Clic-claque

« L'insolite et l'illicite, deux ingrédients indispensables de toute pornographie. »

Marguerite Yourcenar

Louisette est au travail, elle tape et retape à longueur de journée des rapports insipides et soporifiques pour le compte de deux avocats véreux.

Le mercredi, elle le passe à la maison, sous prétexte de s’occuper de notre fille. Tu parles ! Marion – notre fille, donc – préfère aller chez sa nounou, c’est plus gai que de rester à la maison à regarder sa mère dormir. Louisette, je l’ai découvert tardivement, est une feignasse invétérée.

Moi, c’est le vendredi que je ne travaille pas. Je me tourne les pouces toute la journée. Il y aurait bien des choses à faire : ménage, repassage, courses, bouffe du soir, mais non, ça ne me branche pas, alors je me pose devant l’ordinateur. Un clic de souris et hop, me voilà projeté dans « un univers de perversité abominable », c’est du moins l’avis de Louisette sur la pornographie. Je fais semblant de penser comme elle, alors qu’en réalité je savoure. Je ne me lasse pas de contempler les filles canons qui s’exhibent gratis. Blondes atomiques, brunettes sanguines, en veux-tu, en voilà. Après tout, pourquoi me priver ? Plaisir des yeux, régal des sens. Je ne fais de mal à personne.

Tiens, un site que je ne connais pas figure parmi mes favoris. Comment s’est-il retrouvé là ? D’habitude, je fais attention, je nettoie mon historique de navigation. Tiens, il s’agit de vidéos produites par des amateurs. Je vais aller y jeter un œil. Nouveau clic de souris et me voilà...

Non mais c'est pas vrai ! Louisette en tenue d’Eve, en train de se déhancher face à l’objectif ! Mince, je n’entends pas ce qu’elle dit... Vite, je monte le son... « Salut, mon petit loup ! Quel effet ça te fait, dis ? Je te plais ? T’en veux encore ? »

Bon sang, demain je demande le divorce !