Le linguiste

Hervé Lénervé

Après le « d’où parles-tu, toi ? » Du sémiologue Roland Barthes. Le « comment ça parle ? » Du linguiste Ferdinand de Saussure. Sans compter le « éh ! Comment tu me parles ? » De la mère à son enfant.


Nous, qui jouons avec les mots, comme d'autres jouent aux osselets ou pire encore au tiercé, il fallait bien qu'un jour, un linguiste distingué s'en mêle pour nous saouler de sa science qui n'en est même pas une.

 -        Le mot est un signe linguistique !

-         Merci, docteur, jusqu'à présent, je suis.

-         Un signe arbitraire.

-         Ne m'embrouille pas !

-         Arbitraire, car il n'a pas de référence analogique avec ce qu'il veut désigner. Seul le symbole, en linguistique, est un signe motivé. Il possède une analogie directe avec son signifié, par exemple un panneau de signalisation routière qui représente un virage à droite puis un autre à gauche est un symbole en linguistique.

-        Admettons, docteur !

-     Si dans une langue « chat » entendu et « CHAT » écrit signifient le petit félin. Le signe chat ne rappelle l'animal en rien, sinon par un apprentissage, celui du français.

-         J'aime bien les chats, tu ne pourrais pas prendre du chien, plutôt, car je sens qu'on va encore les martyriser, comme ils le furent de tous temps à travers l'Histoire.

-         Allons y avec « chien » chat marche aussi bien. Donc, le son entendu ou le dessin calligraphié « chien » éveille chez nous le concept du chien. Toute la connaissance que possède un individu sur le chien.

-         Un cynophile en saura plus sur le sujet qu'un cinéphile, alors ?

-         Bien sûr, chacun fait avec sa connaissance propre du mot.

-         Et pour les noms propres ?

-         Pareillement ! Balzac pour un thésard qui a soutenu sa thèse sur son œuvre, en connaitra plus que celui qui ne l'a jamais ouvert.

-         Quand j'étais gamin, j'avais vu dans une librairie, un gros bouquin où était écrit en gros dessus : « Honoré de Balzac ». En primaire, une instit, dont j'ai même oublié, si elle avait un beau cul, demanda à la classe.

-     Qu'écrivait Balzac ?

Moi, qui d'habitude ne la ramenais jamais, m'entendit répondre. « Des honorés, madame ! » Ça ne l'a pas fait rire du tout ! Ce n'était, d'ailleurs, pas mon intention dans mon innocence d'enfant. Je fus gardé en retenu pour impertinence. Il aurait fallu qu'elle m'explique le terme, car mon concept « d'impertinence » était vide comme mon cartable.

-         Reprenons, si vous le voulez bien, monsieur Lénervé !

-         Je me tais ! J'ai pas envie d'être en retenue.

-         Le signe linguistique est comme une pièce de monnaie avec un recto et un verso.

-         Ou l'inverse ?

-         Pas d'impertinence ! Du côté pile, le signe écrit ou entendu, du côté face, ce à quoi il renvoie, le sens. Pile ; le signifiant. Face ; le signifié.

-         Pas facile à se rappeler.

-         C'est vrai la confusion entre les deux est fréquente. Après un temps d'apprentissage, ces deux côtés ne font plus qu'un dans notre pensée. L'évocation de l'un, renvoie immédiatement et irrémédiablement à l'autre et réciproquement, par retour de politesse, sans nul besoin d'effort de traduction. Le signe linguistique a été admis comme un tout indissociablement lié. Nous parlons, nous écrivons ainsi. Voilà ce que Ferdinand de Saussure disait du signe linguistique.

-         La vache ! Ça le branchait tant que ça le petit Ferdinand ! Il n'avait rien de mieux à faire, il n'aimait pas tripoter les filles de son village, peut-être ? En Suisse, son instit qui avait un beau cul, elle, lui disait toujours : « Saussure ! Rattache tes saussures ! » Oui ! Elle avait un beau cul, mais elle zozotait un peu, seulement quand elle parlait, cependant.

-      Ce n'est pas un peu finit, vos commentaires désobligeants !

-      Pardon ! je ne le ferai plus !

-  Donc, comme je disais avant d'être prestement et goujatement interrompu, Chomsky distinguait trois caractères pour posséder une langue.

-         Ah, on passe de de Saussure à Chomsky à présent, ce sont les montagnes russes, ma parole ! Chaussé pour le ski.

-         C'est très mauvais ! Je continue, premièrement, un caractère de compétence, qui donne la possibilité de comprendre des phrases jamais lues ou jamais entendues. Deuxièmement, un caractère de performance pour émettre ou écrire des phrases toutes aussi novatrices et troisièmement, un caractère de grammaticalité qui fait qu'une phrase sans réel sens sera comprise si elle respecte les règles grammaticales de la langue. Par exemple : « Il avala sa tête. » chose relativement ardue, quand on a une petite bouche. La phrase reste compréhensible au-delà de son impossibilité.

-         Il y en a qui avale bien des couleuvres.

-         Je crois avoir sonné à la mauvaise porte. Je perds mon temps avec vous, monsieur Lénervé! Je vous laisse. !

 Oh ! Dommage, c'était marrant ton truc. J'allais apprendre la meilleure façon de parler, mais tant pis et quitte à être brouillés, brisons là, l'ami ! Cassons les codes de notre communication et la prochaine fois avant de sonner, lit attentivement le nom du locataire avant de « locuter ». Si « Hervé Lénervé », change de travée et va toquer à côté ! Adieu Monsieur le linguiste !  

  • Pour ta poussée de fièvre, un seul remède: Visionner une heure de "Lapins crétins". Si c'est bon pour les enfants, c'est forcément bon pour toi. Après finit les tourments linguistiques. La zénitude de la méduse.
    question: si ton chat est une femelle, le signifiant soumis à une interprétation de type freudienne n'entraine-t-il pas une altération dans la compréhension de ta démonstration;

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Default user

    Christian Le Meur

    • Pas le moins du monde ! Comme Freud avait compris que les mots trahissaient ses propos, il inventa son glossaire psychanalytique. Le chat au féminin devient chatte en français et sujet à des associations salaces. En allemand l’interprétation n’existe pas. Merci de ton commentaire pertinent.

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo rv livre

      Hervé Lénervé

Signaler ce texte