Le grillon du foyer

Je suis la gardienne du foyer

La fourmi besogneuse qui veille sans relâche

Dormez enfants, dormez,

Sous vos lourdes paupières où les rêves s'amassent,

Se font et se défont des mondes merveilleux

Centaures chevauchant la croupe des montagnes

Gazelles aux yeux de vair,

Félines amazones aux faux airs de tsiganes

Puisant dans leur carquois flèches et sarbacanes,

Pour conquérir les mers.                                                      

Je suis le grillon du foyer

Chantant quand vous dormez ma timide complainte

Abandonnant les mots à leurs rimes contraintes

Pour aller vous border

Epiant à vos fronts d'improbables nuages,

Tandis que vos longs cils, mangeant votre visage,

Lourds papillons de nuit accrochés à vos yeux,

Vous font un masque d'ange sombre et mystérieux

Je suis la flamme, la flamme ténue du foyer

Qui palpite et rougeoie peuplant d'ombres fantasques

Les murs du corridor

Pendant que Février secoue de ses bourrasques

L'obscurité. Dehors,

Le trottoir blanc de givre étincelle, et résonne

Le pas lourd d'un passant qui chancelle et qui cogne

Sur le carreau mouillé.

Dormez enfants, dormez,

Je suis la gardienne et la flamme

Je suis le grillon du foyer,

Et tandis que je veille, tandis que vous dormez,

La nuit tisse sa trame

Silencieuse et glacée,

Inlassable compagne de mes rêves défaits