Le jaune-orange modifié.

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"On voyait bien que la pizza aux câpres était plus fine que le sandwich au saumon... mais on s'obstinait à trouver des similitudes."

Je savais que j'allais faire fortune un jour, mais dans quoi ? La peinture, l'écriture, les bisous ? Oh que non ! disait Betty ! T'es pas capable de dessiner un arbre droit, alors comment peux-tu enfiler trois lignes ou 3 bouches correctement !

Pour parer à la difficulté, j'avais investi dans un bout de terre agricole et des bestiaux, pour un jour le voir fructifier en un camping cinq étoiles, accueillir de jolies filles du monde entier et faire la traite des vaches (du woofing et du yaourt).

Avec Betty, on se foutait régulièrement sur la gueule... on s'envoyait des assiettes... des paires de pompes... des labradors de lit et des pédales de bicyclettes... des piles usagées comme autant de poubelles pleines, lorsque dans un bout de table, l'un finissait par dire à l'autre:

« Ben si c'est ça, je vais aller voir ailleurs et tu verras si j'y suis ! »

Mon Dieu qu'on y est allé dans cet 'ailleurs' et dans ce 'si j'y suis' !

'L'Ailleurs' ne ressemblait à rien d'autre que quelque part, et le 'si j'y suis' n'avait aucun charme. L'ailleurs avait le goût amer d'une chambre d'hôtel sans petit-déjeuner, et le si j'y suis, la couleur terne d'une salade verte oubliée en bas d'un réfrigérateur.

C'était l'année où nous faisions de plus en plus chambre à part et moitié-moitié la vaisselle et les fleurs. Les exemples à faire sourire ne manquaient pas :

- T'as arrosé les dahlias ?

- C'était pas à toi de le faire ?

- Non, moi aujourd'hui c'était la vaisselle !


Le woofing marchait moyen et les yaourts passaient de date avant même d'avoir une consommation potentielle. C'était l'année où j'avais du reprendre l'écriture de slogans publicitaires pour payer les factures, et Betty ses réunions Tupperware pour se refaire les ongles et la crinière.

C'était aussi l'année où j'avais gagné le concours de la meilleure affiche pour la promotion d'un prêt à la Banque Postale : « Avec du flouze tu peux te construire un horizon... avec un vioque, juste ta maison ».

Ce prix m'avait valu l'ouverture d'un livret A et quelques points bonus pour l'achat d'une crêpière party de chez Téfal. Betty m'avait bien précisé avant de m'inscrire:

- Fais gaffe, tu vas dépenser toute ton énergie pour gagner que dalle ! Tu vas bosser pour des clopinettes ! Réfléchis ! La vie c'est pas Mardi gras tous les jours !

Ce mardi est venu à moi, lorsque je m'apprêtais à lever mon verre pour me féliciter du juteux contrat publicitaire que je venais d'obtenir au sein de la communauté européenne pour la relance économique du surplus laitier et vinicole.

Entouré de quelques commissaires venus écouter mon discours sur la disparition inquiétante de la descente au goulot chez les populations les plus pauvres et de la carence en sel chez les plus aisés, provoquant chez les premiers un manque d'enthousiasme et de globules rouges, et une recrudescence de lupus érythémateux à l'approche d'un premier baiser dans les cours d'école chez les seconds.

Diverses études américaine et sondages issus du très célèbre journal 'Mystery, Logic & Reality' étayaient les propos de mon PowerPoint, lorsque Betty, entra par surprise :

- Ah, voilà mon cœur ! Alors ? Que font les sans sulfites ? Que font ces mauvais bougres ?

Betty rentrait d'un workshop Tupperware, d'une réunion extraordinaire de la confrérie des vins d'exception, la confrérie Pineau & Fils, réunie pour la promotion de leur production viticole bio, sentant venir à eux la menace du gros rouge qui tache, le fameux retour du litron étoilés, habillé de mon nouveau slogan publicitaire: "Du Kiravi pour la vie, de la Vache Qui Rit pour les petits !"

- Alors ma chérie, qu'ont-ils trouvé de mieux pour contre-attaquer ma tirade ?

- "Le Pineau par défaut, la Charente maritime à vélo" !

- Et pour tes gourdes ?

- Toutes vendues ! La couleur jaune-orange du plastique leur a plu ! Ils ont dit que ça laissera croire qu'il en reste encore assez dedans pour pédaler jusqu'à la maison sans devoir refaire un plein chez un Leclerc !

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