Le jardin des possibles
hel
De i à n
i.
Alex aussi a du sang noir.
Dans le cœur, elle, une hémorragie.
Inguérissable.
j.
Des murs d'hôpital, blancs.
Rien d'original.
On aimerait dire des murs soir d'été d'un bleu qui se couche, et le soleil au-dessus qui doucement s'éteint.
Des murs briques chauffés où le chat somnole tout contre.
Des murs lierres tressés et pampilles de liserons qui dansent dans le vent.
On aimerait…
Mais blancs d'un blanc dégueulasse, d'un blanc de mille attentes, et pas si net quand on y regarde bien et même un peu jaunasse dans les coins.
k.
Picoti Picota
Pique l'aiguille
Et puis s'en va
l.
Alex veut m'emmener à la mer.
Se mettre au bleu, au vert, pour moi.
Elle appelle Edouard.
Lui aussi, ange froissé, ange terrible.
Je n'ai qu'une seule photo : d'Edouard.
Qui danse torsu nu sur la tabled'un bar noir de monde, noir de regards tendus vers son corps.
Sublime.
Edouard corps de dieu grec et regard mer Egée.
Edouard qui transpire le sexe, l'envie, l'excès, la folie, la vie agitée.
La joie aussi. Comme un masque que les autres ne perçoivent pas, ça non.
Nos derniers moments, nous ne le savons pas encore.
Peut-être sans Henri me serais-je noyée avec eux.
Alex demandait :
— Raconte comment tu nous vois plus tard.
Alex aimait que je raconte des histoires, se pelotonner, nos trois corps emmêlés et tout éteint autour.
C'était toujours la même histoire réinventée. Edouard je lui disais qu'il serait comme ses vieux messieurs qu'on croise parfois sur les plages, tout coquet, tout bronzé, que le temps n'aurait pas de prise vraiment, juste dans le blanc des cheveux qui se cordonnerait à un costume en lin. Moi, des enfants tout plein, des tomates cerises, persil, bohème et grand jardin. Quelque chose comme ça de retiré. Et Alex…
Alex je ne la voyais pas, jamais.
Alex c'était la plus difficile.
Alex c'était terrible, mais je n'avais besoin de rien dire, elle dormait déjà.
Elle dort sûrement.
M.
Nous allons à la mer, Alex, Edouard et moi.
Edouard arrive dans une décapotable rouge tapageur.
Le torse nu. Déjà. Toujours.
Il dit : " c'est la voiture de mon vieux."
En sous titré celle de son amant, ami, coup des jours paisibles, pied à terre, on-ne-sais-quoi-vraiment mais peu importe.
Pas son père. Sûr de sur.
Alex peint ses ongles de pieds sur le tableau de bord.
Ils s'engueulent, pétasse contre pétasse qui claquent.
On s'arrête, on repart.
L'auto-radio crache des hoquets ça gâche un peu.
Des fumées soufflées bouche à bouche, on arrive. Entiers.
On tangue déjà ou encore, je ne sais plus.
La mer on la voit pas.
Ni le vert, ni le bleu, ni rien d'autre que les comptoirs d'un bar.
Au fond je savais, au fond je faisais semblant de croire que.
J'aurais aimé.
Dans la nuit je prends un train, je me sauve. Lâchement.
C'est peut-être de la bravoure, de la lucidité, le fait que rien ne s'arrange physiquement.
C'est peut-être un sursaut, un quelque chose d'animal qui serait resté tapis, qui se réveillerait lui.
Cela n'empêche de se sentir sale et lâche.
Et la tristesse aussi.
n.
Dans le train j'appelle Henri. Je réveille Henri.
Je raccroche sans un mot prononcé d'aucune part, juste le croisement de deux respirations.
Puis la surprise d'une voix de femme, un chuchotis du loin et proche à la fois.
Le désir rend désirable n'importe quoi.
La solitude fait des multiplications.
Le train emporte, le train efface.
Les trains emportent toujours tout.
La solitude se berce dans des roullis-rouillas, métal froid, choses qui se froissent comme du papier, ronflement léger, coulissage des portes, pas feutrés, odeurs qui passent.
Picoti, picota
On ne trouve toujours pas.
On ne sait rien.
Que tourner les aiguilles, dans un sens puis dans l'autre, et changer de bras parce que ça fait des marques à force.Des traces, des bleus au corps. La tête, elle, y baigne depuis longtemps. Dans toutes sortes de bleus.
Il faudrait pouvoir y plonger, trouver la bonde, laisser couler pour toujours et à jamais.
Redemande :)
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
J'adore quand tu nous scotches avec tes analyses découpées au scalpel :) c'est percutant et drôle à la fois , tu es vraiment douée, on en redemandé. .. merci Hel, toujours un plaisir de te lire ...
· Il y a plus de 7 ans ·marielesmots
Merci Marie c'est chouette d'avoir tes impressions contente que cela te plaise toujours
· Il y a plus de 7 ans ·hel