Le Harcèlement scolaire

Kanon Gemini

Sujet pas très drôle mais qui me tient particulièrement à coeur.

     Tout d'abord, et assez traditionnellement, je vais commencer par vous assomer avec les chiffres. Ils ne sont pas très rassurants, voire flippants. Alors, le décompte est du même type que lors d'une manif'. Ainsi le ministère nous annonce fièrement qu'entre 2015 et 2018, le harcèlement serait passé de 7% des élèves à 5,6%, soit quand même 375000 élèves. L'UNICEF est quant à lui plus critique et estime le nombre à 700000.

     La transparence sur le sujet n'est pas de mise comme souvent dès que le sujet est sensible, car bon, comprenez braves gens, vous ne confiez pas vos enfants à l'EDUCATION nationale pour qu'ils se fassent tabasser au fond de la cour. Ça fait mauvais genre quand on a la prétention d'éduquer ( et plus d'instruire, ce qui explique sans doute la chute vertigineuse au classement PISA). La vérité est que l'on doit être largement en deçà de la réalité, de par la structure même du harcèlement scolaire.

     Tout d'abord, il y a les victimes consentantes, celles qui ne définissent pas leur harcèlement comme tel, et qui subissent en serrant les dents, en espérant une éventuelle acceptation du groupe. Typiquement, l'élève brillant obligé de faire les devoirs des autres, pour éviter d'être mis à l'écart et d'être seul.

     Puis, il y a les victimes conscientes mais intimidées par des menaces les concernant directement eux ou leur famille, et qui ne souhaitent pas briser la loi du silence par peur des représailles. 

     Si l'on conjugue ces chiffres au fait que le harcèlement touche souvent les élèves plus fragiles (l'intello, le gros...), on se rend compte qu'ils sont plus enclins à être isolés dans leur parcours scolaire.

     Encore une fois, du côté du ministère, circulez, il n'y a rien à voir. Si, la start up nation nous a gratifiés d'un beau #stopharcèlement, avec la même réussite que #stopcovid ou #stoplesimpôts (éliminez l'intru. Indice: il vous perfore le fondement à la source). On est dans l'injonction vaguement branchée nouvelle technologie, et nullement dans le rationnel. On fait une journée nationale (le 7 Novembre. Vous le saviez?), et les établissements peuvent choisir d'adhérer au programme ou non. Inutile de vous dire que les établissements émotifs ne se battent pas au portillon, et qu'inversement ceux peu touchés viennent grossir les chiffres des pieds nickelés nous gouvernant, et ainsi, ils peuvent se congratuler, et continuer de cacher la poussière sous le tapis.

     Et pourtant, ce harcèlement, dans les formes les plus graves, peut mener au suicide (25% des élèves harcelés y ont pensé), mais également à des dépressions, des coupures sociales, des mutilations et avoir des répercussions sur la vie adulte (anxiété, cauchemars, etc), et dans ce cas, se faire aider par vrai professionnel (psychiatre, psychologue), plutôt que croire que nos clowns vont solutionner le problème, paraît plus raisonnable. Déjà qu'ils ne réussissent pas à gérer un plan vélo...

     Ce problème va forcément s'amplifier avec le temps (réseaux sociaux, culture de l'excuse, laxisme général) surtout avec l'inaction du gouvernement, qui comme les autres avant se contente de coups de menton, et d'annonces tapageuses ( qui se rappelle la cause du quinquennat?), et n'augure rien de bon pour l'avenir. Entre la chute du niveau qui ne semble pas au moins se stabiliser, et la violence qui gangrène l'école, nous allons avoir une quantité d'adultes qui auront passé "leurs plus belles années" dans la terreur d'aller à l'école, et qui ne réussiront pas à construire leur vie d'adulte sur des bases sereines: peur de l'adversité, manque de confiance en soi, isolement, asociabilité. Et ce uniquement parce qu'un secteur, encore une fois géré par nos épiciers, et payés par nos impôts, aura lamentablement foiré sa mission. 

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