le destin brisé

Nestor Barth

Je dois produire cette nouvelle dans un atelier et aimerais avoir votre avis préalable

Laissez vous aller à une critique constructive . je vous remercie

un destin brisé

En haut de la rue Saint Antoine, une petite épicerie était fièrement tenue par Madame Angéla depuis deux ans déjà. Elle bénissait son mari tous les jours d'avoir su épargner toute sa vie pour acquérir cette échoppe d'un couple âgé qui lui-même avait créé et exercé cette activité pendant une quarantaine d'années.

Dans ses moments de solitude, elle se souvenait de ces premiers moments dans la boutique qui furent difficiles car son pauvre Carlo de mari ne connaissait rien à cette profession, ayant pratiqué toute sa vie le dur métier de maçon. Le soir en rentrant à la maison, son dos lui faisait tellement mal, se souvient-elle, qu'elle-même ressentait des douleurs aux jambes, aux pieds car elle ne pouvait pas supporter qu'il fut seul à souffrir. Jusque-là elle faisait des petits travaux de couture aux voisins, qui par la qualité de son travail et les petites sommes demandées en échange, lui avait permis d'agrandir sa clientèle au delà du quartier.

Elle avait cousu et ajusté un linge épais autour de la taille de son mari qui en avait ressenti quelque soulagement. Mais après plusieurs jours, il était revenu à la maison fourbu, ne pouvant à peine se tenir droit, les douleurs le tenaillant dès qu'il voulait changer de position.

C'est en rentrant un soir que Carlo, assis à la table de la cuisine du petit appartement de deux pièces, lambrissées d'une boiserie de chêne à petits panneaux, dans la rue des Frères, derrière la place du Suquet, regarda Angèla un petit sourire en coin, ce dont il n'avait pas l'habitude et ce que d'un coup d'œil rapide, elle remarqua avec étonnement. Elle sentit alors que son mari devait avoir un secret à dévoiler pour exprimer une joie intérieure qu'elle ne lui avait pas vu depuis des mois.

--- Dis moi, Angèla, je suis passé par la mère Toubu, tu sais, à l'épicerie à coté, et comme je l'ai vu très fatiguée, et lui en ayant fait part, elle m'a dit qu'elle était épuisée, et trop vieille maintenant pour continuer à tenir son affaire. Qu'est ce que tu en penses ?

--- Mais de quoi veux-tu parler ?

--- Eh bien de lui reprendre son commerce pardi !

--- Mais mon pauvre, comment veux-tu tenir une pareille échoppe, que nous n'y connaissons rien. Et tu ne sais même pas compter les sous !

--- Oui mais toi tu t'y connais.

--- C'est vrai, un peu mieux mais faut avoir l'habitude d'un commerce.

--- On apprendra, tu sais Angèla, c'est une question d'habitude et elle va nous montrer, la Toubu.

--- Avec quoi tu vas acheter ?

--- Tu sais bien que je mets de coté depuis vingt ans régulièrement à la caisse d'épargne et puis je ne sais pas ce qu'elle va nous demander, la Toubu mais possible qu'on en ait assez. Faut voir. Et puis tu sais, je crois que ce sont mes derniers jours de maçon sinon je pourrais plus me redresser du tout si je continue ce foutu métier.

Elle se souvient que la somme n'avait pas suffi mais que la Toubu avait accepté une partie à crédit sur plusieurs mois. Elle nous avait fait confiance et elle avait eu raison. On l'avait payé jusqu'au dernier centime.

La petite fille qu'ils avaient eue, Mirella, avait douze ans à l'époque, et était ravie de pouvoir chaparder de temps en temps des caramels et les ayant enfournés dans sa poche, juste avant de partir à l'école Stanislas, au bout de la rue des Suisses, elle demandait à sa mère si elle pouvait prendre un sucre d'orge ou un rouleau de réglisse, ce qu'elle lui accordait toujours. Elle partageait alors avec son amie d'école.

