Le dernier jour de ma vie
ben-o-pen
Comment une mauvaise blague peut-elle se finir ainsi ? C’est depuis des hauteurs célestes, au plus haut du plus haut de ce que l’on nome habituellement le ciel, que je vous conte ici cette aventure qui commençait pour moi comme le plus beau jour de ma jeune vie.
Octobre 2012. Premiers pas à la faculté de droit de cette petite ville sans intérêt.
Néanmoins heureux, je vis ici dans l’ombre de l’ombre de Liz, l’amour secret de toute ma jeunesse. Timide, j’ose à peine m'intérroger, alors comment pourrais-je trouver le courage de dire un simple « Bonjour, je t’aime, on fait l’amour avant le mariage ? » à la muse de tous mes fantasmes.
Loin d’être le canon de beauté décrite dans les meilleurs livres porno pour routier beaucoup trop seul, Liz est plutôt du genre gothique glacée à tendance sacrificielle. On lui prête tout un tas de légendes mais peu importe, je l’aime d’un amour sans question.
On a en commun le peu de mots que l’on utilise dans une journée. Moi par timidité et elle par solitude et par humeur d’apparence morbide.
Mon meilleur ami Tom, est au courant de mon amour pour Liz mais aujourd’hui il décide de me faire, ce que l’on peut nommer, une mauvaise blague.
– « Salut Jo, toujours amoureux de l’impossible ?»
– « Pourquoi changer une défaite qui gagne ? »
– « Bah ça va changer, elle veut te voir, je lui ai tout raconté. Tu n’a plus le choix mon ami, ce soir tu lui parles. »
Dans ce genre de situation, il nous est donné l’opportunité de vérifier, qu’hélas, les minutes paraissent effectivement durer des semaines.
Dix-huit heures, je suis déjà devant la porte de cette vieille bâtisse abandonnée, à l’endroit même ou elle aime à faire ses drôles de rituels.
C’est le cœur serré que je trouve le courage d’entrer dans cet endroit qui sent la mort, la sueur et la peur.
Elle est là, au loin, de dos, immobile, les mains encombrées par des instruments que je peine à discerner par manque de clarté.
– « Bonjour Liz, je suis là »
Elle sursaute de peur, comme surprise par une présence inattendue.
– « C’est moi Jo. Tom m’a dit que tu voulais me voir. »
– « Je ne connais pas de Tom. »
Elle s’approche doucement et bientôt son visage apparait. L’amour qui me paralysait laisse place à la peur qui me paralyse tout autant.
Son regard sombre me fait comprendre qu’elle n’est ni au courant de ma venue, ni défavorable à se retrouver seule avec moi, mais pas forcément souriante pour les mêmes raisons que moi. J'ai peur.
Je comprends alors que certaines légendes à son sujet sont tirées de début de vérité.
De sa voix, aussi linéaire que la courbe affichée sur l’electrocardioscope d’une personne morte, elle brise ce silence mortuaire et dit :
– « Déshabille toi, cela serait dommage de tacher des vêtements si blanc »
En plus de paralysie, je suis maintenant atteint de mutisme.
– « Tu n’oses pas ? J’ai l’habitude. Sois tranquille. »
Et puisque de l’amour à la haine il n’y a qu’un pas, alors, c’est avec violence et précision qu’elle passera à l’acte, me déshabillant et me faisant découvrir l’amour comme seules les personnes talentueuses et expérimentées savent procurer ce plaisir qui transporte les plus chanceux dans ces fameuses hauteurs célestes, au plus haut du plus haut de ce que l’on nome habituellement le septième ciel.
Et c’est pour ne pas faire mentir ce vieil adage qui dit que les meilleurs blagues sont aussi les plus courte, que ma minute trente de bonheur viendra confirmer et sceller ce dicton dans le marbre de la vérité et faire de cette mauvaise blague le dernier jour de ma vie de jeune garçon pour laisser place à ma première nuit d’homme heureux.