Le Décalogue de la parfaite enflure (partie 2)

charlie

Loi numéro 4 : Etre un bon voisin.

Les statistiques sont très claires. Les plus belles de toute les enflures n’ont jamais eu un seul problème de voisinage. Les chiffres liés à cette étude sont tellement clairs qu’être un bon voisin a forcément un rapport avec la notion de salopard toutes catégories.

Mais être un bon voisin, c’est quoi ? Attention ! Ce n’est pas être un voisin à disposition. Il ne s’agit pas d’aller nettoyer les gouttières les matins d’automne après une nuit où le vent et les feuilles ont dansé des heures un tango torride et sensuel ; il ne s’agit pas de se proposer à chaque week-end de chassé-croisé entre juilletistes et aoûtistes pour aller ramasser le courrier ; il ne s’agit pas de s’engager à aller promener Médor les jours de grèves quand les crèches sont fermées et que les enfants n’ont nul par ailleurs où aller que dans le bureau de papa ou maman.

Le bon voisin, ce n’est pas le voisin collant qui sonne à votre porte tous les deux matins pour proposer ses services. Celui-là, il vous vole votre air et à force de le voir trainer autour de la baraque, vous vous demanderez rapidement si ce n’est pas votre femme qu’il vous vole. Le bon voisin, c’est celui qui ne dépasse pas son lopin de terre ou bien alors seulement pour venir vous serrer la paluche une fois que trois années passées à vivre côte à côte imposent  le respect de ce genre de conventions. C’est aussi celui qui ne dérange personne et qui ne répond présent que lorsqu’on lui demande. Il n’est jamais un problème. Il est l’éventuelle solution à un problème. En gros, le bon voisin, c’est celui que l’on aime parce qu’on n’a aucune raison de le détester.

Pourquoi seul un bon voisin peut être une enflure ? Parce que si tous les bons voisins ne sont pas des enflures, toutes les enflures 2.0 sont de bons voisins. J’argumenterai mon propos en utilisant le parfait contre exemple. Et encore une fois, nous allons faire un bond de 70 ans en arrière un peu plus à l’est dans une Allemagne occupée où les juifs résistent encore et toujours à l’oppresseur. Aussi surprenant que cela puisse paraitre, si le nazis ont été de belles enflures, ils n’ont jamais été de parfaites enflures, notamment parce qu’ils ont agit de telle façon qu’ils se sont rendus incapables de pouvoir refaire le même coup une deuxième fois. Nous n’irons pas jusqu’à nous en plaindre mais la démonstration est imparable. Les nazis donc. Et bien voila un exemple de la façon dont il ne faut pas se comporter avec ses voisins. Sérieusement, l’été touchait à sa fin et septembre 39 semblait pouvoir offrir à Varsovie un été indien comme il n’en arrive qu’une fois dans le siècle. Dans ce cadre idyllique propice aux roulages de pelle sur les bancs publics, aux derniers plongeons dans les rivières à peine ombragées ainsi qu’aux dernières soirées en terrasse, à ce moment où les nuits raccourcissent moins que l’envie d’en profiter et où les moustiques perdent de leur vigueur et de leur pouvoir de nuisance, les bottines allemandes n’ont pas trouvé mieux à faire que d’envahir façon blitzkrieg (en langage sexuel, comprendre subitement et sans lubrifiant) la Pologne. Et bien figurez-vous que ni une, ni deux, toute l’Europe de l’époque a conclu en un clin d’œil que la Germanie coiffée de pointes était très peu fréquentable… Il y a mieux pour passer inaperçu. Etre un bon voisin reste donc une des meilleures couvertures, ce qui nous amène à la loi numéro cinq.

Loi numéro 5 : Le mode furtif.

Qu’on se le dise, le top du top pour la parfaite enflure, c’est la furtivité. A 100% de la mise à jour, l’enflure de base devra pouvoir être capable d’agir furtivement. En agissant sans se faire repérer, démasquer, ni même trahir par de sombres indices, l’enflure 2.0 continue de passer incognito avec, sur ses épaules, cette douce présomption d’innocence qui blanchit en apparence mieux qu’un garagiste ne maquillerait une voiture volée.

Ainsi, chers lecteurs, peut être avez-vous déjà été confronté à une parfaite enflure. L’ennui, c’est que vous ne le savez pas. Enfin, si. Vous êtes bien conscient qu’un jour pas fait comme un autre, une personnalité qu’on appellera « X » vous a copieusement farci la rondelle. Votre plus gros problème, c’est que vous ne savez pas qui vous a fait ça. Vous ne sauriez mettre un nom sur cette désagréable sensation que vous avez éprouvée et qui, les nuits moins délicieuses que les autres, vous oblige à vous réveiller en sursaut tremblotant et suant alors que vous n’êtes ni fiévreux, ni en train de faire du rameur.

La furtivité est néanmoins un objectif peu réaliste. Mais il doit rester un point de mire. Avec un maximum de précautions, l’enflure peut s’assurer une discrétion salutaire puisqu’elle le laisse à l’abri du soupçon et surtout, elle lui permet de ne pas avoir à s’abaisser au respect de la troisième loi (celle consistant à savoir reconnaitre ses torts). De plus, elle vous laissera tout le loisir de vous abandonner encore et encore à votre passe temps favori, ce pour quoi l’enflure se lève chaque matin, ce à quoi il pense aussitôt les yeux semi-ouverts : satisfaire ses propres désirs et si possible, au détriment de ceux des autres (c’est toujours plus drôle dans cet esprit).

