Le Diable
Kastinger Anna
Le diable
1. Une famille roule vers le sud pour passer des vacances sur la côte d’Azur:Zoe, dix-huit ans, Maggie, sa sœur de quatorze ans, Nelly, leur mère, et Claude, le père. Ils déjeunent dans un restaurant routier sur l’autoroute A6.Après son passage aux toilettes, Nelly est introuvable.Ses filles et son mari la cherchent partout, en vain.
2. Ils voient une voiture de gendarmerie et Claude demande de l’aide aux gendarmes.Ils commencent à passer le relais autoroutier et le parking au peigne fin. Une demi-heure plus tard, ils présentent à Claude le sac à main de Nelly, retrouvé sur le parking des camions, à côté d’une petite flaque de sang.Dans le sac il y a le passeport de Nelly et son portefeuille. Les gendarmes en concluent que Nelly a été enlevée.
3. Claude décide de ramener les filles à la maison. Zoé le voit fouiller dans les affaires et dans l’ordinateur de sa mère comme s’il cherchait un indice. Elle sait que sa mère était dépressive et malheureuse mais elle est sûre que Nelly n’a pas de fréquentations louches ni d’activités douteuses. L’attitude de son père l’inquiète mais Claude ne lui en dit pas plus.
4. La police téléphone avec des nouvelles inquiétantes : à vingt kilomètres du relais routier de l’autoroute A6, une autre femme a disparu. S’agit-il d’une coïncidence ou y a t’il un kidnappeur de femmes dans cette région ?Maggie refuse de manger. Depuis deux ans déjà elle souffre d’anorexie.
5. Plusieurs jours passent sans nouvelles. Maggie doit être hospitalisée. Elle ne mange plus, ne boit plus, ne parle plus, toute la journée elle regarde son téléphone portable d’un air las et désespéré.
6. Deux jours après l’hospitalisation de Maggie, lorsque Claude veut rendre visite à sa fille, elle a disparu à son tour. Toutes ses affaires sont là à l’exception du téléphone portable.
7. Zoé est contactée par Mia, une amie de sa mère. Mia lui donne rendez-vous et lui apprend que Nelly n’est pas du tout dépressive mais que cela fait des années que Claude l’opprime, la terrorise et la menace. Zoé refuse de le croire et s’en va.
8. Mia lui envoie un film sur son téléphone portable: On voit Claude frapper Nelly et lui crier dessus. Mia a réussi a filmer cette scène quelques mois avant, cachée dans le jardin de Claude et Nelly. Mia affirme que Nelly est partie en faisant croire à un enlèvement parce que Claude l’avait menacé de mort si elle devait le quitter.
9. Zoé est effrayée. Son père chéri... un mari violent? Elle est honteuse. Elle a vécu pendant des années dans un aveuglement naïf Elle a senti que quelque chose ne tournait pas rond à la maison mais avait attribué la faute à la maladie de sa mère. Maggie avait tout compris et en était devenue anorexique.
10. Mia donne à Zoé un numéro de téléphone en Belgique. Zoé réussit à prendre contact avec sa mère et lui dit qu’elle veut venir la rejoindre. Sa mère lui apprend que Maggie est déjà avec elle, Mia l’a enlevée de l’hôpital et l’a mis dans un train. Zoé prend la direction de Bruxelles, sans laisser de traces…
Le diable
Zoé était contente. Elle avait réussi son bac avec mention assez bien, elle allait travailler pendant deux mois dans un restaurant à Londres, puis s’inscrire à la fac pour faire des études de droit.
Mais tout d’abord elle allait passer des vacances avec sa famille dans un hôtel de luxe à la côte d’Azur. La vie était belle.
Malheureusement cela ne semblait pas être l’avis de tous les passagers de cette voiture. Zoé regarda sa sœur Maggie, enfoncée dans le siège à côté d’elle, pâle et hagarde, le visage triste et le regard vide. Maggie avait des problèmes psychologiques. Depuis deux ans elle souffrait d’anorexie et dernièrement elle s’était complètement renfermée sur elle-même. Zoé n’avait aucun moyen d’accéder à sa petite sœur.
C’était comme si Maggie lui en voulait pour quelque chose.