Ils on tenu cette échoppe pendant cinq ans tant bien que mal, car de nouvelles grandes boutiques s'étaient ouvertes en dehors du centre et captaient la clientèle. Les ventes avaient diminué et permettaient juste de payer les deux loyers et de prélever de quoi manger. Un soir, avant la fermeture, Carlo avait dit à Angèla que, fatigué, il souhaitait aller se reposer et partit de bonne heure à la maison. Il avait rejoint Mirella qui faisait ses devoirs sur la table de la cuisine et s'était assoupi en posant ses bras croisés sur la table et posé dessus sa tête, de coté. Mirella l'entendit ronfler par petites saccades et puis ce fut le silence.

Une heure plus tard, quand Angela rentra, elle demanda à Mirella de mettre la table et comme celle-ci voulut poser les assiettes, elle demanda à son père de se déplacer. Mais Carlo ne bougeait pas :

--- Papa, s'il te plait ! Et au bout d'un moment, le père ne faisant aucun mouvement, Mirella s'adressa à sa mère qui préparait un pot au feu.

--- Maman, dis à Papa de me laisser la place.

Angela s'approcha et secoua son mari qui ne bougeait toujours pas et comprit qu'il était mort.

Ce fut alors la chute de la petite épicerie. La pauvre Angela avait plus ou moins perdu la tête, manquait de tout et ne voyait plus revenir ses bons clients qui allaient ailleurs. Seules fidèles, les petites vieilles du quartier qui aimait bien la Angela et l'avaient prise en pitié. Élever une gosse et tenir seule une boutique n'était pas chose aisée. Mais bientôt, les recettes ne permettaient plus de tout payer et il a fallu faire des coupes sombres dans les achats. Alors Angela envisagea de vendre son fonds de commerce mais ce fut trop tard. Il ne valait plus rien et fut obligée de l'abandonner et de fermer le rideau pour ne plus l'ouvrir.

Mirella avait 17 ans alors et se rendit bien compte du désarroi de sa mère. Elle réfléchit qu'elle devait travailler au lieu d'envisager de continuer des études supérieures afin d'apporter à la maison un peu d'argent pour subsister, payer le loyer et permettre à sa maman et elle-même de manger correctement. Elle en parla à son amie d'école dont la mère travaille dans un grand hôtel de la ville sur le bord de mer.

Le lendemain, son amie lui annonça qu'une place de femme de chambre s'était libérée et qu'elle s'était proposée de présenter Mirella à la gouvernante générale. Ce qui fut fait en fin de semaine. Et d'être acceptée à titre d'essai pour un mois en vue d'un contrat précaire qui ne couvre qu'une partie de l'année, celle qui va de Mai à Octobre, saison touristique intense.

Mirella était enchantée de cette opportunité et remercia chaudement la mère de son amie qu'elle invita un soir à venir diner chez elle, suivant le conseil d'Angela qui était impatiente de la rencontrer.

Mirella s'adapta bien à sa nouvelle activité et se fit sa place avec ses collègues de l'étage qu'elle a rejoints.

Elle travailla ainsi trois mois de Juillet à fin septembre avec promesse de revenir début mai pour la saison prochaine.

Les finances dans la maison étaient serrées, bien sûr, mais avec ce qu'avait pu mettre de coté Angela pendant les sept années d'exercice de son commerce, et ce qu'a rapporté Mirella de l'hôtel, elles considérèrent que la liaison pouvait être faite pendant ces sept mois où aucun salaire ne rentrerait, peut-être un peu d'aide sociale si tout va bien.

Début mai de l'année suivante, Mirella retrouva ses collègues mais elle fut affectée à un étage supérieure, le 7°, là où les chambres sont en fait des suites qui avaient toutes été retenues par des VIP, pendant le festival du cinéma.

