Le cadet de mes soucis

isa-bleue

T'as fait celui qui me protège, tu m'as dit de ne pas m'en faire, que t'allais tout régler, qu'on marcherait côte à côte et que tout se passerait bien. Tu m'as dit que ta main serait douce au creux de la mienne et froide sur la gueule de tous ces petits morveux. T'as mis quelques trempes au CM2, t'as même frappé la prof. Je me souviens. De ton arrogance. Et on avait bien rigolé, malgré la "colle".

Je t'aimais, tu sais, mais année après année, je t'ai senti t'approprier ma vie. Tu parlais à ma place, réagissait à ma place. Jusqu'au jour où... Où tu t'es mis à penser à ma place. Dès lors, je n'ai plus existé. Tous les moments que je croyais être miens, t'appartenaient désormais. Tous les souvenirs que j'aurais pu me faire, sont passés par la case cadet. Pffuiit ! Plus aucun souvenir. Parce que je n'ai rien vécu. T'as tout fait pour moi, jusqu'à devenir moi. Ou bien... Je me suis perdu en toi. Je suis restée dans la zone enfance, pendant que tu as fait toutes les expériences d'une vie d'adolescent qui devient un homme. Plus de 20 ans, t'es resté !

T'as connu des femmes. Surtout une qu'il ne fallait pas: la mienne. Ce devait être ma femme et toi, tu l'as rencontrée, te faisant passer pour un moi plus fort, plus courageux, plus mystérieux et plus beau. Elle n'y a vu que du feu, l'idiote. C'est moi qu'elle a cru tenir contre elle, mais en fait... Peut-être a t-elle pensé un moment que ma personnalité était duale, mais non, non ! J'essayais juste d'en placer une, quand tu faisais tout pour me passer devant. "C'est pour mon bien...". Ouais. C'était pour mon bien que tu l'as sautée ? T'as dû prendre un malin plaisir à lui faire aimer ça: la saisir par les hanches, qu'elle n'ait qu'à se croire amazone. Mais surtout, surtout ! T'as osé me dire qu'il ne fallait pas s'attacher à elle, qu'elle était comme une cigale, faisant vibrer ses ailes pour qu'on la caresse en l'écoutant chanter, qu'elle était bien mignonne et assez peu sage pour qu'on veuille prêter véritablement attention à elle. Ben tu sais quoi ? Elle n'a que ton nom en bouche, maintenant, et tout ce que t'as entre les jambes s'est logé dans sa cervelle de moineau. Mon nom ? Elle ne le connaît même pas ! Parce que t'as tout fait pour que je la considère sans aucune espèce d'importance ! T'as tout fait pour que je ne me présente pas à elle. Pour me protéger, oui. Toujours.

Alors je suis désolé, mais si mon poing est plein de ton sang, maintenant, si ton nez a craqué sous mes coups, essaye de comprendre un peu pourquoi. Toi qui en a tant distribué ! Je vais reprendre ma vie, mon frère. Tu ne vivras plus en moi par procuration. Tu ne seras plus derrière mes yeux ou dans ma tête. C'est un mauvais sort, je ne pourrai jamais te dire adieu, mais je peux... Je peux... Et ça va faire mal.

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