Pour son bon appétit ? Ses amis ? Sa bonne relation avec leur père ?
Maggie était-elle tout simplement jalouse de Zoé ?
Zoé se disait que Maggie était malade et qu’elle ne pouvait rien y faire.
Tout comme leur mère, Nelly. Depuis ses plus jeunes années, Zoé avait le souvenir d’une mère immensément triste et anxieuse.
Nelly semblait avoir peur en permanence et elle donnait l’impression d‘être constamment abattue.
Tandis qu’il n’y avait pas de raison…
Les parents de Zoé avaient réussi. Claude, le père de Zoé, gagnait très bien sa vie en tant que propriétaire d’une société de logistique. Il avait offert à sa famille une vie de rêve : une belle villa dans une banlieue chique de Paris, une employée de maison, des vacances dans des hôtels de luxe et des voyages dans des pays lointains.
Mais certainement le problème de Maggie pesait sur les parents. Très tôt dans son enfance Maggie avait commencé à adopter un comportement à part.
A sa façon elle semblait avoir copié l’attitude de sa mère.
Anxieuse et triste elle riait rarement et n’avait pas beaucoup d’amies. Comme Nelly.
- C’est une maladie, son père avait expliqué à Zoé, une maladie comme une autre. La dépression. Elle vient de nulle part et n’a pas de cause. C’est un processus chimique dans le cerveau. Et très souvent la dépression est dans une famille. Maggie en a malheureusement hérité. Tu as eu de la chance. Tu es devenue comme moi.
Zoé adorait son père. Il était le roc de cette famille. Il montrait une patience infinie à l’égard de sa femme et de sa fille cadette et les couvait de sa tendresse. Mais Zoé savait que c’était elle, sa préférée et que sans elle son père aurait été bien malheureux. Pendant les vacances ils passaient beaucoup de temps ensemble tous les deux, ils nageaient, faisaient des tours dans les collines et dînaient souvent seuls dans des restaurants en bord de mer.
C’était pour lui faire plaisir que Zoé était venue passer ces vacances-là avec sa famille.
Elle aurait pu partir à Londres dès maintenant mais elle avait décidé d’y aller deux semaines plus tard. Elle avait vraiment envie d’être avec son père.
Claude était drôle, intéressant et attentionné. Mais Zoé sentait qu’il souffrait de ce poids que représentaient les maladies respectives de Nelly et de Maggie. Il fallait qu’il s’occupe de tout. Nelly ne prenait jamais aucune décision et très souvent elle n’était même pas capable de s’occuper de la maison ou du repas. Claude ou Zoé devaient le faire à sa place et heureusement Claude avait embauché une dame à plein temps qui s’occupait des besognes ménagères.
En ce moment Nelly apparaissait nerveuse. La perspective des vacances avait l’air de l’angoisser et la conduite assez rapide de son mari semblait lui faire peur. Elle gigotait sur son siège et regardait sans cesse dans le rétroviseur. Nelly n’aimait pas la voiture.
- Tiens, voilà, on est sur l’autoroute 666, remarqua Claude.
- 666 ? Rétorqua Zoé. Je ne savais pas qu’une telle autoroute existe… Ce sont les chiffres du diable !
Son père rit.
- Oui, tout à fait. Quelqu’un s’est permis une petite blague. Et s’est vraiment donné la peine. Tu as vu, partout où l’on lit A6, il a rajouté deux autres 6. Bien fait, au premier regard on croit vraiment être sur l’A 666. Pas idéal pour les superstitieux…
- Certainement c’étaient plusieurs gars. Tu t’imagines le boulot… Qu’en penses-tu, maman ?
Comme très souvent elle essaya d’impliquer sa mère dans leur conversation. Souvent c’était sans succès mais cette fois-ci sa mère eut une réplique.
- C’est certainement un signe… 666… Les chiffres du diable. Le signe que le diable n’est pas loin…
Sa voix était claire et elle l’avait dit avec une pointe d’ironie. Elle regarda Zoé d’un air vindicatif. Zoé ne comprit pas ce regard. Elle le lui avait déjà remarqué plusieurs fois.
Sa mère avait fait des remarques de ce style. Manifestement elle voulait que Zoé comprenne quelque chose qui échappait complètement à celle-ci.
