Le dernier voyage de l’Albatorsius - Chapitre 1
Patrice Merelle
1. L’effetdu réel
Sammy, le majordome doit avoir une bonne soixanted’années. Son crâne dégarni est marqué par les rides de l’âge et les soucis dumétier. Son cou de buffle soutient sa tête aux joues boursouflées et congestionnées.Sous le menton, un peu de chair pend touchant presque le nœud de sa cravatenoir. Ce qui démarque le plus dans ce visage rudimentaire est son nezd’aigrefin, pointu comme le doigt divin du tableau de Michel-Ange - «LaCréation d’Adam » ; Dans ses yeux, nous pouvons lire le jugementdernier au plus profond de ses iris. Deux yeux bleus électriques intenses quibrillent d’une intelligence hors norme pour un majordome. Mais il n’y a pas desot métier et l’intelligence sied à tout un chacun.
Sa voix est d’une sonorité claire, comme le refrain d’unmerle chanteur, la clarté du timbre est plaisant pour un homme de son âge. Enfermant les yeux, lors d’une discussion avec Sammy, nous ne pourrions pasdeviner avec exactitude son âge, encore moins au travers le biais de l’écouteurdu digitalphone, l’ancêtre de cet appareil fut le téléphone qui en était qu’au toutdébut du balbutiement en 1861 ; Et il serait aisé de lui faire paraîtrel’âge d’un trentenaire avec sa voix légèrement déformée par l’appareil ultramoderne qui se compose aujourd’hui d’un socle de bois, de bakélite et d’unepièce de cuivre comme réceptacle.
Son esprit est éveillé et passionné. Sammy est le majordomequi excelle dans l’art de tenir une demeure. Ainsi le choix de son maître, lorsde son acquisition, il y a de cela une vingtaine d’années, a été judicieux pourles tâches à accomplir en ce milieu de l’année 2079. Il faut dire que Sammy estun automate de la dernière génération, avec une membrane d’un touché excellent quise rapproche de la perfection de la peau humaine.
Nous sommes donc deux cents ans après la naissanced’Albert Einstein, et cinquante après la débâcle de la caste des sorciers du Duchéde Veniclium. Les sorciers avaient transgressé la nature et Gaïa – la reine desFlorescences – pour se venger du pouvoir des sorciers, modifia la structuremoléculaire de l’ozone déclenchant une nouvelle peste noire de la peau. Pourcontrer les ravages agressifs du soleil et du vieillissement précipité de lapopulation, des scientifiques et des magiciens ont élaboré un complexe audessus de chaque grande cité et capitale dans le monde. Une structure en formede coupole, sur la base de feuilles de verre translucides teintées, avaient étéaménagée sur l’étude d’une plante de l’espèce des Rheum nobile par desbotanistes. Ainsi la coupole empêchait les rayons nocifs en très haute altituded’atteindre les habitants. La régression fut immédiate et le nombre de cancersde la peau et de cataractes disparurent. La peste noire de la peau futéradiquée, en contre partie les êtres humains étaient cloisonnés sous descloches géantes appelées « Arche d’alliance ».
L’effet de serre permit aussi de réduire les effets nocifsdes échappements des moteurs à vapeurs de l’ère industrielle découlant de latechnologie des Zaibatsus et de la famille des Mitsui, Mitsubishi et Sumitomo.
Les yeux mi-clos, le professeur Mardruk Severiano De LaPlata acheva le vagabondage de sa pensée quand le majordome apparut devant lui,faisant obstruction avec la trajectoire vive d’un rayon de soleil du mois dejuin provenant d’énormes appareillages de plomb, de cuivres entremêlés delaiton et d’optiques étranges qui reflétaient la lumière des ultraviolets versl’intérieur de la pièce.
‑Votre courrier du jour, Mardruk ! dit le majordomed’une voix singulière.
‑Merci mon brave Sam. Que serais-je sans votre présence,une ombre sûrement dans cette demeure. Lui répondit-il. « Je vousappellerai plus tard, mon ami, juste le temps de préparer la réunion du soir.Laissez-moi, maintenant, je dois réfléchir au futur. »
‑Comme vous voulez. » Sammy se détourna de Mardruket retourna dans l’officine qui servait de cuisine.
