L'Avenue des Orchidées
Grégory Parreira
Il ne renversait plus personne ce spectacle.
La foule se livrait -béate- au réceptacle
Du sens unique, dans l'ossature des leurres
Qui ventilaient leur yeux d'un vernis de chaleur.
Du capiteux ! Des sucs à vous tordre les sens,
Anse saline de pulsions et d'essences ;
Des raccourcis du corps sans le feu des géants
Comme le globe bleu sans son vaste océan.
C'était une travée engourdi de grandeur,
Un marais ronronnant où l'hydre d'impudeur
Se plaisait à flâner. Des peaux, de l'enveloppe,
De la superficie, un réseau interlope
De lèvres et d'écrans se tendaient aux façades ;
Et les bras d'Apollons, les nymphes, la glissade
Des muses qui offraient le poème à nos murs
Voyaient leurs chants d'amour froissés à l'encolure.
De la sécurité jusqu'aux cordes des lyres !
Où peut courir un cœur sans se risquer au pire ?
Où voguerait ce nid du vivant exhumé
Sans ses veines de lave et son ventre enflammé ?
Des caniveaux cendrés montaient de larges tiges.
En paravent des toits, en salves du vertige
Elles croisaient le fer des vitrages muets,
Le broussin des balcons et le repli fluet
Des chéneaux perforés. Elles frayaient leur voie
Dans un emmêlement criard de porte-voix,
Dans un chaos d'éclairs, de logos et d'enseignes,
De l'image en mitraille hormonale, le règne
De l'orgasme esseulé, épluché de tous rêves.
Les flèches clignotaient sans sommeil et sans trêve
Montrant du doigt le ciel comme visée unique.
L'avenue ondulait, ses tresses hypnotiques
Lestant les gorges d'un étouffée de pollen :
Un sirop jouisseur imposait son haleine.
Bien au-dessus des toits -goules artificielles-
Des grappes d'orchidées atomisaient le ciel :
Sexes ouverts, scindés en blanches oreillettes,
Pistils centrés, tendus, en symétrie parfaite.
Les fleurs écartaient leurs jambes au firmament.
Rage dans l'avenue ! Inflexible tourment
Des proies hurlant la lune à ce désir unique,
Ce manège des peaux, cet hymne mécanique
Brandi à tous les mots. Tout se rinçait d'envie,
Fictions, politique; une moitié de vie
Oubliait le brasier de sa sœur d'incendie.
Il manquait du divin aux rayons de midi.
Accroupi sur le sol loin des applaudimètres
Un amant déversait son cœur dans une lettre.
Lyon, 6.8.16
Belles métaphores !
· Il y a environ 7 ans ·Louve
halluciné !
· Il y a environ 7 ans ·Susanne Derève