Maman est malade, se dit-elle, tu ne peux pas la suivre. N’essaie même pas.
Claude regarda sa femme du côté en secouant la tête, dans son regard Zoé put lire une pointe d’agacement.
Puis son regard s’adoucit et il dit :
- Tu as raison, chérie, sur une autoroute le diable peut être partout. Le diable qui roule vite, qui vole des sacs et des portefeuilles, qui salit les aires d’autoroute…
Il caressa la main de sa femme, celle-ci sursauta mais le laissa faire.
- Que diriez-vous d’un petit stop chez le diable ? demanda Claude. Aire de la Chouette. Nouvelle aire de repos avec une pizzeria. Ils proposent certainement une pizza diavola. Cela s’impose sur l’autoroute 666. Qu’en penses-tu, Maggie ? J’espère que tu as faim.
Maggie secoua la tête. Elle n’avait jamais faim. Manger était une corvée pour elle.
Zoé éclata de rire. Non pas en raison de la réaction de Maggie, qui avait été prévisible, mais à cause de la remarque de son père sur la pizza diavola. La diavola était la pizza préférée de Zoé et de son père.
La mère et Maggie en revanche détestaient cette pizza trop épicée.
Claude gara la voiture, ils descendirent et entrèrent dans le restaurant. En effet, la station d’autoroute était toute neuve, le restaurant dégageait une atmosphère propre mais stérile, très différente de la pizzéria chaleureuse en Italie.
Claude se prit la tête avec Maggie parce qu’elle ne voulut rien manger. Il la força à commander une pizza. Nelly ne disait rien pendant tout le repas, elle regardait à droite et à gauche comme si elle pensait que quelqu’un allait l’attaquer d’un moment à l’autre. Maggie mangeait très lentement et péniblement quelques morceaux de pizza.
Claude essayait de faire la conversation à Zoé en parlant des jours à venir.
- On ira manger une pizza en Italie. C’est à peine à une heure de route, proposa t’il.
- Très bonne idée, dit Zoé, y a que les italiens qui savent la faire, la pizza.
- Qu’en pensez-vous ? Claude s’adressa aux deux autres membres de sa famille.
- Okay, dit Nelly et haussa les épaules. Cela ne semblait pas trop la concerner.
- Je déteste la pizza, marmonna Maggie.
- Pas grave, on ira tous les deux.
Son père fit un sourire à Zoé qui se voulut rassurant.
Mais Zoé vit qu’il était près de craquer. Il essayait de faire la conversation et rien ne marchait. Aujourd’hui c’est pire que jamais… se dit-elle.
Les gens malades n’aiment pas les changements géographiques, avait expliqué Claude. Ils leur font peur…
Quand ils eurent bu le café, Claude regarda sa montre.
- On va continuer, décida-t-il, on a encore cinq bonnes heures de route et on n’est pas seuls sur l’autoroute 666…
Il adressa un clin d’œil à Zoé.
- Je passe aux toilettes, marmonna Nelly.
- As-tu pris tes médicaments ? demanda Claude.
- Oui, en début de repas. Tu ne l’as pas vu ?
- Non, mais je ne regarde pas vraiment. Je te fais confiance…
Il la traite un peu comme une enfant… Cette pensée traversa l’esprit de Zoé pendant une seconde. Après elle se dit, bien sûr qu’il la traite comme une enfant, elle se comporte comme une petite fille désorientée. Zoé savait que sa mère oubliait souvent ses médicaments et souffrait par la suite d’une crise d’angoisse.
Le père et les deux filles se dirigèrent vers la voiture. Maggie s’assit sur son siège et se mit les écouteurs de son Ipod dans les oreilles.
Le message était clair : je ne veux pas vous parler.
- Elles sont en superbe forme aujourd’hui, ces deux-là, remarqua Claude.
Zoé poussa un soupir.
- Mais ne t’inquiète pas mon petit soleil, tous les deux, on va s’amuser, promit son père.
- J’en suis sûre, répondit Zoé et lui sourit.
- Je suis contente que tu viennes encore avec nous pour faire rire ton vieux père. Beaucoup de jeunes filles de dix-huit ans ne partent plus en vacances avec leurs parents.
