Le cri du râle, la nuit, au fond des lits.

Enfin, plus précisément, ce n'est pas vraiment le râle de la mort, de la camarde, c'est plutôt celui du encore un peu vivant qui pousse son dernier râle, puis après, qui meurt, aussi sec ! De toute façon, il n'y avait plus rien à ajouter, déjà qu'on n'avait rien compris à son dernier cri.

Oui, ben ça, c'est fini, ça, c'était avant !

Depuis que nos morts meurent tous à l'hosto, sédatés à mort, ils ne se sentent même plus mourir. Comment voulez-vous qu'ils sachent pour l'heure exacte du râle ? Ils partent sans râler, c'est triste.

Mais supposez aussi, qu'ils râlent et ne meurent pas. Ils passeraient pour des cons ! L'heure du râle n'accepte pas l'imprécision. On sait ou on n'sait pas et c'est tout !

***

Alors qu'avant, on mourrait tranquillement chez soi, shooté à la camomille et entouré de sa famille aimante,

- Fait grise mine l'ancêtre, m'ait avis qui va pas passer la nuit le papé, à c't'heure.

- Attends ! On va attendre le dernier râle, comme ça on saura.

Ben non ! Vous ne saurez rien du tout, sur l'endroit où il a planqué son magot de louis d'or. Car le papé n'est pas né de la dernière pluie et que même en écoutant attentivement son râle, vous n'entendrez qu'un souffle nauséabond qui sort de la gorge du mourant en pleine action, comme s'il sortait d'un siphon d'évier bouché par une colonie de rats.

Et on dit que c'est l'âme de la personne qui s'en va, qui s'en va aussi. Bé, il était temps, car elle renifle ferme le renfermé, l'âme rance ! De toute façon, on n'entend qu'une sorte de borborygme, cochon qui s'en dédit*, mais on ne comprend rien, le mort n'est pas audible.

Donc, comme le dernier râle ne disait rien d'intéressant sur le mystère du gué de vie à trépas. On l'a supprimé.

* En fait, avant, à la place de « borborygme » j'avais écrit « onomatopée » d'où, le « cochon qui s'en des pieds ».