Le professeur Mardruk Severiano De La Plata, enopposition à son nom - ses parents étaient d’origines Espagnoles - possédait lablondeur des blés des pays scandinaves et les yeux clairs comme un ciel d’été.Grand, athlétique, les épaules larges, il secoua la tête « Rien de grave,sans doute. Probablement encore des interférences électriques provenant desondes solaires, la pièce avec sa chape de plomb devrait protéger l’Albatorsiusde tout cela. » S’inquiéta-t-il tout de même.
Le Soleil est à son apogée, en ce mois de juin. Lorsquel’astéroïde Cérès fut découvert en 1801, la communauté scientifique pensa à unenouvelle planète du système solaire. Et même jusqu’en 1845, les scientifiquespensaient que notre système possédait onze planètes. Mais dès l’année suivante,l’erreur fut rectifiée. Le professeur Mardruk faisait parti d’une des plusvieilles castes de chercheurs, il faisait parti de la septième génération descendantdirectement du professeur Joseph Sveltiano qui fut l’un des premiers àcontester l’hérésie des onze planètes du système solaire. Dix ans plus tard, sonaïeul fut récompensé par l’Ordre Royal de la caste des Tuileries, une anciennecooptation franc-maçonnique provenant de la branche de Londres de 1717.
Mardruk se pencha légèrement en arrière et tira sur lecordon. « Les transmissions ont-elles bien été envoyées par pigeonvoyageur » pensa-t-il à voix haute, lorsque que Sammy fit son entrée dansle salon.
‑Monsieur désire ? Demanda ce dernier.
‑Il fait trop chaud aujourd’hui, je prendrai bien un théglacé et un cheesecake à la framboise, Sam. Est-ce que l’animal s’est envolé cematin comme convenu de la terrasse ?
‑Comme vous l’avez ordonné, à huit heures, j’ai ouvert lacage d’Einstein, il avait à la bague la capsule et le cryptogramme. Je vaisvous apporter votre décoction favorite Mardruk.
Le majordome se mouvait comme sur un coussin d’air, sadémarche était si vaporeuse pour son âge que nous aurions pu penser qu’il auraitpu être un chat dans une vie antérieure. Il y avait, malgré son allure généraleplutôt automatisée et sa tête de buffle, une grâce féline. Un tigre quisommeillait en cet homme.
Mardruk reprit ses esprits, le soleil illuminait unelampe de cristal dont le mécanisme, suffisamment inquiétant, pouvait dérouterplus d’un visiteur qui n’avait aucune des connaissances requises sur lesmachines à vapeur. La base ressemblait à une lampe à huile, avec des rouagesdentelés, des morceaux de puzzle de laitons et de cuivres qui s’encastraientles uns aux autres permettant à la machine de fonctionner. Bien que l’aspectrudimentaire extérieur rappelle la lampe à huile de Joseph Louis Proust, sonmécanisme intérieur était beaucoup plus complexe. Un petit réservoir de mercurepousse l’huile vers la flammèche, une sorte d’ascenseur miniature qui émet desstridules lorsque celle-ci s’allume le soir dégageant des jets de gaz iodé.
Mardurk regardait la lampe sur le bureau situé près de lafenêtre entrebâillée. « Décidément cette époque est si fascinante, tout lecours de notre histoire repose sur les épaules des mécanismes à vapeur des scientifiques,des automates, des alchimistes, des mages et des sorciers qui s’opposaient aux castesdes Hyacinthes et des Florescences. Tout cela pourrait modifier le futur etnous ôter cette chape de verre de protection. Ainsi, des nations dépendantesretrouveraient leur propre indépendance.
Un autre monde, un monde alternatif,l’effet du réel ! »
Quelle imagination!
· Il y a environ 11 ans ·yoda
Merci Yoda, j'en ai profité pour lire ton premier épisode de Sanglivation
· Il y a environ 11 ans ·Patrice Merelle
j'ai vu, merci à toi aussi, il faut se faire de la pub en mettant un coeur, d'autres que les amis de welowords pourront lire les textes, sinon, ça stagne et c'est dommage!
· Il y a environ 11 ans ·yoda