Le ciel de Paris

Charles Deinausard

Extrait du Carnet des ciels d'été. Oneshot un peu épais, dur à aérer.

Amie, je me suis allongé sur un banc pour regarder le ciel et devant mes yeux, un arbre battait des cils. Le vent et les passants ne faisaient que traverser la ville. J'étais pour ces fous, un fou hors de l'asile, à allonger le temps pressé des agents officiels. Amie, je suis triste malgré l'été, car le ciel de Paris est une page déchirée. Les mots blanc coton sont arrachés par les murs de pierre misère. Partout, les rues tracent des corridors vers les bétaillères, au crépuscule, comme à l'aurore et le sol est poisseux de sangs et de transpirations.

Pourtant, il reste sublime ce ciel de Paris, avec toutes ses nuances de gris. Le bleu, ici, est un bleu pâli, comme un bleu de la veille, un bleu en partance, une violence endormie qu'un geste réveille. Les femmes, ici, sont en intermittences, elles sont tantôt mortes et tantôt bien vivantes, à la fois toute conne et toute savante. Le train, ici, hurle, les autos hurlent, le métro hurle, les motos hurlent, même les pas hurlent. Ce sont les pleurs de ceux qu'ils portent qu'ils cachent sans consoler.

Amie, tu fais si bien d'avoir quitté Paris, Paris est pour toi une prison. Tu t'empoterais ici, entre murs et murets, du grillage autour des gazons. Tu verrais le bruit qu'ils font quand tu n'es plus dans les parages. Ce n'est pas le bruit de tes concerts et de tes chansons. C'est le bruit de leur colère et de leur frustration, un vacarme incessant de sons qui se dépassent, qui crissent, crient et supplient sur des air de peurs et d'envie, sur des odeurs de pisse et de crasse.

Amie, moi aussi je veux quitter Paris. La colère des autres est devenue la mienne, même si la mienne est autre. Ce n'est pas une colère de contrariété, c'est une colère d'Etat, de cet état de fait, ce tas de jours défaits à se perdre de vue pour mieux perdre son temps, à détester la rue pleine et déserte de ces gens. C'est ce vide trop plein que je plains si souvent.

Attends-moi mon amie, attends-moi patiemment, car je quitterai Paris, la ville des mourants.

  • Oui, Paris est très bruyant, cela me surprend lorsque je m'y rends à présent. J'y ai travaillé longtemps, je ne voyais pas sa beauté parce que le métro m'engloutissait dès que le travail me laissait fuir. Mais son ciel que je vois au loin est magnifique en effet, surtout au couchant.

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

Signaler ce texte