par le début. Pourquoi vous êtes-vous arrêté ici ?

- J’avais envie d’aller aux toilettes et… 

- Vous aviez envie d’aller aux toilettes ? Vous en êtes sûr ? »

Cette remarque est complètement stupide.

« Je sais quand même s’il s’agit de ma vessie ou de celle de quelqu’un d’autre. D’autant que si je pouvais changer, je le ferais bien, vu que la mienne est plutôt petite. Et avec les vibrations de la voiture… »

Sans cesser de me fixer, il m’interrompt.

« Si je vous parle d’un enfant, cinq ans, brun, souriant, ça vous dis quelque chose ?

- Qu’est ce que vous voulez que ça me dise ? Je suis supposé connaître… ».

Le barman pose le verre dans un bruit sec qui me coupe la parole.

« Ecoutez bien ce que je vais vous dire.  Il y a dix aires d’autoroutes jusqu’à la fin. Vous allez vous arrêter sur chacune d’entre elle. Chacune, sinon vous ne trouverez pas de réponse à vos questions. A chaque station, vous allez alternativement perdre et trouver quelque chose. Ici, vous perdez. A la dernière, vous aller tout comprendre. Entre temps par contre, le mystère va s’épaissir de plus en plus. Mais tout a une explication. Tout. »

J’avais reculé de plus d’un mètre durant son discours.

« N’ayez pas peur.  Regardez. »

Il me fait m’approcher du comptoir et me désigne une télévision avec une image de vidéosurveillance.

« C’est la caméra de ce magasin ?

- Non. Non. Il s’agit du magasin de la prochaine station. Nous sommes tous connectés.

- On dirait vous sur l’image.

- Je vous dis que c’est la suivante. Sinon, vous seriez aussi dessus. Soyez un peu logique.  Cette personne, il faudra aller la voir aussi. Vous saurez quelle question lui poser. Maintenant filez.»

Je recule à nouveau. Je n’aime pas cette situation. Je regagne rapidement la sortie tandis que le couinement recommence. Il vient de reprendre son verre. Je sors et sens le vent frais me fouetter le visage comme pour me secouer après un mauvais rêve.

Je suis heureux de regagner le véhicule et ma famille. Ma routine. Chaque pas m’éloigne de cette situation qui me parait irréelle. Je fais claquer ma porte et oublie ce qu’il vient de se passer.

Je me retourne. Tout le monde est là. Romain, Coralie, Mélanie, moi-même. C’est le principal. Nous sommes tous réunis.

Je démarre.

Au fur et à mesure que je m’éloigne de la station, des sentiments différents me tiraillent. Un mal-être, un goût d’inachevé. Quelque chose qui souhaite s’arracher de ma tête, mais ne trouve pas la sortie. Pour m’en débarrasser, je mets la radio. Au hasard des stations, je tombe sur Joe Cocker qui fredonne « N’oubliez jamais ». J’aime beaucoup Joe Cocker. Dès qu’une de ses chansons passe à la radio, je m’arrête dessus.

Un panneau usé indique « station ouverte à 25 km ». Je n’ai aucune raison de m’y rendre. D’ailleurs je n’irai pas. Je ne vais pas suivre les élucubrations d’un barman. De plus, nous avons une longue route devant nous.

« Station ouverte à 15 km ». La chanson vient de finir et ma femme coupe alors la musique. Le silence revient et cette tension apparaît de nouveau dans ma tête. Elle gonfle, enfle, fini par bourdonner aussi fort que le moteur de la voiture. Je ne sais pas pourquoi. Non seulement je n’ai aucune réponse, mais je n’ai même pas la question.

« Station ouverte à 2 km ». Au pire, je m’arrête quelques minutes. Histoire de me prouver que tout cela n’est qu’une pure fantaisie. Au moins mes pensées seront clarifiées et si cela peut ôter le bourdonnement de ma tête...

« Station ouverte à 300 m ».  Clignotant, je trouve une place entre deux camions puis prends la sortie. Je prétexte une nouvelle fois la taille de ma vessie – même si ma femme, avec cette manie infantilisante, va encore me dire que j’aurais dû y penser avant.

J’ouvre la portière. L’atmosphère est plus lourde que sur la station précédente. La nuit est sur le point de tomber.

Un jeune homme s’approche vers moi en souriant. Il doit avoir vingt-cinq ans. Je me demande ce qu’il me veut et soudain il me prend dans ses bras. Surpris, je tente de me dégager mais il est fort comme un bœuf.

« Tu m’as tellement manqué, papa… »

Je m’écarte en sursaut. Je n’ai jamais vu cette personne de ma vie.

Signaler ce texte