LE DERNIER MOT D'AMOUR

Pierre Pérès Allouche

Commencer à l’envers l’histoire de son Histoire n’est que le doux reflet que je garde de Toi. Ton nom n’a d’importance que dans les profondeurs de mon cœur. Le temps n’a de valeur que dans les méandres de mon âme. Le lieu n’a pas d’identité, et notre idylle est une histoire d’amour, une banale histoire d’amour, Mon Histoire d’Amour.

Un an de notre vie qui aura tout connu. Le flirt et la passion, la haine et l’illusion, le cœur et la raison, la crainte et la folie, le rêve et le réel.

Mais l’amour l’a emporté puisque nous nous quittons d’un simple coup de fil ; tu sais que je t’aime, Je sais que tu m’aimes encore. Avant de t’oublier de ma mémoire visuelle, ou de par la perfidie d’Alzheimer, et parce que j’espère te retrouver un jour, j’ai encore un dernier mot pour toi ; mon dernier mot d’amour...

Le dernier mot d’amour que j’aimerais te dire,

N’aurait ni la saveur ni le goût de l’adieu.

Mais juste le piment qui semble te séduire

Quand je te dis le verbe avec des mots curieux.

Dans la banalité d’une infâme rupture,

La douceur de ce mot laisserait sur ton corps,

A l’ombre de mes doigts, le parfum d’aventure

Dont tu as imprégné nos délicieux accords.

Ni emprunt de pudeur ni cossu d’érotisme,

Il ne serait jamais qu’un mot simple et discret,

Dans l’écho de tous ceux que, par sensualisme,

J’ai murmurés, parfois, au creux de tes secrets.

Un mot de peu de place, un mot de peu de lettres ;

Mais qui serait si long et à la fois si court.

Le seul mot d’un roman qui pourrait se permettre

D’être l’unique mot de mon roman d’amour.

Le mot qu’on n’ose pas. Le mot qu’on ne dévoile

Qu’en des lieux interdits, au profane, à l’intrus.

Un mot de passe, un code, un signe sur la toile

Dont tu serais la seule à percer le rébus.

La raison de ce mot serait d’être sans rime,

D’être l’unique enfant du dernier rendez-vous ;

Mais qui serait encore un mot illégitime,

Puisque naît de rapports que ce mot-là dissout.

Aurais-je alors en moi, en cet instant terrible

Où le cœur, suspendu au moindre mot d’espoir,

Bat plus que de coutume en un râle impossible,

Le courage insensé de te dire : « Au revoir. »

Recueil Les Mots Coeur, Editions Laïus, 2006

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