Le goût de la mer

same

...et de la liberté

   Le temps est doux. La lumière de la mi-septembre enveloppe la ville. Les enfants sont à l'école, les adultes travaillent, Mari hésite. Elle aperçoit, par la fenêtre, un petit bout de mer calme. Trier, plier, laver, balayer, ranger : elle n'est plus obligée. Mari ferme la porte. Elle serpente le long des ruelles fleuries. Elle salue des voisins.

   Elle pose son bagage léger ; elle se dévêt. Lentement, elle entre dans l'eau. Les méduses ont repris le large. Elle immerge son corps, petit à petit. Les poissons vont et viennent. Ils ont la couleur du sable. Pourquoi les déranger ? Mari refuse la brutalité. Elle nage. L'eau fraîche tend sa peau, saisit son cou. Elle souffle. Elle ne voit plus la ville ; au loin des sirènes hurlent. On dirait le silence. Elle nage. Elle respire. Elle sent le soleil, il chauffe sa nuque, il n'est plus brulant. Elle lui fait face, s'allonge, s'aligne à la surface, ses yeux se ferment. La lumière est éclatante. Il est 10 heures. A peu prés. Qu'importe. Au-dessus d'elle, planent des goélands. L'eau sur sa peau a la douceur de la soie. Elle se laisse caresser. Elle fait, ce qu'il lui plait. Elle nage. Ses mains frôlent la surface comme une peau aimante. Il y a une toute petite brise, elle éveille ses sens. Mari regarde les collines à l'horizon. Elle ignore la ville, ses tours érigées semblent vouloir tout aspirer. Elle tourne le dos, regarde le fond sans peur, les verts, le turquoise, le marine profond. Un banc de sardines étincelle, elles bondissent : merveilles ! Un homme en bateau file tout droit, son moteur ronfle, ses ondes la bousculent. Elle le regarde. Son corps est raid, son port est dominant, ses mains sont crispées : le temps c'est de l'argent. Elle se surprend à le plaindre : Il ne voit pas l'instant. Elle s'accroche à un rocher. La lumière pétille. Elle se laisse porter. Des crabes verts fuient. Ils gagnent leurs cavernes. Elle leur cède la place. Les algues ondulent. Mari grimpe, elle agrippe les pierres sans craindre les blessures. Elle plonge comme une enfant, encore et encore : c'est exaltant ! Elle rit, elle joue, elle brave le regard des gens. Mari nage.

   Le goût la mer dans sa bouche la suivra un moment. Elle sort, marche et ne contrôle plus rien. Elle ne tend plus le dos. Elle laisse son ventre s'arrondir, son menton n'est plus haut, sa bouche n'est plus inquiète. Il est fini le temps où elle laissait ses choix au bon vouloir des autres. L'âge lui a rendu son insouciance et si c'était cela, la raison ?  Elle ne pense plus que ses fesses puissent être un centre d'attention, aujourd'hui elle se fou de ses petits capitons, de ses hanches rondes et de ses petits seins. Elle s'étend le dos contre le sol chaud, ses jambes imparfaites traces des lignes d'ombres. L'eau s'évapore. Aujourd'hui, elle se sait belle, elle accepte d'être en vie. Aujourd'hui, elle est sereine, elle n'entendra plus de cris. Aujourd'hui, elle est en paix : elle part.

  • Très joli texte, poétique, simple mais captivant. J'y étais aussi, dans la mer, à nager dans l'eau fraîche...merci pour ce moment.

    · Il y a presque 4 ans ·
    Texel

    Möly

    • Merci beaucoup Maureen, je suis ravie que vous ayez ressenti ces sensations en lisant mon texte.

      · Il y a presque 4 ans ·
      2016 01 24 15 24 47 015

      same

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