Tu me donnes quand même la force de bien m’occuper de Nelly et de supporter les caprices de Maggie.
- Tu as beaucoup de patience, papa. Je n’y arriverai pas comme toi. Et tu sais que souvent je leur parle mal.
- C’est normal, tu es une jeune fille qui veut passer du bon temps avec sa famille et non pas jouer aux infirmières. Mais elles ne le font pas exprès. C’est comme un cancer, comme un problème cardiaque, c’est ce qu’il faut garder en tête...
Ils changèrent de sujet et parlèrent de ce qu’ils allaient faire le soir en arrivant. Bain dans la mer, apéritif au champagne et puis un bar où l’on pouvait danser. Zoé était fier d’avoir un père qui l’accompagnait dans ce genre d’endroit. En plus il était pas mal, il faisait jeune et beaucoup de personnes le prenaient pour son petit ami.
Avec leurs bavardages un quart d’heure avait passé sans que Nelly soit revenue.
- Mais qu’est-ce qu’elle fout ? Claude s’impatienta. Peux-tu aller voir s’il te plaît ?
Zoé se dirigea vers les toilettes des dames. Il était déjà arrivé que sa mère, lors d’une crise assez lourde, ne trouve plus la force d’avancer. Une fois Zoé l’avait trouvé effondrée dans la salle de bain, les coudes sur le lavabo et la tête dans les mains. Son visage était tuméfié, elle s’était cognée au lavabo et Zoé avait été sûre que Nelly avait surdosé ses médicaments.
Une autre fois elle était tombée sur le visage et n’avait pas réussi à se relever.
Zoé tambourina sur les portes des cabinets en criant.
- Maman, es-tu là ? Nelly ?
Plusieurs femmes la regardèrent d’un air ahuri.
- Je cherche une dame assez mince, la quarantaine, cheveux bruns, yeux bleus, teint très pale, habillée en bleu clair. C’est ma mère, je ne la trouve plus et je me fais du souci, elle est malade…
Les dames regardèrent Zoé en silence et secouèrent la tête.
Zoé sortit des toilettes et retourna au restaurant routier. Elle demanda aux employés. Pour ceux-là c’était le coup de feu d’une heure et personne ne s’occupa d’elle.
- Elle est grande ta mère, non ? rétorqua la propriétaire, assez impatiente.
- Oui… et non, répliqua Zoé. Elle est dépressive et désemparée…
- Tu sais, souvent les gens se débrouillent bien mieux que ce que l’on pense, coupa la dame d’un ton sec. Tu m’excuses, mais il faut que je continue.
Et elle poussa Zoé pour passer avec trois assiettes de pâtes Carbonara.
Zoé quitta le restaurant et s’engouffra dans la boutique ultra moderne construite tout en couloir. Il y avait beaucoup de monde mais pas de Nelly.
Elle décida de retourner à la voiture. Peut-être qu’entre-temps sa mère y était revenue.
Son père se tenait debout derrière la voiture, le regard inquiet.
- Rien ? lui cria t’il.
Zoé secoua la tête.
- Rien du tout. Je ne comprends pas…
Son père la regarda un moment. Puis il dit :
- On va partir à sa recherche tous les trois. Tu prends Maggie, vous refaites le magasin. Je demanderai aux gens qui travaillent ici.
Il ouvrit la portière arrière de la voiture.
- Maggie, il faut descendre. Maman a disparu. Faut la chercher.
Maggie sursauta.
- Ca… Elle s’arrêta net.
- Quoi Maggie ? Que veux tu dire ?
- Je veux dire que ce n’est pas possible… Maggie regarda son père d’un air désespéré.
- Je sais, ma chérie, mais Maman n’est pas bien aujourd’hui. Elle a peut-être pris trop de médicaments et s’est effondrée quelque part. Tu sais que cela lui est déjà arrivé.
Zoé remarqua que Maggie jeta à son père un regard bizarre, très dur et plein de dédain.
Elle savait que sa sœur n’aimait ni parler de sa propre maladie ni de celle de sa mère. - - Viens, Maggie, on retourne la chercher.
Zoé s’avança vers le magasin et attendit sa sœur qui la suivait, pale et tremblant.
Maggie ne savait pas gérer les problèmes, Zoé avait pitié d’elle.
