Le dernier correspondant.

Aux heures perdues,
Face à moi-même
Moi.
Je ne sais pas. Pourquoi ? Tout se mélange, se cache. Tout disparaît. Je perds la raison.
Je dois écrire.
Ecrire les mots qui se baladent en moi, les mots qui refusent de sortir. Ces mots sournois que je ne veux pas entendre.
Solitude.
Ma machine en fait sortir un. Misérable touche blafarde, encre maudite aux effluves empoisonnées. Mais je sais que je ne fais que me leurrer. Je tente simplement d'oublier, de faire abstraction.
Peine perdue. Je suis seul, sur mon bureau, comme au fond de l'océan.
J'ai la pression sur le cœur, et les algues qui l'obscurcissent.
J'ai les pensées sableuses et des peurs abyssales. Je suis seul.
Face à moi-même.
Ecrire pour écrire. Je dois me mettre à nu, me débarrasser de mes remparts, de ses vêtements d'illusion et de cette couche de nonchalance. Je dois voir au fond de moimême, je dois arrêter de cacher mes fêlures et les réparer.
Qu'est-ce qui fait de moi, « moi » ?
Je ne sais plus qui je suis. Je me cherche. Je cherche les histoires de mon corps, les souvenirs qui me composent. Chacun fait avec qui il est. Pas faux. Je dois faire avec moi, je dois puiser en moi de quoi changer ma façon de voir. Mais qui suis-je ?
Je suis un rocher au milieu du soleil, une étoile dans le sable, une algue dans l'onde glacée d'un torrent de mépris.
Je ne trouve pas ma place. Je ne sais pas qui je suis, où je vais. Mais je sais qui Ils sont, ce qu'Ils font et ce qu'Ils disent. Je ne veux pas me définir à partir d'eux. Je veux
devenir moi-même, pouvoir rire de ce que j'étais. Je ne veux plus avoir à rougir ou à pleurer de ce que je suis.
Mais je ne sais pas qui je suis. Je ne sais pas où je vais. J'aimerais sourire en regardant la vie, mais je ne peux que regarder cette machine, en face de moi, ce bureau si lourd et cette chaise si froide.
J'ai froid.
Je dois trouver qui je suis, mais je ne me trouve pas. Je ne veux pas jouer aux devinettes. Je veux oublier, changer. Je veux disparaître au fond de l'océan, avec pour seul poids celui qui pèse sur mon cœur. Celui, qui, jour après jour, me fait couler au fond de ma détresse.
J'aimerais disparaître au fond de moi-même. J'aimerais oublier qui je suis, ce qui fait de moi, « moi ». Je veux savoir pourquoi, comprendre comment, et tout oublier. Je veux disparaître, écrasé par la pression, disloqué par la douleur.
Je veux mourir.
Ou émerger. Je veux remonter à la surface, respirer. Je veux me débarrasser de ce qui fait de moi, « moi », je veux changer et évoluer.
Je veux faire disparaître cette solitude, bouger de ma chaise et avancer. Je veux  abandonner mes illusions, me lever et abandonner ma machine au fond de l'eau.
Je veux respirer.

A tout à l'heure.

Moi-même.