Le Canal

- "Je peux savoir pourquoi tu restes des heures à la fenêtre, comme ça ? Tu t'ennuies ma chérie ?".

Salomé restait les yeux dans le vague, à la fois pensive et semblant paradoxalement vouloir faire le vide dans son esprit.

- "Regarder l'eau me fait du bien, maman, c'est tout".

Celle-ci s'approcha et se positionna juste derrière elle. En lui massant la nuque puis les épaules, elle essaya:

- "C'est d'avoir quitté tes amis de la ville qui te rend triste ?

- Un peu, oui... C'est juste que je n'ai pas pris mes marques encore. Mais ça va aller, ne t'en fais pas, maman. Je ne veux pas que tu t'inquiètes pour moi".

Elle se tourna vers elle et lui embrassa doucement la joue.

- "Et puis, c'est pas mal la campagne ! On pourra se balader, faire du vélo, cueillir des fleurs dans le champs, marcher au bord de l'eau..." ajouta t-elle dans un sourire un peu forcé.

- "Au bord de l'eau. Oui, j'admets qu'un canal c'est moins vivant qu'une rivière ou un ruisseau, mais on ira si tu veux.

- Détrompe-toi, maman, je l'aime bien ce canal, même s'il semble bien plus calme qu'un véritable cours d'eau. D'ailleurs...Tu crois qu'ils ont mis des poissons dedans ?

- Oh oui, sans doute

- Lesquels ?

- Va savoir. Des carpes, peut-être...Ou... Oh, je ne m'y connais pas bien en poissons. Mais voilà, ce sera le thème de notre prochaine promenade. Découvrir la faune des cours d'eau artificiels !". Elles se mirent à rire, complices.

- "Petite déjà, tu aimais beaucoup l'eau. Je me souviens de ce week-end sur les bords de Seine. Tu avais lâché la main de papa pour courir vers les dernières marches qui... Enfin, quand même, quand j'y repense, on avait eu sacrément peur. Imagine si tu avais glissé ?

- Je ne serai plus là pour te parler du canal !

- Je ne te pensais pas aussi cynique, ma chérie...

- Excuse-moi. Je n'aime simplement pas que tu gâches de bons souvenirs en mauvais... Ah voilà ! Eh ben du coup, pour te faire pardonner, on ira dès cet après-midi au canal. Déjà, il fait beau et papa pourra nous voir de là haut. Ce sera comme si on se promenait de nouveau tous les trois. Qu'est-ce que tu en dis ?

- Mais... Tu as de bonnes idées, toi ! On pourrait même y faire un pique-nique ! Ca te plairait ?

- Super ! Club sandwichs, salade et pour le dessert, du chocolat !
- Il va fondre ton chocolat, tu en auras plein les doigts...

- Oh ! Dis oui ! Dis ouiiiii !

- D'accord, mais je décline toute responsabilité de maman ! Si tu es toute sâle, tu laveras tes habits toute seule... Mmh ?

- Ben oui, hop ! Directement dans le canal !

- Et moqueuse avec ça... Ton père était pareil. Les chiens ne font pas des chats ! Par contre, je n'irai pas te chercher. Il fait peut-être beau mais elle doit être bien froide, ton eau. Hein ?

- Ouais, ouais, tu as raison. Pas de chocolat, alors.

- Des pommes ? Des poires ?

- Des scoubidous bidous... Wah...! Oui, je sais... Mais j'ai pas pu m'en empêcher. Tu me tends des perches, faut dire !

- Je t'aime ma  chérie. Viens embrasser ta gentille maman !".

De nouveau, en riant, elles s'étreignirent, heureuses d'être mère et fille. Et d'habiter au bord d'un canal.