Une demi-heure après ils rejoignirent leur père sur le parking Cela faisait une heure que Nelly avait disparu. Personne ne se rappelait l’avoir vu sortir des toilettes.
- Regarde, papa, les flics !
Zoé vit une voiture de gendarmerie garée non loin de la leur.
- Parfait ! Je vais leur parler.
Claude s’avança vers la voiture de gendarmerie et deux policiers en descendirent.
Zoé le vit leur parler. Elle alla le rejoindre. Il la leur présenta.
- Ma fille, Zoé.
Les policiers hochèrent la tête.
- Donc, votre femme est allée aux toilettes il y a une heure environ et n’en est pas sortie ? demanda l’un d’entre eux.
- Tout à fait. On l’attendait à la voiture.
- Votre femme et vous… vous n’avez pas de problèmes actuellement ? Elle n’aurait pas pu se faire la malle?
Claude rit sarcastiquement.
- En laissant ses deux filles ? Non pas vraiment.
- Okay, très bien. Vous savez le nombre de femmes qui abandonnent leurs enfants ces jours-ci…
- Certes. Mais je ne vois pas pourquoi. On part à Villefranche sur Mer dans un bel hôtel, ma femme et moi… on n’a jamais eu de problème, on n’a jamais parlé séparation. Mais ma femme est malade. Elle souffre de dépressions et de troubles nerveux. Jusque là, ses problèmes se sont manifestés d’une manière différente. Elle a mal supporté ses médicaments et s’est effondrée quelque part ou s’est cogné la tête violemment… Mais jamais une fuite... Claude hocha les épaules.
Zoé vit que les deux gendarmes échangèrent un regard. Puis l’ainé prit la parole.
- Bon. Elle est sous médicaments. Il se pourrait très bien que ses médicaments la rendent confuse et qu’elle est partie en ne pas sachant ce quelle faisait...
Claude se passa les mains sur le visage.
- Mon dieu…! Si seulement j’avais fait plus attention…
L’ autre policier le coupa.
- Vous savez malheureusement que nous avons également beaucoup de cas d’enlèvements sur des grands parkings d’autoroute. Plus d’enfants que de femmes mais on voit de tout. Si vous dites qu’elle avait l’air frêle, elle a dû être une proie facile…
Claude le regarda effrayé.
- Une proie facile, oui, ça, on peut le dire !
- Bon, Monsieur, vous ne bougez pas, vous pouvez aller au bar boire une petite verveine, on va passer l’air d’autoroute au peigne fin et questionner d’éventuels témoins. On vous retrouvera ici ou au bar.
Les policiers partirent à pied en direction de la station essence.
Claude laissa tomber son visage dans ses mains. Zoé fut prise de pitié avec son père.
- Tu n’y es pour rien, Papa. Qu’aurais-tu pu faire ? Il faut espérer…
- Oui mon petit soleil, il faut espérer.
Il prit Zoé dans les bras. Par-dessus son épaule Zoé vit Maggie la regarder d’un air désapprobateur. Toute seule elle resta adossée à la voiture. Puis elle baissa sa tête sur son téléphone portable comme si celui-ci pouvait lui donner une réponse.
Les gendarmes furent de retour vingt minutes plus tard. Dans la main l’un d’entre eux portait un sac que Zoé connaissait bien. Son cœur s’arrêta de battre un instant.
- Le sac de votre femme, commença l’ainé en s’adressant à Claude. Un routier l’a trouvé près du parking des camions et comme on était dans les parages, il n’a pas osé le fouiller. Il nous l’a remis aussitôt. D’ailleurs…
Le policier hésita un moment et Zoé sentit sa respiration s’accélérer.
- …à côté du sac il y avait une petite flaque de sang sur le bitume. On va le faire analyser pour pouvoir être sûrs que c’est celui de votre femme. Regardez si tout est dans le sac. Mais je dois dire que ça ne m’a plus trop l’air d’une fuite.
Claude regarda les policiers d’un air choqué.
- Un… enlèvement ? parvint-il à articuler.
Le policier hocha la tête.
- Oui, regardez. Son passeport et son portefeuille. Tout est là. Jetez un coup d’œil aux cartes pour voir si quelque chose manque.
