Le Boucher

Nikita Jones

Non.

Peut-être.

Il ne savait pas.

Tapis dans l'ombre, sur la banquette du vieux bar, chapeau sur la tête et cigare en bouche, il souffla un peu de fumée et se redressa sans faire de bruit. Il avait peur. Après tout, quel homme n'aurait pas peur d'être découvert, arrêté, incarcéré pour le meurtre de trois femmes à Orléans, Toulouse et Bordeaux, toujours aux alentours de quatre heures du matin et avec, à chaque fois la même façon de procéder ?

De la chair, il en avait vue plus qu'il n'aurait jamais espéré en voir. La première victime, Mallaury, avait même réussi à tâcher sa voiture de sang, ce qui a eu don de faire râler le Boucher. Il avait coupé ses membres: bras, jambes, tête, et avait jeté le tout dans un puit.

Première expérience.

Satisfaisante mais pas suffisante.

Il avait soif. De sang, de femmes, d'horreur et de mort. 


Il avait décidé d'aller plus loin avec la deuxième. Encore une fois trouvée sur un site de rencontre plus que banal, l'inconnue avait accepté d'aller chez lui après un verre. Le Boucher peinait à comprendre ce que toutes lui trouvait. Il n'était pas beau et pas même charismatique. Quatre vingt dix kilos, une barbe de soixante douze heures, et de petits yeux de rat cachés derrière des verres correcteurs de myopie. 

"Toutes des putes" se disait-il. "Les putes doivent payer pour s'être moquées de moi."

Après un verre de champagne bon marché de trop, la deuxième victime, du nom de Christine, était elle aussi entraînée dans un train infernal. Il l'embrassa de force, la poussant violemment contre le mur. Puis, il l'attacha aux barreaux de son lit et la viola sans relâche. Elle criait, pleurait, appelait à l'aide, mais lui se nourrissait de sa douleur. Il s'en impreignait cri après cri, seconde après seconde. Il n'y avait personne aux alentours alors cette salope pouvait bien continuer d'hurler à en perdre la voix. Le Fou la laissa s'écrouler sur le lit après peut-être quarante cinq minutes acharnées qui, pour elle semblèrent durer une éternité, et pour lui seulement quelques secondes. Ligotée, elle était piégée et réalisa finalement qu'elle ne verrait plus jamais la lumière du jour. Il se leva alors et parti chercher sa scie dans le garage. En une minute, Christine n'avait pas réussi à se libérer. Le spectacle commença alors enfin. 

Il s'attaqua tout d'abord à sa cuisse, mais finalement agacé par les cris stridents de sa chose, son objet, il la bâillonna. Le meilleur moment, unique et inoubliable, fut lorsque, en découpant sa chair, il la regarda droit dans les yeux et pu observer sa terreur, son effroi. Le blanc de son regard avait tourné au rouge écarlate. Elle n'arrêtait pas de pleurer et ses larmes finissaient par se mêler à son sang qui giclait sans cesse.

Elle ne tint pas longtemps et lâcha son dernier souffle à trois heures vingt-six du matin. Le Boucher prit alors ce qu'il restait de sa victime et mit le tout dans un grand sac poubelle. Puis, il traîna la dépouille jusqu'à sa voiture et conduisit celle-ci dans un fossé, cinquante kilomètres plus loin, dans une route de campagne. Il se débarrassa de son joujou du soir, retourna à sa voiture, puis souffla de fatigue, de satisfaction et peut-être même d'adrénaline. Mais ce n'était toujours pas assez. Il n'avait pas encore dépassé ses limites. Pouvait-on réellement assouvir une soif permanente de cruauté morbide ? Le Boucher avait faim. Faim de chair sanglante, de sang encore chaud, de veines sanguinolentes. Il prit la route pour l'hôtel le plus proche et passa une agréable nuit, avec dans la tête, le visage de Mallaury et Christine, ses vieux jouets déjà détruits.


Il dormit dix heures, bu un café amer et rit en voyant son œuvre aux premières pages du journal. Il fallait partir vite. Alors, il monta de nouveau dans son carrosse et prit la direction de la dernière ville, Bordeaux. Était-il conscient de ses actes ? Regrettait-il ? Sa voiture filait à vitesse folle. Il fallait agir vite car ces chiens d'enquêteurs recherchaient déjà le coupable.


Arrivé à destination, le Fou s'installa à la table d'un bar qu'il connaissait bien: The Connemara. Peu de temps après, du monde s'attabla non loin de lui, et il repéra sa troisième victime. Grande, blonde, la quarantaine, peau pâle et douce. Idéal. Il l'aborda. Trop facile, elle avait déjà bu. Maria, de son petit nom se laissa guider. Pour le Boucher, elle était juste la Numéro 3, et une expérience nouvelle.

Il la conduisit dans les bois et lui fracassa le crâne car il était pressé, la découpa comme on découpe une pièce de bœuf. Pour ça, son métier lui devint utile. Puis, après avoir prit une grande inspiration, il goûta Maria. Il croqua dans sa cuisse comme un sauvage, assis contre un arbre dans la nuit noire.

Il trouva cela délicieux et en mangea encore et encore, sans se soucier de tout le sang qui coulait sur son menton. "Quelle expérience fantastique !" se disait-il en dégustant la chair, les muscles de la n°3. Il sentait contre son palais les veines, qui glissaient jusque dans sa gorge, le sang était chaud, il le bu comme un bon vin.

Il savoura pendant de longues minutes puis, rassasié, il reposa son mets et se décida à enterrer ce qu'il restait de Maria là où les policiers mettraient du temps à la trouver, près d'un rocher pointu, sous des feuilles, à côté d'un grand arbre.

Il changea d'habits dans sa voiture, cacha ses vêtements tachés dans la malle de sa 306, et prit la route en direction d'un lieu qu'il connaissait par cœur. Cette nuit avait été magique, idéale, jouissive. Maria lui avait retourné le cerveau et il se mit à rire. Un rire gras, un rire de fou furieux, seul dans la nature, au volant de son épave.

Son ADN avait déjà dû être analysé, il allait être attrapé dans peu de temps, il le savait. Il fallait être rapide pour le bouquet final: la dernière.


Il souffla encore un peu la fumée de son cigare puis l'éteignit car Elle venait de rentrer dans le bar. Toute petite et courbée, elle ressemblait à un petit animal effrayé. Sur cette dernière, il allait combiner ce qu'il avait fait subir à Mallaury, Christine et Maria. Il allait la violer, la découper et la manger, dévorer son corps et elle disparaîtra petit à petit, en lui.

Elle reconnut le Boucher, et vint s'asseoir en face de lui. Il la regarda et lui offrit son sourire le plus machiavélique, le plus criminel. 

Puis, après un instant de silence il lâcha presque dans un souffle:

"Bonjour, Maman."

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