L'autre
realmppn
L'autre.
Tous! Ils ont tous pris cette manie de l'appeler “l'autre”. Où est le respect? Il est négligé c'est vrai et sa familiarité peut décontenancer. Mais il ne prend personne de haut contrairement à tous.
Le fréquenter n'avait fait qu'affirmer ce dont je me doutais déjà : tous mes amis sont des snobs. Le tropisme parisien leur a brûlé l'humilité.
Un jeudi soir j'avais invité “l'autre” dans un bar où se réunissaient mes amis à Oberkampf. “L'autre” était déjà sur Paris, je le joignis à Bercy. Il était seul, par terre dans le parc, la clope au bec. Il inspira de grandes bouffées et expira lentement. Il s'excusa de son état que je n'aurai su deviner sans ses précisions. “Y avait un concert gros, je suis rincé. J'ai gobé un buvard, il est terrible… Depuis des heures…” marmonna-t-il. Conscient de sa défonce avancée, je l'ai accompagné à la gare et le libéra. Je sentis son regret malgré son ton joueur : “Tu vas faire comment pour pécho Anaïs sans ton wingman?”. Nous rions et nous quittions sur le quais.
Dans le métro je me disais que ça faisait peu de temps que je le connaissais, pourtant il en savait plus sur moi que tous mes amis. Aucun d'eux ne pouvait s'imaginer mes sentiments pour Anaïs et sans l'avoir jamais vu il l'a deviné. J'étais à la bourre et ils étaient tous dans le bar, chacun face à son verre. Je sentis leur soulagement de me voir arriver seul. Les salutations faites, il n'eut aucune réaction face à l'absence de “l'autre” que j'avais pourtant annoncé. Je pris le soin d'être à côté d'Anaïs et me laissa porter par la chaleur de nos retrouvailles. Quelques pintes plus tard, je convia Anaïs à l'extérieur pour en griller une. C'est une fille timide mais je sentis qu'elle voulait me dire quelque chose. Je la fixa dans les yeux, en espérant que le silence débouche sur un baiser, mais elle l'interrompit : “tu sais. Bois pas trop ce soir.” Fit elle gênée. J'étais surpris. Ils buvaient tous plus que moi. Elle continua : “on dirait que tu deviens quelqu'un d'autre quand t'es saoul”. Résigné j'écrasa ma clope à la moitié et me dirigea aux toilettes. Sur le trône je me fis un énorme trait de cc pour qu'ils voient tous que je tiens l'alcool ! Mon téléphone retenti; c'était “l'autre”. Je le mis au fait de ma récente besogne et que j'aurais aimé lui faire croquer. Tu touches je touche, c'était notre crédo. “Ce fou hasard ! J'ai retourné ma chambre et suis tombé sur un caillot ! je pète la forme!” s'exclama-t-il! Il voulait me rejoindre et j'acquiesça.De retour à ma place je me concentra sur une rare sensation d'apaisement. L'autoproclamé chef de ma bande imposa l'idée de finir en boite, validée par son auditoire. Sur le chemin, les effets de la drogue chutèrent, supplantés par la tise. Les bières, les shoters et le rhum arrangé en cohorte ont assiégé ma bile. Nauséeux, je me laissa distancer par le groupe. Seule Anaïs daigna m'attendre mais je l'ai rembarré pour être seul face à mon vomi. C'était une galette multicolore et acide.
Je me hâta pour les rattraper quand “l'autre” m'apparu, sortant d'une bouche de métro. Il avait l'art de soigner ses entrées, sous une lune pleine encerclée de nuages gris aux pourtours éclairés qu'il fixait sans discontinuité tandis que ses pas le guidaient vers moi. “Prêt à faire du sale?” Lança-t-il avec sourire. Nous nous hâtâmes afin de rejoindre le groupe. Sur la route je le briefa. “C'est une aubaine d'avoir le vomi qui réveille” constata-t-il. Devant la boîte malgré l'heure tardive la file était encore longue. J'observais la foule sur la pointe des pieds. Ma bande était en tête. “L'autre” prit l'initiative de dépasser les gens en me tirant par le bras. Notre percée fut brève. “Fais la queue comme tout le monde!” S'exclama un des gaillards en faisant barrière avec son corps imposant. “Je rejoins des gens devant” répondit “l'autre” avec aplomb. Il était prêt à en arriver aux mains mais je le calma. Une fois devant le physio, “l'autre” s'était fait recaler. Le physio prétexta qu'il cherchait la bagarre puis il m'invita à entrer d'un signe de tête. Face à la porte entrouverte je vis Anaïs passer en caisse et se retourner nerveusement. Nos regards s'étaient croisés, elle m'appela, je répondis non et m'en alla rejoindre “l'autre” assis dans le caniveau. Près de lui, je laissa échapper un soupir. “Qu'est-ce t'as? Y a mieux que de payer quinze balles pour danser mollement sur de la deep house!” me dit “l'autre” en se relevant. “Partons !” Continua-t-il.
