Chroniques du futur
stockholmsyndrom
22 Mai 2059. Quelque part dans la mégapole Parisienne.
Le réveil de Dylan sonne. Il y était affiché 22H.
En réalité, il était 21H, Dylan était un tatillon de l'heure, il détestait l'idée d'arriver quelque part en retard, encore plus l'idée que ce « quelque part » soit son lieu de travail.
Il travaillait dans une usine de production de fruits et légumes synthétisés située au Nord de la ville. S'il ne détestait pas son travail, il ne l'aimait pas pour autant. Il était juste nécessaire de le faire, pour plusieurs raisons.
Dylan était un jeune homme a l'esprit vif et rusé, on pouvait s'en apercevoir rien qu'en croisant le chemin de ses grands yeux noisettes et son regard aiguisé. Ses traits de visage, curieusement, paraissaient durs et sympathiques a la fois, renvoyant une image sécurisante. Il était plutôt souriant de nature et dégageait une certaine assurance. Il était brun, les cheveux courts, plutôt de type hispanique. Il était grand et bien proportionné, d'allure sportive, un solide bonhomme. Il aimait lire et était cultivé mais n'avait fait que très peu d'études, il travaillait par conséquent a l'assemblage et la livraison a défaut de travailler a la section clonage. C'était un travail plutôt pénible, le travail de tri a la chaîne, les chargements et les déchargements de livraison et la chaleur étouffante de la bâtisse y était pour beaucoup, sans compter que le salaire était plus que miséreux, se basant sur les idées de l'utopie du gouvernement, mais ce revenu miteux, il était quelque part obligé de l'accepter sans rechigner. Il travaillait de nuit depuis le 5 Mars, date du commencement du décret mis en place depuis une 20ene d'années afin de supporter les canicules de saison pouvant atteindre les aisément les 55 degrés la journée en Août, sans compter qu'il fallait a ça rajouter l'épaisse couche de la combinaison anti-radiations.
Dylan habitait dans une résidence commune d'une soixantaine de Bunkers souterrains, a 10km de son travail. Il prenait le métro pour s'y rendre. Tout le monde préférait prendre le métro, même s'il était toujours plus que bondé a presque toutes heures et qu'il y régnait beaucoup d'insécurité. Les gens évitaient, quand ils le pouvaient, de franchir la surface de la terre. Il existait bien la combinaison anti-radiations mais personne n'avait totale confiance en ce produit. Faire surface demeurait potentiellement dangereux dans la conscience collective, bien que, vivre sous terre, même si le gouvernement affirmait le contraire, ne soit pas une condition irréfutable de sécurité. La vie était ainsi, l'être humain était constamment plongé dans la paranoïa, la suspicion et la peur, sans véritable répit.
Il logeait dans un minuscule Bunker de 52m2 avec sa mère souffrante, semblable a tous les autres lieux d'habitation du même type ayant étés construits après la rafle des « tempêtes du nouveau monde » des années 2028 a 2030 qui décimerent l'Europe centrale entière et provoquerent des nuages radioactifs, de par la destruction par de quelques centrales nucléaires. Sauf la surface habitable de l'habitation changeait, tout le reste, des couleurs des murs aux agencements des pièces, en passant par les nombres de points électriques restreints, étaient calqués de voisinages en voisinage. Les murs de plomb étaient tous d'un gris terne, inspirant le ciel gris au dehors. Ca sentait les égouts de Paris jusque dans le moindre recoin de pièce et l'atmosphère qui y régnait pouvait terrasser n'importe quel claustrophobe du globe. C'était pourtant la l'un des seuls endroits ou l'illusion de sécurité était palpable, l'un des seuls endroits ou les visages se mettaient a nu, l'un des seuls endroits ou la vue du chaos ambiant était supportable.
Tous ces logements étaient surpeuplés. Apres les tempêtes de 2030, l'exode vers les métropoles se pratiquait en masse. Les gens de provinces -tous sans abri, poussés par les famines, les maladies et le no man's land abandonné de tous qu'étaient devenus les milieux ruraux- s'y ruaient, avec l'espoir de trouver place sous terre. La plupart cependant demeurèrent a la surface. L'armée du gouvernement de l'union protectrice les tenait aux portes de la ville, les laissant mourir pour éviter les risques de contamination, il se disait même que beaucoup d'entre eux étaient exécutés chaque jour, mais personne ne pouvait l'affirmer. C'était la guerre civile au delà, ils étaient devenus des animaux et la crainte qu'ils arrivent a pénétrer le cœur de la capitale effrayait tout le monde. Il circulait d'ailleurs une rumeur en ce moment, des actes de cannibalismes auraient été perpétrés dans le centre ville, non loin du lieu de travail de Dylan. Cependant, le centre ville n'était pas un lieu de guérrilla urbaine, l'armée y était omniprésente. Les seuls dangers que Dylan redoutait étaient les stations de métro isolées, les radiations et les catastrophes naturelles. Travailler était donc un danger de mort dans un sens, mais travailler était vital, L'union protectrice le logeait, en échange, il devait travailler pour assurer l'alimentation de tous et faire prospérer la race humaine. C'était le seul parti politique en vigueur, un parti totalitariste, dictateur et communiste, un parti militaire de souche américaine, qui avait su profiter de la détresse d'un pays décimé, en manque de ressources et incapable de riposter, qui desormais appartenais au pays de la banniere étoilée.
