Le dernier chant
Gabriel Abel
Je marche - étroite
Je rase ce mur sans fin
Le couloir est lointain
Ma silhouette se meut, maladroite
Je te vois mais ne t'atteins
Par la fenêtre le blanc
La neige est bruyante ce matin
Le battement du temps me revient
Résonnant - impossible - si près de toi pourtant
Le cliquetis de mes os sur ton verre rempli de vide
L'entends-tu ?
Ma main froide qui t'entraîne pour une dernière danse avide
La ressens-tu ?
Ma voix qui poursuit la tienne
Se perd dans le gémissement du toit
C'est Toi le Dernier Roi
Qui cependant chavire - la Peine
La Peine du majestueux gagnant
Enveloppe les murs
M'empêchant
Tout comme ce battement si dur
De tes heures finissant le chemin
Dans l'escalier je fais claquer mes salomés
Je frappe à ta porte si lourdement
Je suis dans ta chambre - impuissante - tes reins courbés
Et je vois ta peine errer avec acharnement
Ton esprit alcoolisé m'aspire
Je ne peux lutter
Emprisonnée par ton désir
De voir, d'entendre
Ce que ton manque appréhende
Me voilà condamnée à longer ce mur
M'y adosser- comme une imposture -
Et voir ma ville, blanche comme je l'ai aimée
Se crisser. Mon nez saigne
Engloutit par ton règne
Votre Majesté
Je te frôle
J'arpente sereinement
Mon nouveau rôle
Tu veux m'entendre dans l'escalier ?
Je crois que je le monte en volant !
Tu veux m'entendre sonner ?
Mes os s'enfoncent dans le néant
Dans le noir de la matière
Mais ta porte, je suis bien derrière
Tu me veux dans ta chambre
J'y fais glisser mes colliers d'ambre
J'écris mes dernières lignes
Pour toi elles seront blanches
Tu ne connais plus les signes
Tu ne pense qu'en avalanche
Nous nous sommes obligés
Heureux de cet état
Pécheresse de mon méfait
Je suis là...
Entend ! Je chante encore
Pour l'Eternité mon dernier accord