Les horaires pendant le festival étaient modifiés : De 6 heures du matin à 16 Heures de l'après midi avec une pause pour déjeuner qui pouvait varier suivant les besoins et exigences des clients. Et Mirella avait alors demandé à travailler en plus dans l'équipe du soir, de 16 heures à minuit. Ce qui fut accepté.

Les premiers 4 jours, tout allait bien et Mirella surmontait facilement sa fatigue mais au soir du 5° jour, vers 22 heures, l'équipe réduite était occupée à nettoyer les ateliers des grandes maisons de produits de beauté et de bijoux qui ornaient les stars.

La suite d'un Prince sonna pour demander la présence immédiate d'une femme pour un nettoyage et la chef d'équipe envoya Mirella assurer ce service.

Elle rentra dans la suite et ne vit tout d'abord personne. Constatant un désordre important dans la literie et au sol où jonchaient bouteilles et débris de toutes sortes, elle entreprit de mettre de l'ordre comme d'ordinaire.

Alors qu'elle était occupée à son travail, elle n'a pas entendu le Prince qui s'était approché d'elle, par derrière, en robe de chambre. C'était un homme grand, visage impavide, rasé de près, d'où s'exhalait un parfum d'une senteur forte mais agréable. Apercevant la porte de la salle de bains ouverte, elle en déduisit qu'il devait s'y trouver quand elle entra.

--- Que faites vous ici? Demanda le prince dans un français parfait.

--- Monsieur a demandé, n'est-ce pas? Bredouilla t-elle sans pouvoir terminer sa phrase.

--- Effectivement mais vous êtes bien jeune et jolie pour faire ce travail, ajoute t-il sans perdre sa superbe. Venez vous asseoir, Mirella, dans ce

canapé-ci, à coté de moi, ajoute t-il sans se démonter. Il avait perçu son nom sur le badge porté au revers de la blouse.

--- Mais Monsieur, je ne sais …

--- Pa pa pa, venez je vous prie, juste un moment que je fasse connaissance.

L'assurance de cet homme courtois et son prestige impressionna Mirella qui ne put refuser. Elle s'assit, mal à l'aise, les mains posées sur ses genoux, droite et les yeux en peine baissés vers la pointe de ses chaussures.

En s'asseyant à coté d'elle, la robe de chambre du Prince glissa sur le coté laissant apparaitre une jambe nue et velue, ce qui déclencha chez Mirella un petit haut-le-cœur suivit d'un léger cri semblable à un hoquet.

--- Remettez-vous, Mirella, ce n'est qu'une jambe, et vous connaissez, bien sûr, ne faites pas l'innocente. Voyons quel âge avez-vous ?

--- 18 ans.

--- Mais vous avez l'âge de vous marier. L'êtes-vous ?

--- Non, Monsieur.

--- Supprimez ce Monsieur, qui est choquant. Dites Prince s'il vous plait, sûr de lui mais affable.

--- Oui Monsieur, répondit-elle d'une petite voix vacillante.

Le prince étendit son bras vers elle et appuya sa main sur son épaule puis se rapprocha et tenta de la serrer contre lui tout en la flattant.

Mirella se sentait perdue, car elle était coincée contre l'extrémité du canapé. Il ne lui restait qu'à se lever précipitamment ce qu'elle fit mais le Prince la retint si fortement qu'elle ne put se délivrer de son emprise. Voyant le visage du Prince vouloir l'embrasser puis l'étreindre fortement, elle se débattit pour s'extraire du danger qu'elle voyait inexorablement arriver. Réussissant à libérer un bras, elle frappa la tête du Prince et comme cela ne suffisait pas, elle tira à pleine main et de toute sa force ses cheveux. Elle entendit le cri de douleur qu'il ressentit alors et un relâchement de son étreinte intervint alors. Ayant éloigné son visage d'elle, elle ressentit une vive douleur lorsqu'une main puissante claqua sa joue avec force et en resta quelques secondes abasourdie. Puis une autre qui projeta son visage contre le haut du dossier du canapé ce qui lui fait perdre ses moyens de telle façon qu'elle ne sentit pas le bas de sa blouse se relever avec force et dénuder son corps.

