Le cri strident des rires autour
madame-c
Ce matin j'ai écouté une de mes chansons favorites. J'ai senti mon coeur palpiter sous ma peau et une certaine frénésie s'emparer de mes pieds. Le genre de sensation que j'aime. Je me suis sentie encore plus vivante, comme à chaque fois que je l'écoute.
J'ai alors pensé à lui, à ces gens, que même leurs airs favoris n'arrivent plus à apaiser, même le temps d'une chanson. A cette solitude, si intimement et inéluctablement liée au désespoir, qu'elle les aveugle complètement.
Que faut-il vivre ou ne pas vivre pour en arriver là ?
Je regarde ces personnes autour de moi. Toutes sont là autour du cercueil, toutes pleurent, toutes semblent profondément touchées. Je ne peux m'empêcher de penser que la vie est ironique. Une centaine de personnes réunies autour d'un être qui se sentait pourtant si seul. Comment une chose pareille peut-elle arriver ?
Je vois bien ce qui peut mener au suicide.
Ce sentiment de désespoir, de ras-le-bol, de fatigue immense qui peut nous envahir parfois. Mais il y a toujours ce sourire que l'on croise, ce petit mot que l'on reçoit, cette attention que l'on sent, cet amour que l'on donne, cette musique que l'on entend, ce frisson que l'on ressent. Tout ceci fait que l'instant d'après ou presque, on relève la tête et on continue d'avancer.
Que faut-il ne pas vivre pour ne pas voir tout cela ? Que faut-il ne pas vivre pour ne plus avoir envie de les vivre jamais ? Que faut-il ne pas vivre, quelle absence à nous-mêmes faut-il traverser pour ne pas voir tous ces gens ?
Car tous ces gens qui sont là, qui pleurent, je ne veux pas croire qu'ils ne lui ont pas fait savoir ou sentir leur affection, à un moment ou à un autre. Mais où avaient-ils rangé leurs bouées de sauvetage pour ne pas la lui lancer au moment opportun ? Et lui, aurait-il seulement fait l'effort nécessaire pour l'attraper?
Bien sûr, tous se posent la même question, celle du pourquoi, du comment. Je suis certaine que tous, à des niveaux différents, se sentent coupables. Coupables de ne pas avoir vu, de ne pas avoir appelé, de ne pas avoir dit, de ne pas avoir montré. On se sent tous démunis face à ça. Rien, comparé à ce que lui a pu ressentir. Et tout à coup, nous prenons peur. Peur de ce que nous pourrions nous-mêmes traverser sans que personne ne le partage vraiment. Personne pour partager le fardeau. Personne pour alléger le poids du désespoir. Ressentir des choses tellement fortes, être si triste et ne plus vouloir l'être moins. Ne plus voir que notre condition. S'enfermer soi-même. Ne plus voir le soleil. Ne plus vouloir sourire et faire semblant. Les rires des autres qui deviennent comme des cris stridents. L'amour devenu vain. Croire que l'avenir des autres, sans nous, sera meilleur.
Faut-il aimer ou avoir cesser d'aimer ? Est-ce un acte d'amour ? Un manque de courage ? Est-ce plus facile d'affronter « ça » que l'existence ? Qu'est-ce que ce dernier acte dit à ceux que nous aimons et qui nous aime ?
Tant de questions face à ce geste. Tant de questions face à ces personnes rassemblées. Tant de questions face à sa vie, à cette vie qui est la nôtre et qui n'est plus la sienne. Tant de questions face à la mort.
Très bonne réflexion. J'ai écrit (il y a un certain temps) sur cette question du pourquoi, du comment et du après, après avoir été confronté aux suicides de gens qui m'étaient proches. Je ne crois pas (mais sans aucune certitude) que ce soit du désespoir au sens où nous l'entendons. Je parlerais plutôt de souffrance, celle qui emplit complètement l'être au point qu'elle lui devienne intolérable. En ce qui me concerne, je n'ai pas une seule fois été surprise quand j'ai appris que certains amis ou proches avaient mis fin à leurs vies. Ce qui est consternant et qui m'a souvent fait hurler, est que même en le supposant, il n'est pas toujours possible d'intervenir, que si on tente de le faire, on s'en prend plein la tête...qu'on n'est pas psy, que ce ne sont pas nos affaires, que "mais non il va mieux...il prend des médocs - ne t'inquiète pas"...
· Il y a environ 10 ans ·Bravo pour ce texte.
divina-bonitas
Superbe et si doux de fragilité...
· Il y a plus de 10 ans ·mark-olantern