Le jour où je suis devenue féministe
@ Linoacity
Lecteur et confident,
sache que je n’ai pas toujours été une hystérique clito-réac. Heureuse femelle parmi une génération de cousins, je n’ai jamais subi la vile compartimentation des activités, poupées pour la fille, voitures pour les garçons, car mes oncles, tantes et parents sont des gens intelligents. Je vivais donc en totale complémentarité avec le sexe opposé.
Ainsi, dès mon plus jeune âge, coups de tatane, Lego, accrobranche et autres Mécano ont enchanté mon quotidien. Dans la cour, j’étais la plus grande, et en petite section déjà on venait me chercher pour jeter des cailloux aux grands à travers le grillage. Tant de raclées rondement administrées ont eu vite fait de me conforter dans l’idée que, fille ou garçon, ce qui compte dans le rapport de force c’est le nombre, la rage, et la grosseur du caillou.
Forte d’une moyenne générale frisant le sans-faute, serrée de près par ma copine Tiphaine (ou peut-être était-ce l’inverse…) et loin devant Pierre-Yves, bon troisième, j’étais convaincue qu’être une fille offrait toutes les garanties intellectuelles nécessaires à la compréhension du monde, du moins tel qu’il était présenté en CP.
En enfant studieuse, c’est avec impatience que j’attendais le dénouement du cours d’histoire sur la Révolution, espérant ardemment la victoire du prolo sans-culotte sur le fieffé curé et le noble emperruqué confits dans leurs privilèges de classe, mais n’osant trop y croire. Or, quelle ne fut pas ma déconfiture à la conclusion du maître d’école. Voici comment notre instituteur termina la leçon:
« Et c’est le début du suffrage universel. Ca veut dire que tout le monde compte une voix. Et le Tiers-Etat, c’est beaucoup de voix, qui n’avaient jamais compté! Le suffrage universel, c’est l’égalité. Comme dans la déclarations des droits de l’homme et du citoyen. Comme dans la devise de la France. Après la Révolution, tout le monde a le droit de vote. Enfin, tout le monde sauf les femmes. »
Air triomphant du maître. Murmures extasiés dans l’auditoire. Stupeur dans mon univers. Je me manifeste timidement.
« Mais, Maître, pourquoi les femmes elles ne votent pas, elles ont pas fait la Révolution?
_ Si, mais les hommes pensaient qu’elles n’étaient pas assez intelligentes. »
Ouverture des cahiers, copie de la leçon: « Tous les hommes sont égaux, le Tiers-Etat obtient le droit de vote, c’est la fin des privilèges grâce au suffrage universel. » Point final. Le Maître ne condamne pas, le Maître ne s’indigne pas. Les garçons ricanent. J’en ai les oreilles qui chauffent de honte! C’est quand qu’on l’écrit, que 50% de la population reste privilégiée par rapport aux 50 autres? Jamais. Mon école, qui défend les opprimés, qui m’enseigne la tolérance et le respect, ne juge pas utile de constater mon existence. Les petits garçons n’ont pas à apprendre par coeur la suite du combat, celui où les femmes gagnent aussi.
Voilà comment, à 6 ans, j’ai compris que ce serait à moi de réclamer mon histoire et refusé la leçon du « maître ». Au vu des moyens de pression à ma disposition, ce fut de loin mon plus gros acte militant.
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il a fallu deux milles ans pour libérer les hommes et seulement cent ans pour celle des femmes , cent ans de trop surement, mais sans combat on ne gagne jamais et il ya encore du boulot pour les femmes voir pièce jointes plus les autres
· Il y a presque 12 ans ·franek