Le bras de l’apocalypse

murdoc

Il s’est étendu sur lui comme l’on s’étend sur un coin d’herbe verte qui nous est familier. Il se rappelle l’odeur de l’herbe fraichement coupée et du goût humide dans l’air d’un ruisseau courant tout près.
            Plongés ensemble dans l’obscurité, il observe ce bras dont il connait chaque imperfection et chaque grain de beauté descendre lentement sur son torse.
            Le contact chaud du bras sur son corps réveille d’un profond sommeil un glacier dans son cœur. Ce bras qui caresse sa peau n’est pas réel. Il aurait voulut qu’il ne le touche jamais pour ne pas s’en souvenir. Un tremblement de terre pourfend son crâne. Ses oreilles se mettent à siffler comme englouties sous un raz de marée et le froid fait craquer ses os ; il les sent se briser sous la pression de l’eau.
            La douceur d’un vestige s’enraye brusquement en lui et il ne lui reste plus que des ruines en rouvrant les yeux sur un brancard dans un couloir d’hôpital. La lumière crue des néons, clignotant eux aussi leur agonie, lui rappelle dans quel merdier il est. Les bijoux, le porte-avion, la fusillade sur le quai, l’embuscade des ritals. Et finalement l’hôpital poisseux d’un pays du tiers monde où il n’avait jamais prévu de foutre les pieds. Lui a-t-on volé un rein ? Lui reste-t-il seulement des jambes ?
            Il redresse la tête et constate que oui.
            Puis il lâche un profond soupir en se laissant retomber tandis qu’une infirmière se met à pousser son brancard à travers le couloir. La seule chose dont il se souviendra de cette nuit c’est de ses narines suffisamment large pour faire atterrir un dirigeable et du contact froid du bras de l’apocalypse signant le retour de ses vieux démons.

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