Le coeur qui cogne

J'ai le cœur qui boîte. Le cœur qui cogne.
La main qui s'agite. Vite !
Mon crâne déborde. Mes yeux presque autant. Je les ramasserai plus tard.

Il faut d'abord s'occuper des maux, qu'ils me pressent ! Le temps passe, la lumière glisse. Dans mes larmes se reflètent mes vices.
Que l'encre jaillisse !
Qu'à cette heure, quelque part, nos destins s'unissent. À défaut de ne l'avoir été un jour.

J'aurais aimé que l'on fasse des choses, comme le font une mère et son enfant. Qu'il y ait des rires, des promesses, des gestes. Tendrement.
J'aurais voulu voir tes yeux briller de fierté et d'amour, un peu, au lieu de quoi j'accuse tes imbuvables humeurs.
Tant pis pour la vie, ta voix de velours. Au diable ces moments comblés que tu m'as pris comme un vulgaire cambrioleur.

Je retrouve un peu de toi dans ces bars que j'écume, dans ces absences prolongées, de mon cœur, de mon esprit flétri et endommagé.
Quelque part j'espère t'y retrouver, là où les heures se fondent et se confondent. Les âmes s'embrument, les sentiments se font fougueux, impétueux, terriblement creux.

Est-ce qu'une fois, une seule fois, de ma mémoire tu n'apparaîtra pas ?
Toujours sans prévenir, ton image trouble et lointaine pointe le bout de son nez.
Je tente de trouver des choses me faisant penser à toi, afin de mieux déverser ma haine, la cibler sur ce faux-être et non la laisser flotter.

J'aurais souhaité t'aimer comme le font les autres entre eux. Que ce soit bancal, tendu, toujours vrai enfin.
J'aurais aimé ne pas avoir à croiser mon reflet putride chaque jour et en défaillir. Ne pas vaciller comme une malheureuse flamme en fin de chaleur.

As-tu déjà rêvé de cela ? De moi ? De ces choses communes qui manquent à nos vies ? Comment combler-tu ces vides ?
Ne dis rien. Je le sais. Tu te rempli d'acide,  de larmes, autant que ces verres vides, pleins, jamais vides.

Je salue la lune comme une vieille amie, à ta place, je la remercie silencieusement de me surveiller dans sa solitude. Elle non plus ne dort jamais. Reine nyctalope.

J'aurais aimé crier, hurler, protester. Jouer les voyous. Mais les regrets me brûlent toute entière, ceux que tu n'as jamais prononcés.
Quelque part tu es certainement conquise : cette haine sauvage te donne encore un peu plus de crédit. Une belle excuse à l'ignominie. Tes larmes invisibles ont une cause, engendre ta fuite alors que tu es déjà trop loin.
Il me faudrait traverser le pays entier, et bien plus encore. Comme si jusque-là les épreuves n'avaient pas été suffisamment convaincantes pour mériter ton repenti.
N'aurais-tu pas préféré les rayons chauds sur tes paupières closes ?
Les narines qui brûlent, l'âme translucide, les doigts nécrosés ;  est-ce là ton unique réponse ? 

J'aurais voulu t'aimer et te déplacer des montagnes. Ils en parlent dans les livres, ce n'est pas impossible ! Pour toi, je l'aurait fait.
J'aurais aimé troquer mes valises sous les yeux et mes veines alcoolisées contre ta main posée sur mon front. Contre ce peu de délicatesse qui dégoûte finalement et que je cherche ailleurs.
Déguisée. Vide d'innocence.  Vide de sens. Vide de toi.

J'aurais voulu qu'il se passe une belle histoire, qu'en tirant sur le fil se défilent mille et une images joyeuses et ensoleillées. Avec des sourires, de la confidence,  et que sais-je encore ! Cette relation vitale, idyllique, dont j'ignore tout.
Je me sens bête. Minuscule. De ne pas pouvoir y changer quoi que ce soit. De ces tourments, des ces secrets. Ces manques.

J'en oublierai bientôt de respirer.