Le grand saut
caza
Elle se plaît bien en seconde C, Lou, ses condisciples sont plutôt sympas et elle s'est déjà fait deux amies, Françoise, brune et délurée, et Mylène, replète et réservée, aussi faible qu'elle en maths, contrairement à Françoise qui excelle dans presque toutes les matières, sans en avoir l'air.
Elle aime la compagnie de Françoise qui s'est accoquinée avec une bande de mauvais garçons qui se complaisent à rouler des mécaniques aux guidons de leurs Peugeot 103 SP et autres Zundapp, cheveux au vent et clope au bec, ils font souffler un vent de liberté délicieusement mâtiné d'interdit.
Elle lui raconte que certains soirs, ils se réunissent dans la cave d'un pavillon, sur les hauteurs, derrière le lycée, spécialement aménagée avec des canapés et qu'ils passent leur temps à écouter de la musique en fumant, rien d'illégal encore, et en riant de leurs congénères, elle lui répète souvent qu'il faudrait qu'elle vienne, mais elle sait bien que sa mère désapprouverait donc, elle diffère sa réponse, invariablement.
Puis un jour, un prof est manquant, pas envie d'aller s'entasser dans la salle de permanence, avec les terminales qui fument et rient à ses dépens, alors elle fait le mur avec Françoise qui lui a dit que justement, aujourd'hui, les garçons sont à la cave tout l'après-midi, elle ose braver les interdits familiaux….
Quand elle en repart, à l'heure où elle est censée sortir du lycée pour tromper la vigilance maternelle, elle a le sourire comme jamais, c'est vrai qu'ils sont sympas ces loubards à deux balles, ils se vantent haut et fort de méfaits comme d'avoir volé les clefs de la voiture neuve du voisin et la garer tous les soirs devant chez lui, n'y voyant que du feu, ce dont elle doute fortement, cela ne pisse pas loin comme on dit.
Quelques mois passent, au gré des cours de physique-chimie, maths et autres joyeusetés, qu'elle supporte grâce aux visites musicales dans la cave.
Un samedi après-midi, alors qu'elle s'apprête à descendre saluer le petit copain de sa sœur, venu l'emmener au cinéma, elle entend la voix de sa mère ; instinctivement, elle stoppe sa progression et tend l'oreille ; ce qu'elle entend alors la sidère au plus haut point : sa mère est en train d'expliquer au copain de sa sœur, que cette dernière revient d'une visite chez le gynécologue et qu'il a été dans l'obligation de la déflorer pour lui faire passer un examen médical, mais promis, juré, craché par terre, sa fille est vierge…..
De quel droit, non mais de quel droit ????
De là où elle est, elle ne voit pas sa sœur, mais elle perçoit son désarroi, du moins elle le ressent, alors elle sort de sa cachette pour briser le silence qui s'est installé, mine de rien, un grand sourire sur le visage, mais elle croise les yeux de sa sœur et se fait alors une promesse : jamais mais alors jamais, sa mère ne saura quoi que ce soit de sa vie amoureuse, jamais elle ne sera en position de proférer de telles paroles à son sujet.
La semaine suivante, elle s'est mise en jupe pour une fois, et se rend avec Françoise à la cave, rejoindre les garçons pour passer un bon moment à les écouter divaguer, il fait bon en cette fin d'automne, et elles devisent gaiement tout en marchant.
Pourtant, rien ne va se passer comme elle l'imagine.
A peine arrivée, elle entend quelqu'un crier : « tous sur les filles ! » et d'un coup, plusieurs des garçons présents se jettent sur elle, l'attrapent, des mains la tripotent de partout, elle suffoque, ne peut pas se débattre car ils la serrent trop fort, ils sont trop nombreux…
Mais elle a la rage et voit soudain passer une main à hauteur de son visage, elle mord alors l'un des doigts, avec l'énergie du désespoir, et la ferme intention de séparer ce doigt du reste de la main, elle sent du sang couler sur ses lèvres, mais elle continue….
Un hurlement se fait entendre « putain elle me mord cette salope, lâchez-là, elle me mord » et tout s'arrête, elle reprend son souffle et s'enfuit, sans un regard en arrière, elle se moque pas mal de savoir où est Françoise, ce qu'elle fait ou non lui est égal, elle court sans s'arrêter, elle a eu trop peur….
Elle prend subitement conscience qu'elle est une proie pour ces types qu'elle ne connaît pas finalement, elle en veut aussi à Françoise qui s'est contentée, le lendemain, de lui dire qu'elle a été bête de mal le prendre, que ce n'était qu'un jeu… un jeu, oui, mais pour qui ?
Après mûre réflexion, elle va prendre alors une décision assez paradoxale : elle va leur faire payer, mais pas comme ils se l'imaginent.
Elle choisit sa plus jolie tenue, une jupe gitane avec un chemisier, et annonce à Françoise qu'elle l'accompagnera ce soir à la cave, qu'elle a passé l'éponge.
Arrivée là, tous la regardent en biais, elle ne sait pas lequel elle a mordu, mais elle sait qu'il est là….
Elle se rapproche du chef de bande et lui glisse à l'oreille qu'elle aimerait bien qu'il l'emmène visiter les pièces du haut, elle a compris depuis quelques temps que des chambres sont à l'étage et que ce n'est pas pour lire des BD qu'il se vante d'y aller avec des filles qu'elle n'a jamais vues…
Elle a l'estomac noué mais sa décision est prise, elle l'a choisi pour faire le sale boulot, elle ne veut pas, comme les autres filles qu'elle entend discuter dans la cour, se réserver pour « le grand amour », elle trouve que les filles en général, accordent trop d'importance à ce passage à l'acte et les garçons pas assez, ce qui créé un déséquilibre dont certaines ne se remettent pas, comme Coralie qui passe pour une gourdasse maintenant aux yeux de tous.
Elle compte aussi lui donner une bonne leçon : les filles ne sont pas des objets dont on use à discrétion, elle est sûre qu'il est puceau, trop vantard….
Leurs gestes sont maladroits, elle s'allonge et lui murmure « fais attention », il répond par un grognement.
Quand leurs corps se séparent, elle constate qu'une petite tâche de sang s'étale sur le drap.
« Putain mais t'es vierge, t'aurais pu me le dire…
Oui, et ça aurait changé quoi ? » pas de réponse, c'est ce qu'elle pensait….
En quittant définitivement la cave en cette fin d'après-midi, un sourire doux-amer flotte sur ses lèves, elle l'a fait, elle est débarrassée, sa mère n'en saura jamais rien.
Une seule question lui trotte dans la tête : elle a eu l'impression fugace de voir une cicatrice récente sur le majeur de sa main droite, se pourrait-il…..
Sacré grand saut.
· Il y a presque 6 ans ·L'idée de s'émanciper de l'autorité parentale est intéressante.
L’héroïne est-elle vraiment heureuse de l'avoir fait ainsi ?
Lady Etaine Eire
Oui, elle ne voulait pas d'attache avec celui qui le ferait, elle n'a jamais regretté sa décision
· Il y a presque 6 ans ·caza
Rite initiatique du passage de fille à femme. ;o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
;-)
· Il y a presque 6 ans ·caza