Le compte est bon

          Y'en a marre pensait Paul, de ce boulot de merde, de ces collègues de merde, de cette entreprise de merde, de ce salaire de merde, de toute cette merde! Il allait en finir avec eux, une bonne fois pour toute. De toute façons c'était tous des cons! C'est à peine si on lui adressait la parole ici, on le trouvait austère. Lui se disait juste sérieux et rigoureux, deux vertus indispensables quand on est comptable! Personne ne l'aimait dans la boite, ils étaient pourtant bien contents de recevoir leur chèque tous les mois sans qu'il n'y ai jamais la moindre erreur, pas même d'un seul petit centime, ingrats!

          Aujourd'hui Paul avait soixante ans, il allait se faire plaisir pour son anniversaire. Paul avait dérobé chez un des ces neveu, militaire de carrière, une grenade à gaz dotée d'un détonateur programmable. Elle était dissimulée dans le réfectoire et délivrerait son gaz mortel à 12h30, lorsqu'ils y seraient tous. Plus tard, laissant le temps aux toxines de se dissiper, Paul se rendrait à la cantine pour contempler son œuvre funeste: tous ses collègues gisant sur le sol, comme foudroyés...

          Quelqu'un frappant à sa porte le tira brusquement de son rêve morbide, on avait pensé à lui, on lui avait même fait un gâteau d'anniversaire! Paul était ému et de petites larmes de joie perlaient à ses yeux. Il souffla les bougies et prit une part d'une main tremblante d'émotion. En mangeant sa première bouchée, il se souvint qu'on ne lui avait plus offert de pâtisserie depuis son enfance, il était si heureux qu'il éclata de rire et mourut en s'étouffant.