Le loft

tina_muir

Concours ScoreVisit - Le Logement Parfait

Sitôt entré, on lève le nez. Les voliges sont à 8 mètres. Quand même. Il faudra des échafaudages mais rien de bien méchant. L'entrepôt est soutenu par une charpente en bois ambré couleur whisky (30 ans d'âge). Certaines des poutrelles d'acier, d'un noir d'encre, sont piquetées de rouille mais ça se rattrape. Non, ce qui frappe surtout, c'est la lumière. Traversante, zénithale, elle exploite une tuile transparente du toit, la fenêtre cassée, cette fissure dans le mur, pour entrer. Exposition plein Ouest. Le potentiel est énorme. Tout est à faire. Mais la lumière est là. Et c'est elle, plus encore que l'espace, qui remporte la décision d'achat.

Réhabiliter un bâtiment industriel vieux d'un siècle implique responsabilité et sensibilité. Il faut composer avec son histoire, accompagner son passage dans le 21ème siècle, sinon il y aura désaccord. C'est pourquoi on fait tout pour que ça fonctionne. Des mois durant. Et après maintes embûches, réflexions, compromis, trouvailles, le résultat est là.

C'est une boîte dans une boîte. Un bateau. Avec ses cabines, son puits de lumière intérieur autour duquel tourne la coursive principale, ses garde-corps, son pont promenade vitré et ses compartiments rendus étanches par 8 cm de mousse isolante projetées aux sols, murs et plafonds. Au Canada, ils en ont 10 ! On savoure le bilan thermique en A. Maison passive, le mot est prononcé. Quoi d'autre ? Ah, oui. Des panneaux solaires, la récupération des eaux de pluie, partout du bois estampillé exploitations raisonnées.

A l'intérieur, le silence. Combiné à la mousse, le double-vitrage bloque l'invasion du bruit de ce très recherché centre-ville. Sécurisé, il floute par endroits ou laisse passer la lumière. Tous les angles de vue ont été étudiés pour préserver l'intimité du lieu. Seule la lumière est autorisée à entrer, pas les regards indiscrets. De l'extérieur, rien ne laisse soupçonner le trésor qui se cache. La façade est délibérément restée dans son jus. Pour les invités, la surprise est totale. La ruine contient un palais.

Les deux plateaux - rez-de-chaussée et 1er étage - sont complémentaires mais distincts. Pour faciliter le repos et encourager la concentration, chaque espace a sa fonctionnalité propre. Une confusion des usages troublerait l'harmonie.

En bas, on trouve le garage, l'escalier structuré en 3 paliers successifs pour décomposer l'effort, la buanderie, le jardin zen, l'appartement privatif des invités. Et puis l'ascenseur. L'ascenseur ? Oui. En prévision des vieux jours. Mais pas seulement. Plus qu'un élévateur, c'est un sas de décompression. Dix secondes et la coupure est faite. Voilà. On a fait du bon boulot, maintenant on peut se détendre. Option farniente dans un hamac tendu sur la petite terrasse intérieure en continuité de la chambre - en été, lumière sans chaleur, en hiver, bain de soleil à l'abri du froid (technique ancestrale du chat). Ou bien relaxation dans l'Ofuro, le bain japonais chauffant. Après un petit passage par la salle de bain - pour faire court à son sujet : lumineuse, pleine liberté de mouvement, double-vasque et douche à l'italienne -, direction la cuisine. A la fois ouverte et isolée du salon par un jeu de cloisons blanches inspirées de l'origami, elle est fonctionnelle et discrète. Un linéaire de travail, des tiroirs sur-mesure, une profusion de placards. Dissimulés, pivotants, optimisés. Ces stars de l'intérieur sont partout. Les portes, elles, sont anecdotiques et coulissantes. Le ménage d'un sol uniforme et de plain-pied, sans barre de seuil, est une partie de plaisir.

Et qu'en est-il du chauffage ? Une domotique simple commande les radiateurs électriques pour un équilibre thermique à moindre coût. Pas besoin de plus. Le charme du feu de bois, ce sera chez les amis. Cerise sur le gâteau, on enregistre la même température d'une pièce à l'autre. Toute l'année. C'est là l'astuce finale. Le puits de lumière central est également la colonne vertébrale d'un imperceptible vortex qui distribue et renouvelle l'air en permanence au moyen d'un astucieux différentiel d'isolation sous le toit. Ventilation naturelle et gratuite. Adieu climatisation réversible et moisissures. L'air entre et repart vers la toiture aux tuiles remplacées par des plaques de tôle encastrables. Plusieurs tonnes en moins. La charpente métallique dit merci. Nous aussi. Pour tout.

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