Le manque

nrik

Dans le cadre du concours "Le poète amoureux", à propos du tableau La lettre d'amour de Jean-Honoré Fragonard.

Tu manques à sa vie.
Comme le fil à l'équilibriste, dans la balance des relations, on dit pourtant que les amants jamais ne se rencontrent. Ils ne se séparent pas non plus. Ils sont comme déjà contenus l'un dans l'autre. 

Tu manques à sa vie autant qu'il aimerait te fuir. Car tu es en lui autant qu'il est avec toi. Il aimerait ta promesse de ne pas en partir. Comme l'empreinte ineffaçable d'un fantasme facile. Comme le parcours d'un fantôme, habile, juste là, au creux du ventre. Passé par la tiédeur des absences qui abondent dans sa gorge. 

Tu manques à sa vie. Cette vie qui l'angoisse et que seul le sommeil apaise. Car il n'y a rien au-dessus des rêves. Pas même leur réalisation dans l'immensité froide et matérielle des m'as-tu vu. Des m'as-tu su. Des m'as-tu déjà été.

Partout où il se rend, il ne se sent jamais vraiment nul part. L'ailleurs est un infini qu'il ne peut pas concevoir. Hors de ton image, il ne se figure rien. Car le vide est aussi satisfaisant, s'il n'y a rien pour le remplir. Petit à petit même les mots s'effacent à la sortie de sa bouche. 
Inévitablement, il manque à sa vie. 

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