La France n'était plus, en quelques sortes, qu'une région des Etats Unis, comme quelques autres pays voisin. De toute façon, les gens n'avaient plus la force et la tête a se soucier de cela, le gouvernement leur donnait du travail (travaux sous terrains, collectifs) et la doctrine de l'union protectrice quant a la survie de l'homme a n'importe quel prix semblait fonctionner, d'autant plus que ce gouvernement était finalement la seule alternative a quelques gages de sécurité et de travail.
Beaucoups de lieux de travail se trouvaient a la surface, trop couteux et titanesque travail pour les enfouir. Seuls les lieux de hautes instances administratives, les hôpitaux, les services publics se trouvaient sous terre, quand aux élites, elles étaient délocalisées dans les régions du monde encore sûres. Dylan était la, condamné, comme tous les autres, tentant, certainement par instinct, parce qu'il n'avait jamais connu que ça, de repousser l'échéance.
Ce matin la, comme d'habitude, il se leva en compagnie de sa toux épaisse, dû au « répix », une drogue hallucinogène qui touchait de plus en plus de monde. Il en consommait beaucoup, tous les soirs, cela permettait l'évasion. Il soupçonnait cette drogue synthétisée d'etre le bébé de la C.I.A, elle avait meme été introduite dans le marché par cette CIA d'apres lui, ce qui expliquait le laxisme concernnant le traffic, pour faciliter le poids de la vie et se rattacher a celle-ci, la supporter telle qu'elle était. C'était encore une manipulation, personne n'en parlait et elle était tellement facile a se procurer, cela sentait l'enfumage a plein nez mais au fond il s'en fichait, il en avait besoin. Quand il sortit du lit, il s'avança vers la cuisine. Sa mère dormait. Par sens du sacrifice, elle était allongée sur le minuscule canapé marron de cuir usé de la piece a vivre, avec en fond sonore, la télévision et ses spots de prévention anti-canicule. Il était impossible de la faire dormir dans le seul lit que comprenait le bunker, malgré les multiples tentatives de Dylan a ce propos. Elle avait un cœur généreux, le meilleur bien être pour sa progéniture, c'était bien la la seule chose qui lui importait, l'unique chose qui lui donnait le courage de rester en vie, malgré son cancer. Elle était courageuse, s'il aurait fallu qu'elle se sacrifie pour cela, elle l'aurait fait, sans hésitation aucune. Dylan se sentait honteux de la situation, mais c'était quelque part une question de fierté, c'était ainsi.
Il se présenta a la machine a café mais impossible de s'en faire, la reserve d'eau naturelle pour ce mois ci était presque épuisée. Il se résigna a en utiliser et la mis de coté pour sa mère. Il alla donc faire sa toilette, muni d'un gant humide. Ensuite il s'habilla, mis sa combinaison et attrapa son masque pour s'apprêter a sortir. En passant par la piece a vivre, il alla déposer un baiser sur le front fiévreux de sa mère, puis il se dirigea vers la porte. C'est au moment de l'ouvrir qu'il eût un temps d'arret. Un sentiment glacial lui traversa alors le dos, la peur de l'abandon était en train de submerger ses pensées, la, devant sa foutue porte, sans aucune raison apparente ou peut être, ce sentiment venait d'être stimulé au contact de ses lèvres sur un front chaud. Il s'arrêta quelques secondes, comme si le temps s'était figé. Un soupir s'évapora naturellement de sa bouche, comme pour exprimer l'existance opprimée. Il se retourna et déposa son regard sur le visage aussi marqué de souffrance que de tendresse qu'était celui de sa mère, luisant a la douce luminosité de la télévision, comme un joyau a la lune. Il la voyait paisiblement rêver, certainement d'un autre monde, celui qu'elle avait connu. C'était la son seul havre de paix, ses paupières lourdes. Elle était avec lui et son cœur battait, mais pour combien de temps encore ? Elle, c'était tout ce qu'il avait. Son père s'était suicidé alors qu'il n'avait que 4ans. Il n'avait que de vagues souvenirs d'un homme chétif et aigris, usé. Il se souvenait de le voir tous les soirs assis sur une chaise, le regard vide, c'était la seule image qu'il avait de son père, cette chaise soutenant un poids mort. Il n'avait aucun souvenir de si il eut entendu sa voix un jour. De toute façon, cela lui importait peu, son père s'était donné la mort, il les avait lâchement abandonnés, c'est tout. Le suicide d'un membre du foyer, père, mère, frère ou sœur était passible d'emprisonnement pour les autres membres majeurs, le gouvernement voyait en cet acte une trahison envers la prospération de l'espece humaine. Le père de Dylan n'avait certainement éprouvé aucune culpabilité le jour ou il s'est jeté sur les rames du métro un soir d'automne, et sa mère écopa de 5ans de prison ferme. Dylan fut placé dans un orphelinat. Elle n'en a jamais voulu a son mari.
