Le jour du loup

white-hunter

Cette chasse vouée au chamois et au mouflon se déroule dans le Cantal, sur massif du Peyre Arse, tout près du Puy Mary. En décembre 2007

 Entre chien et loup, j'arrive au village. Il bruine par moments sur un sol froid, le ciel est bas. Il caille, c'est nauséeux. Pas de bol, le seul jour douteux de la semaine, et je l'ai choisi. Nous jumelons vers les pentes pour trouver des mouflons, sans succès, puis des chamois, sans succès. Les nuages nous masquent des pans de montagne. Vers dix heures trente, première éclaircie. Ce sera chamois, finalement. Eterlou ou cabri, ainsi en décide le tirage au sort. Cela fait quatre ou cinq fois que nous revenons bredouilles, du jamais vu… Mais aujourd'hui, mon partenaire est décidé à aller loin. Nous attaquons à mi côte, côté Santoire, avec en prime un bracelet de chevreuil qui m'est destiné, si jamais … Notre trajectoire peut nous emmener si c'est nécessaire jusque sous le sommet du Peyre Arse. La neige est juste parfaite, un peu dégelée en surface et compacte, ce qui évite en général de descendre jusqu'au genou dans les accumulations. Je creuse des trace profondes de dix cm au maximum et nous pouvons souvent poser le pied sur des touffes d'herbe émergentes. Nous dahutons dans une zone où l'on pourrait trouver chamois ou chevreuil, sans apercevoir d'animal. Nous allons très doucement. En face de nous, Seycheuse se libère par instants de sa coiffe de nuages. Il devient évident que nous allons devoir aller au premier « ruisseau » ou souvent un chevreuil … Mais il n'y est pas et nous poursuivons.

Le col de Cabre à son tour se libère des nuées et le soleil semble se décider à participer. Tant mieux. La température décolle un peu malgré notre lente élévation et la neige tassée est encore parfaite pour la marche. Et bientôt nous découvrons le cirque du col de Cabre. Nous jumelons en vain. Nous jumelons sous Bataillouse pour trouver une chevrée … Pas un point noir dans la neige. Pas un chevreuil dessous nous non plus, nous sommes damnés. J'ai bien fait de me régaler les yeux du groupe de biches sous Seycheuse tout à l'heure, la montagne paraît vide. Pause céréales, je broute une ou deux barres finement cuisinées, accompagnées d'une eau de source d'un grand cru. « On monte un peu ? » suggère Thierry. Ses bottes ne sont plus toujours assez hautes, c'est bien fait pour lui si la neige y rentre un peu,  je ne parviens pas à le suivre quand même. Mes mollets me brûlent bientôt au bout de trois pas. Mon bâton de marche refuse parfois de s'extraire de la neige. Nous allons vers un rocher et là Thierry suggère bien sur de continuer à monter… Je le maudis et je le suis. Puis, de misère en souffrance, j'arrive deuxième à la crête. Bonne place, second, la place d'honneur. Tiens les paysagistes on enlevé la neige. Le sol est dur comme la pierre. Plaques de sol gelé, glace, neige, soleil. Même pas froid malgré le petit vent. Nous ne pouvons pas aller plus haut, alors … nous allons plus loin. Le sol enneigé est à la limite de la glace parfois, il faut choisir ou poser le pied. C'est beau et nous touchons le Peyre Arse du doigt. Petite pose. Et nous avançons encore … et Thierry se baisse soudain. Je l'imite. Une petite chevrée de quatre ou cinq animaux est à quatre cents mètres de nous, en direction du sommet. Nous tentons l'approche mais aussitôt les chamois détalent. C'est à n'y rien comprendre. Je sursaute soudain.

Un loup est apparu dans mes jumelles, expliquant d'un coup d'un seul le comportement inhabituel de notre gibier depuis le mois d'octobre. Un loup, merde ! Magnifique, évident, il avance tranquillement vers nous qui ne bougeons pas d'un millimètre, il escalade un énorme rocher et se couche dessus, royal. De white à wolf hunter, je fais la transition et il est dans ma ligne de mire à 1750 mètres d'altitude, distance 380 mètres. Et c'est mon anniversaire, en plus … Il y a bien longtemps qu'un cantalou n'a pas eu en joue un loup. Mais il n'y a plus de prime, et je garde ma cartouche, en bon auvergnat.

Le retour sera difficile, selon mes moyens physiques, sur une neige qui a fortement gelé. Nous n'empruntons pas le chemin habituel car il s'avère trop dangereux. A un moment, lorsque nos descendons une congère à quarante-cinq degrés, je prie Diane de veiller sur moi… Puis la neige devient impraticable et je chute sur cette surface glacée, et je m'agrippe de justesse à un piquet de clôture qui passait par là. Thierry me sort de ce mauvais pas puis part chercher mon bâton de marche qui s'est échappé. Il ne pourra pas remonter ! Il poursuit donc son chemin par le bas tandis que je chausse les crampons pour les derniers huit cents mètres. Le soleil se couche quand nous arrivons à la voiture.

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