Prenons une affaire au retentissement médiatique conséquent qui a secoué , secoue et secouera la sphère politique française et qui réunit dans le même paquet, la crème des enflures 1.0, des enflures aspirant à un degré de maitrise de leur art encore plus grand et une enflure 2.0 parfaitement invisible : l’affaire clearstream. Joli panier de crabes que ce filet rempli de chiffres aux significations mystérieuses et de sociétés écran pour les mieux foutues, offshores pour les internationales et bidon pour celles destinées à jeter encore plus le trouble. L’affaire clearstream, c’est un fichier destiné à briser les bijoux de familles de certains. Ces derniers ont bien senti qu’on les chatouillait à un endroit où, habituellement, ils préfèrent des caresses plus prononcées et ça a commencé à faire du bruit… Bien malin celui qui dévoilera autrement que par des suppositions ou présomptions le nom de l’enflure 2.0 qui court toujours et qui a fait filtrer tout cela, très certainement autant pour faciliter sa marche en avant que pour ralentir celle de ses concurrents les plus en jambes.

Pour les esprits les plus simples, clearstream, c’est la carapace bleue munie de petites ailes dans Mario kart. Quand vous êtes deuxième au dernier virage et que le premier a course gagnée, c’est le moment que vous choisissez pour lancer le clearstream « nintendoesque » qui propulsera dans les cimes votre adversaire et vous permettra de franchir la ligne d’arrivée en vainqueur fier au torse bombé, avec le sourire moqueur du gagnant qui contemple ses concurrents se dépatouiller entre le fossé et les orties…

Loi numéro 6 : Vivre décemment :

La parfaite enflure vit entre le seuil de pauvreté et l’impôt sur la fortune. Pourquoi ? Parce que nous réagissons tous de la même façon : un homme très riche est trop riche pour être réellement honnête alors que le pauvre, qui mange au resto tous les jours (du cœur mais au resto quand même) et qui touche plus d’allocs que ne consomme de watts une ampoule ancienne génération, est trop pauvre pour ne pas devenir malhonnête un jour…

Toujours dans un objectif de discrétion, ces deux profils de portefeuille sont  à proscrire pour pouvoir agir en toute tranquillité et surtout, sans attirer la méfiance de sa future victime.

Prenez la déclaration d’impôt sur le revenu de Liliane Bettencourt, il faut avoir passé six ans dans la jungle bolivienne pour y croire un traitre mot. Sérieusement, quand on a plus de sources de recettes qu’il n’y a de distributeurs de billets en France ; quand il y a tellement de chiffres avant la virgule qu’un décimètre devient indispensable pour s’assurer de les compter sans faire un trou de caisse de quelques milliers d’euros ; quand on gagne autant sur le dos de smicards tout juste contents de pouvoir payer leur loyer et de perdre quatre jours de salaire par semestre pour une augmentation de 2.08% des primes sur le rendement ; quand au fond, on est tellement riche au point de trouver que ce mot n’est même plus un qualificatif réellement représentatif, comment ne pas être tenté d’arnaquer à droite ou à gauche quelques centaines de milliers de notre chère devise au drapeau bleu étoilé, tout juste bonne à se faire savater les fesses par un dollar sous côté cela dit au passage ? A la décharge de ces foyers fiscaux toujours pas exilés dans un pays où ils ne financeraient plus les hôpitaux publics, il faut admettre qu’on ne se paie pas des baignoires en ivoire ou des aquariums à esturgeons avec un pourboire de serveuse (et ce, même si cette chère livreuse de boissons froides ou chaudes est blonde, à forte poitrine et dispose de l’atout supplémentaire de pouvoir compter sur un cul du tonnerre).

Tout cela, nous en sommes tous conscient et il ne viendrait pas à l’esprit de quiconque de faire confiance à un riche. Il daube l’enflure à mesure que ses billets suintent l’aisance. Et bien figurez-vous que nous avons ce même a priori envers les ultras pauvres. D’ailleurs, cette dichotomie riche/pauvre, que d’aucun pourrait juger un peu factice, dispose aussi de ses propres logiques de lutte étatique. Alors qu’on oppose aux riches une batterie de contrôleurs fiscaux, ce sont des tribunaux correctionnels, plus souvent juges de la misère que du droit, que l’on interpose entre le pauvre et ses ambitions. On scelle alors son destin d’homme-mouche à merde. Alors que ses capacités naturelles, ses fermes intentions et ses désirs de vie meilleure existent bel et bien, on le condamne à contempler le ciel du pavé, au milieu du bruit et de l’odeur (prends ça JC)…

On se doute tous que le pauvre, un jour qu’il sera lassé pour de bon d’être pauvre, se verra contraint d’atteindre le ciel avec d’autres moyens que ceux que la loi prévoit. Au fond, c’est logique. Quand l’ascenseur social est bloqué au rez-de-chaussée, on emprunte l’escalier de service et c’est déjà louable, de la part des sans-le-sou, de consentir à quelques efforts pour avoir droit à un peu de mieux. Néanmoins, ces pauvres là, ces pouilleux de pauvres, on les voit venir de loin. Inutile, en ayant intégré cette peu glorieuse CSP, d’espérer atteindre les sommets de l’enflurade. Ce genre de graal ne se livre pas au premier bouseux… En conclusion, si sans être multi milliardaire, vous êtes trop riche pour mériter le moindre coup de pouce institutionnel ou si vous n’êtes pas assez argenté pour passer vos week-ends dans des piscines au sommet d’hôtels cinq étoiles, vous avez le profil idoine et la suite de la mise à jour vous concerne toujours…

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