Elle, s'était bien elle son seul véritable amour, l'amour maternel. Dylan ne connut de sa vie embrumée de solitude semblable a celle des autres, aucune autre forme d'amour. Il avait déjà ressenti du désir, pour un visage furtif, une silhouette aperçu dans les bas fonds, un sourire déchiffré derrière un masque, mais dans la paranoia ambiante, les relations entre humains étaient difficiles a envisager, tout le monde était susceptible d'être irradié, les gens s'évitaient, la société restait terrée dans son terrier de solitude. Le sexe avait quasiment disparu, il était considéré comme un haut risque. Les enfants ne naissaient plus désormais que par mères porteuses et tout cela était très suivi, pour éviter les risques de contamination. Dylan ne connaissais pas le sexe, il s'en faisait juste une idée lointaine et de toute façon inenvisageable. Il existait les prostituées pour assouvir les pulsions des plus sensibles a celles-ci, mais le risque y était encore plus grand, elles étaient ravagées par le sida et l'idée de mettre du plastique sur son sexe –matière a éviter- transportait Dylan dans un état de panique.
La plupart des gens étaient terrifiés, non pas a l'idée de mourir, mais a l'idée de tomber malade.
C'était pourtant inévitable, la vie était un piège, un labyrinthe sans issue ou l'on s'épuisait a la trouver.
Il restait la, le regard figé sur sa mère, son seul véritable contact humain. Qu'allait-il devenir. Il résidait en elle la seule parcelle de rêve qui lui était possible d'entrevoir, elle qui avait connu le temps que les gens appelaient « l e doux monde », avec une certaine nostalgie dans les yeux, comme si ce mot avait le pouvoir de raviver une flamme, pour l'étouffer ensuite au contact du temps présent, un bad trip, comme pour remuer le couteau dans une plaie fraiche. Sa mère était le seul lien qu'il avait avec ce monde inconnu, imaginaire.
Il se posa sur une chaise de la cuisine, accoudé a la table, le regard fixant le vide.
Il se mit a penser aux histoires merveilleuses que sa mère lui contait, le temps de son enfance en campagne a l'extrémité de la pointe du sud ouest, lui décrivant des paysages entre mer et montagne. Il en avait vu dans les livres d'histoire mais il avait une idée bien a lui de ce qu'étaient la mer et la montagne, tellement elle lui en avait décris avec tant d'enthousiasme les contours. Cela semblait être le paradis, un endroit folklorique aux paysages généreux avec une palette de couleur infinie. Les mots qu'elle employait chantaient, invitaient l'imaginaire a transposer une aquarelle multicolore dans l'esprit de Dylan. Tout avait l'air si pur, si calme, du « répix » a l'état brut, continuel, bien mieux que dans les livres, bien mieux que les bruit effroyables provenant du cœur malade de la ville. Elle lui racontait comment, au début de l'automne, son père l'amenait dans les coins sinueux et reculés de la vallée pour y aller ramasser des champignons, elle essayait même de lui en décrire le gout au palet. Elle lui racontait comment pendant des heures, ils restaient allongés au pied d'un chêne a dormir paisiblement, pour se réveiller un peu avant le coucher du soleil et contempler un ciel d'humeur rosâtre, surplombant toutes les collines de l'horizon. Elle lui racontait comment ils se laissaient transporter par l'odeur de la fougère qui battait au gré du vent chaud, comment ils couraient au milieu des tourbillons de feuilles mortes, comment ils étaient libres et silencieux, au milieu de la nature, digne. Il ne connaissais ni l'odeur de la fougère, ni les collines recouvertes d'une nappe rose, il ne connaissais que le parfum de rêve que dégageaient les contines de sa mère. Il était assis en face de ses souvenirs, il était apaisé, passagèrement.
Tout a coup, un bruit violent et furtif le fit sursauter sur sa chaise. Comme une détonation, un coup de feu, un coup de feu qui tua l'instant, un retour a la réalité. Vinrent ensuite les cris. Certainement un autre voisin cherchant le chemin du trou noir par le trou de sa tête.
Dylan regarda sa montre, il était 22h04, il était en retard !
Il se dirigea en courant vers la porte avant de la claquer violement et longer le couloir sous terrain dans un élan de panique, ce qui réveilla sa mère…
La vie était ainsi faite
L'homme avancait dans une sorte de couloir de la mort semblable a celui que prend un condamné avant de succomber a la chaise.