Les doigts tremblants Claude prit le portefeuille et l’ouvrit. Il y avait la carte de crédit, la carte de retrait, la carte vitale, la carte de la bibliothèque, le permis de conduire et même deux cents euros dans le portefeuille. Rien ne manquait.
- Tout… est là.
- Si votre femme s’était barrée, elle aurait emmené ses papiers, ne pensez-vous pas ?
- Oui, il me semble.
- Donc, une fuite est exclue. Votre femme a été agressée, aux toilettes ou en sortant. Comment, je ne peux pas me l’imaginer. Il y a eu bagarre, vu le sang. Ou bien c’est le sien ou celui de son agresseur. On verra. S’il vous plait, donnez-moi un peu de votre salive pour faire la comparaison ADN…
Il fouilla dans la boite à gants de la voiture, puis tendit un petit coton-tige à Zoé , qu’elle dut se mettre dans la bouche. Il le prit et l’enferma dans un petit bocal.
- Qu’est-ce qu’il va se passer maintenant ? demanda Claude, complètement désemparé. C’était la première fois que Zoé le vit ainsi.
- Vous allez nous accompagner au poste, on va faire la déclaration et mettre toutes les informations importantes dans le protocole et nous allons organiser des barrages de route, puisque l’on est sûrs qu’il s’agit d’un enlèvement. Veuillez nous suivre s’il vous plaît. Il s’agit du poste d’autoroute de Châlon.
Zoé se sentit comme si elle se trouvait dans un horrible cauchemar. Elle tituba derrière son père et s’assit dans la voiture, devant, sur la place de sa mère. Lorsqu’elle se retourna, elle vit sa sœur, effondrée, tremblante et en sanglots
- On va la trouver, Maggie. Elle n’est pas morte. Zoé mit la main sur le genou de sa sœur et pour une fois celle-ci la laissa faire.
Elle-même ne crut pas du tout ce qu’elle racontait à sa sœur, les signes étaient quand même très inquiétants. Le sac, le sang…
Son père ne dit rien. Il serra les mâchoires et se concentra sur la voiture de gendarmerie devant lui. Ils passèrent un panneau… autoroute 666… la blague était vraiment très pertinente et dans leur cas c’était vraiment l’autoroute du diable.
Mais où était le diable et qu’est-ce qu’il avait fait de Nelly ?
Ils restèrent pendant trois heures à la gendarmerie. Claude porta plainte contre X pour enlèvement et ils firent également une déclaration de disparition.
Des formalités qui prirent beaucoup de temps.
Puis Claude leur dit qu’ils allaient rentrer à la maison.
- On ne peut pas partir à la Côte d’Azur.
Zoé s’effondra en larmes. Son premier jour de vacances… pas de baignades avec son père, pas de restaurant, pas de balades dans la colline.
En même temps elle avait honte. Sa mère avait probablement été agressée et enlevée et elle ne pensait qu’aux vacances perdues. Elle était bien égoïste. Mais il fallut reconnaître la vérité : Zoé n’était pas très proche de sa mère. Et elle lui en voulut pour toutes ces années gâchées, pour cette tristesse qu’elle emmenait dans leur vie et maintenant elle lui en voulut pour s’être faite kidnapper en pleine journée sur une aire d’autoroute bondée.
- Je sais, petit soleil…
Son père lui toucha les cheveux.
-…ne t’inquiète pas, ce n’est que partie remise.
Ils arrivèrent à la maison à vingt heures. Claude déchargea la voiture et disparut aussitôt dans le bureau où se trouvaient les papiers et l’ordinateur de Nelly.
Quand Zoé alla le retrouver, elle vit tout le contenu des tiroirs par terre. Des papiers partout et son père qui fouillait dans ces documents, tel un frénétique.
Elle vit que Claude transpirait à grosses gouttes.
- Mais papa, qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que tu cherches ?
- Un indice. Un signe avant-coureur.
- Mais… Maman a été enlevée. Il n’y a pas de signe. Ca arrive à n’importe qui.
Son père leva la tête. Zoé fit un pas en arrière, tellement son regard l’effraya.
Il secoua la tête.
- Non, Zoé. Personne ne peut se faire enlever un samedi de départ en vacances en pleine journée. Il y a forcément autre chose.