Le génie de la cafetière

nico61

Mon histoire risque de donner du grain de café à moudre aux psychiatres, pourtant je vous jure que je n’invente rien. J’étais dans ma cuisine en train de frotter ma cafetière pour enlever les traces de doigt- j’ai un ami à qui les douaniers ont pris ses empreintes, il attend qu’ils les lui rendent- lorsqu’en jaillit un génie.  Authentique, je vous dis ! Il était tout petit dans le percolateur, énorme en sortant, un génie grandi si l’on peut dire.  Le problème avec ce genre d’esprit c’est que c’est vaporeux, et la vapeur merci bien, ça fait de la buée sur les carreaux ! J’allumai la hotte aspirante, prêt à signer l’acte d’évacuation  du génie. Ce dernier arrêta mon geste :

« Non, ne fait pas ça ! Car je peux t’exaucer trois vœux.

C’était ce qu’on appelle une offre aguichante. Mais mon radar de méfiance s’alluma.

-Vous m’offrez trois vœux mais c’est pour me vendre quelque chose derrière ! Je les connais vos techniques marketings ! »

Le génie m’assura qu’il était étranger à toute logique commerciale. Il était depuis longtemps prisonnier de la cafetière. D’autres avant moi s’y étaient frottés à cette machine, mais sans réussir à l’en délivrer.

« Maître, donne-moi trois vœux, je les exaucerai.

-Alors, pour commencer, réfléchis-je,  je voudrais être une grosse star de cinéma. »

Le génie emprunta l’allure d’un garçon de café, attrapa le crayon qu’il avait sur l’oreille droite et prit ma commande.

« Une star de cinéma, hum… Ensuite, qu’est-ce que Monsieur prendra ?

-Ensuite, je voudrais une immense demeure avec une immense piscine ! »

Les murs de la cuisine s’écartèrent, des colonnes poussèrent dans une explosion de poussière, une piscine se creusa à la vitesse du déficit extérieur de la France. Mon modeste pavillon prit la configuration d’une villa coloniale aux murs lambrissés et savamment sculptés. Autant dire que j’étais soufflé du résultat. Valérie Damidot pouvait aller se rhabiller… en salopette, comme à son habitude.

« Et quel est votre troisième vœu ?

-Plein de filles magnifiques pour me tenir compagnie. »

Un laquais entra dans le patio où je m’apprêtais déjà à bronzer.

« Monsieur, de la visite pour vous.

-Ah, c’est sûrement les filles magnifiques … Faites entrer. »

Des pas lourds résonnèrent sur les dalles cuites. Trois silhouettes austères  s’inscrivirent dans mon champ de vision. Trois croque-morts en complet sombre, avec des attache-case. Au vu de leur mine livide, ils avaient besoin d’une bonne cure. Or ils venaient justement m’en proposer une de cure… d’austérité.

«Service du fisc ! se présenta l’un d’eux. Au nom de la solidarité nationale, nous venons vous taxer à 75 % .»

Quel idiot j’ai été ! En troisième vœu, j’aurais dû souhaiter la Belgique…

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