Avec une force décuplée, Mirella réussit, en se débattant, à s'extraire de l'ascendant du Prince et à se précipiter vers la porte de sortie, mais elle était fermée à clef. Le prince s'était levé et venait vers elle, ce qui lui fit sortir un cri de douleur suivi d'un « à l'aide » déchirant. Elle aperçut la fenêtre entrouverte sur la terrasse et s'y précipita, suivie du Prince, échevelé et les yeux exorbités. La grande terrasse est suivie d'une autre plus petite accessible par trois marches. Elle sauta ces marches car elle visait la terrasse de la suite attenante vers laquelle elle se précipita. D'un rapide regard en arrière elle vit le Prince s'approcher d'elle et pour se soustraire à lui, se mit debout sur le muret afin de sauter le mètre qui la séparait de celui de l'autre terrasse. Juste avant de prendre son élan, le Prince avait réussi à saisir le bas de sa blouse, pour la retenir ou la reprendre, ce que l'on put savoir mais ce qui réduisit la force de son saut en l'empêchant d'agripper le muret d'en face et la fit impitoyablement chuter au sol, sept étages en dessous.

Angela a attendu sa fille toute la nuit, debout d'abord puis assise sur le lit de camp déplié dans la cuisine dans lequel Mirella avait l'habitude de dormir. La pâleur de son visage contrastait avec le rouge de ses yeux embués et ses deux mains enlacées en constant mouvement saccadées, trahissaient sa nervosité. Un pressentiment qui, chez les femmes, tient souvent du prodige avait accru son malaise et sa souffrance.

C'est vers huit heures du matin qu'elle entendit le premier cognement à la porte d'entrée. Elle était tétanisée et ne comprenait pas que Mirella ne puisse ouvrir la porte avec sa clé. Un second cognement résonna dans sa tête ce qui la fit se précipiter pour ouvrir. La mère de l'amie de Mirella était sur le pas de la porte, les bras tombants, le visage fermé mais un brin de sourire aux lèvres, les yeux ronds cherchant à capter l'état d'esprit d'Angela, pour mieux aviser les paroles qu'elle devra employer pour annoncer la terrible nouvelle. Angela était devant elle, le souffle coupé, le visage méconnaissable, le geste arrêté, tel un pantin. Méconnaissable, tant elle avait vieilli en une nuit.

La dame resta une bonne heure pour attendre qu'un premier calme se manifeste, la tête d'Angela enfouie entre ses deux bras, son corps secoué de soubresauts irrépressibles, lui caressant les cheveux doucement avec quelques paroles douces.

Angela ne survécut pas, la fatigue et le chagrin l'ont emportée deux jours après sans avoir pu même s'assoupir; elle était devenue telle une figue sèche, les larmes ayant vidé son corps. Son amour, son espoir, sa vie avaient disparu.

  • merci Victorien et Jaya pour vos commentaires fort interessants dont je vais tenir compte. merci beaucoup.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Img 3671 465

    Nestor Barth

  • J'avais fait un commentaire très détaillé mais il a été avalé par le vortex du web. Je résume rapidement :
    D'un point de vue technique, à certains endroits, quelques répétitions ; des phrases que l'on pourrait couper, notamment à hauteur des "ce que"; quelques soucis ponctuels de concordance des temps ; "que jonchaient" plutôt que "où jonchaient les bouteilles" sinon il manque le COD... je ne me souviens plus de tout mais l'essentiel est là.
    Au niveau de l'intrigue l'ambiance est bien posée, on sent l'atmosphère maussade et le caractère inexorable d'une fin tragique - le titre aidant. en revanche j'aurais passé plus de temps à faire monter la tension dans la scène de la chambre d'hôtel.
    Voilà, bonne continuation.

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Ours gris 54

    jaya

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