LE FACTEUR

LE FACTEUR

La fin du jour est proche... Marianne Faithfull attend que les larmes s'en aillent... Les enfants jouent, les enfants chantent, mais pas pour elle...

-Le bonheur, contrairement au facteur, il ne repasse jamais...

Et elle me fixe de ses yeux troubles. Me prenant à témoin. Son joli front plissé, ses petits poings serrés, semblent me mettre au défi de contester la vérité par elle trouvée dans le vin...

Moi, les regards flous, ça ne me dérange pas. Je dirais même qu'ils conviennent à mon genre de beauté. Seulement, les citations, j'exige qu'elles soient précises.

-Le facteur ne repasse pas, je dis... Il sonne, deux fois, toujours !

Je m'attends vaguement à recevoir son verre dans la figure... Mais elle hésite, se renfrogne, se trémousse... Puis, défroissant ses traits, c'est un grand rire qui la secoue. Un rire terrible, puéril et insensé !

Cinéphile, la paumée au bout de mon comptoir 

-Et le train, c'est trois fois qu'il sonne, je le sais !!!

Après ça, on entame une longue conversation, ponctuée de sourires complices, sous les lumières savamment tamisées, pendant que Dylan nous affirme que la réponse, mon ami, elle souffle dans le vent.

Le niveau dans nos verres remontent, descend, remonte encore, la marée devient folle. Nous voici alanguis comme des coquillages .

Et, alors que Jagger, cruellement, demande à Susie de laisser tomber les fleurs mortes, nous échangeons des œillades fiévreuses, des gestes tendres, des mots inoubliables.

On passe la nuit ensemble, on se dévore, on en reprend. Cette nuit-là, la suivante. Elle s'installe chez moi, au dessus du café, change les meubles de place et me fait un enfant. Un petit garçon myope qui trouve son papa très beau.

Un beau jour - va savoir pourquoi - je la quitte.

Elle met l'appartement à sac, fracasse mes vinyles, me voue aux gémonies. Pour finir, sur le mur, avec le rouge exquis dont elle peignait ses lèvres, écrit :

LE BONHEUR NE SONNE JAMAIS TROIS FOIS !

Qui suis-je pour dire le contraire ?