Nous n'étions pas à notre première soirée en tête à tête et nous nous étions conformés à notre habitude : Marcher le long des bords de seine en sirotant un rouge bas de gamme. Nous parlions de tout mais jamais des mêmes choses. Cette nuit nous nous demandions pourquoi on se droguait. Lui prêtait ce penchant à la reconquête de l'innocence de l'enfance. Pour moi chaque ivresse était une nouvelle couche de peinture sur un bâtiment décrépit. Le bâtiment monde dont la laideur se révèle avec la sobriété. Il me trouvait lâche d'accuser ainsi la société. “Mais n'est ce pas la société qui corrompt l'enfant?”. Il me répondit d'un sourire. Il releva un paradoxe en moi, je fustige la mondanité pourtant je suis toujours en vadrouille. “C'est pourtant entouré que je me sens le plus seul” lui ai-je répondu. Il me demanda si je me sentais seul avec lui. “Non” fis-je.
Il s'était emmuré dans un long silence. Je lui ai demandé ce qu'il avait. “Le regard déçu d'Anaïs quand je lui ai dit non pour la boîte me hante” qu'il répondit. Je lui ai rétorqué qu'avec moi il aurait pu gagner des points en jouant le gars responsable. Ça l'avait fait marrer. Je savais que ses potes ne m'aimaient pas, trop impulsif pour eux. Mais quand il arrive à me raisonner, il en récolte les lauriers. Il était encore dans ses pensées quand une clocharde s'avança vers nous. “T'as de la thune?” cria-t-elle. Je lui avais répondu non mais que si elle avait de la drogue ça pouvait s'arranger. J'avais vu à son visage qu'elle prenait du crack. Elle m'avait dit de la suivre, que je ne sais plus qui avait tout, de la coke, du shit, des ecstasys. En route je l'écoutai me parler de ses galères avec empathie, que les dealers étaient des salauds avec elle, mais que je ne sais plus qui était gentil. Nous arrivions face à un immeuble. Dounia n'avait pas le numéro de son dealer. Il était quatre heure du matin et il fallait sonner au hasard à l'interphone pour se faire ouvrir. C'était pas cet incapable de me défendre devant ses potes qui avait les couilles de le faire. Je sonna chez une famille au nom africain, misant sur leur tolérance. Bingo, la porte s'ouvrit sans aucun échange de mots.
Après avoir gravi de longs étages par un escalier de service, nous arrivions chez je ne sais plus qui. Il nous fit rentrer dans sa cuisine, il y avait du monde dans le salon. Je lui avais demandé de la c, il me répondit qu'il n'en vendait pas comme ça. Il me proposa un gramme de mdma à un tarot imbattable, vingt balles. Je pris sans hésiter et lui proposa de payer un shoot à Dounia. Nous partions, elle resta avec je ne sais plus qui pour chasser le dragon.
Excité à l'idée d'être encore plus défoncé, il sorti de son mutisme. “Elle faisait quoi Dounia avant d'être comme ça ?” s'enquit-il. Je lui avais dit que c'était quelqu'un de lambda qui voulait s'amuser jusqu'au jour où ça a mal tourné. “Comment savoir si ça tourne mal?” Je répondis que parler seul était un bon indicateur. On avait priser quelques traits de md assis face à la seine.
Le soleil se levait quand je vis que j'étais seul. Il m'était impossible de me remémorer quand “l'autre” était parti. Je vérifia mon telephone pour voir si il m'avait contacter. Je tomba sur un message d'Anaïs : “Noa, je t'avais prévenu et tu as encore trop bu. T'as embrouillé des gens dans la file de la boîte, tu t'es fait recaler. Je ne suis même pas sure que tu t'en souviennes ! Je t'ai proposé de rentrer avec toi, tu m'as envoyé chier. Si un jour tu te ressaisis, fais moi signe! Sinon, adieu.”
Je rangea mon téléphone et observa mon reflet dans le fleuve plat du matin. Je vis que l'autre c'était moi.
Yeeesss!!!!
· Il y a presque 7 ans ·unrienlabime
Oh yeah ;)
· Il y a presque 7 ans ·realmppn
fin trop prévisible.
· Il y a presque 7 ans ·Hi Wen
Est ce parce que le thème du dédoublement de personnalité qui est récurrent dans les oeuvres de fiction ou ma manière d'amener la chute qui rend la fin prévisible?
· Il y a presque 7 ans ·realmppn
theme trop classique, oui. le titre et l"intro mettent sur la voie
· Il y a presque 7 ans ·Hi Wen
Ok merci :)
· Il y a presque 7 ans ·realmppn