LE MARIAGE DE SHEITANA

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- LA ROBE -

Le mariage de Sheitana et de son tendre élu avait été organisé sans qu'elle puisse ni donner son avis, ni proposer une simple idée… de la petite cuillère au bouquet, tout avait été choisi… sans elle.

Un jour, on la demanda pour essayer sa robe.

« Essayer MA robe ? Je ne l'ai même pas vue ni aucune mensuration n'a été prise ! Comment puis-je l'essayer ! »

Encore une fois, à son petit étonnement, elle se trouva sur le fait accompli.

Les femmes avaient décidé de ce qu'une robe devait être pour elle… alors, elle les suivit. Elle se retrouva dans une pièce aussi déstabilisante qu'un palais de glaces que l'on peut trouver à la foire. Elle regardait par terre pour voir d'où venait la dame avec cette brioche blanche, brillante dans ses mains.

« Une brioche ? Je vais devoir me déguiser en brioche ? Saupoudrée de sucre cristallisé ? Je vais être appétissante comme ça ? Une cerise en guise de coiffe peut-être ? »

La femme lui lança un regard électrique ce qui fit plaisir à Sheitana… elle se régalait de ses piques… en même temps, c'était sa robe !

« Me regardez pas comme ça ! Ce sera très utile ! Je pense qu'il doit avoir les crocs depuis le temps… faut dire que je les ai moi aussi ! Depuis que nous attendons de passer à table ! Je vous assure que 44 kg de perdus… c'est que je n'ai pas beaucoup mangé ces derniers temps… et j'ai très faim ! Il sera habillé comment ? En banana split, j'espère ! J'adore les bananes ! Encore plus quand elles split ! »

La femme dont les grands yeux bleu ciel étaient écartelés, comme si Sheitana avait planté ses griffes dans sa chair, lui cracha à la figure : « Tu es odieuse ! La femme la plus odieuse que je connaisse ! Et je t'assure que j'en ai croisé des entêtées et des obstinées… mais aussi désagréables que toi… Jamais! Tu ne mérites pas ce mariage, ni cet amour ! Tu mériterais de mourir vieille fille ! »

« Fermer sa gueule, c'est de l'Amour ou de la connerie ? Accepter pour l'autre, c'est de l'Amour ou de la connerie ? Tu as raison… On prendra le thé ensemble, et nous parlerons de nos fin de vies poussiéreuses… Personne n'a jamais voulu te dépoussiérer toi ? J'emmènerai les biscuits que tu croques dans quelque chose de pas trop mou !»

Sa nouvelle amie avala sa salive de travers… et le geste aussi vif que l'esprit lui colla une gifle.

Sheitana redressa les épaules, apaisée par la colère de cette vielle peau. Contrairement à ce à quoi elle s'attendit, elle enfila la robe, l'essaya… elle lui allait comme un gant, et elle reconnut qu'elle était très belle… « Il manque un petit quelque chose… va falloir que je la personnalise ! Juste un petit truc ! On la garde telle quelle ! Mais il faut que j'y ajoute quelque chose de personnel ! Vous me le permettez ? »

La vieille peau la regarda avec un immense sourire, elle avait travaillé sur cette robe et dirigé les troupes qui menèrent à bien l'opération pour ce mariage. Avec un doux sourire, elle s'empressa de lui demander : « Pas de coups de ciseaux ? Tu me promets !! Elle restera telle quelle !? Tu ne la modifies pas, la coupe est parfaite, elle tombe comme il faut, les pierres ont été cousues une à une par les petites mains de Chanel, le voile vient de Bruxelles… tu ne vas rien modifier ? Promets-moi ! Juste tu ajoutes un petit quelque chose… un PETIT. »

Sheitana lui sourit à son tour. Mamie était très âgée, et il ne fallait surtout pas la brusquer ! « Oui, juste un petit truc ! Promis ! Je ne voudrais pas que vous mourriez avant que j'ai traversé l'église, se serait indécent !... je ne toucherai ni la coupe ni rien de ce dont vous m'avez parlée, je n'enlèverai rien non plus… promis. Juste un petit détail pour faire ressortir la couleur de mes yeux et de mes cheveux. Un truc de famille… rien de bien méchant ! » Elle cligna des yeux pour amadouer la vieille.

Elle se déshabilla lentement pour ne pas abimer la robe… puis alors que tout le monde se félicitait de ce travail minutieux, elle prit le carton dans lequel la robe ait été soigneusement pliée. Chaussa en dernier ses escarpins et commença à partir. Puis s'arrêta net à l'entrée du palais de glaces. Elle resta un moment immobile, ses épaules qui bougeaient comme si elle sanglotait… elle se retourna, ses cheveux volèrent autour d'elle… Souriant avec une satisfaction désagréable, la langue coincée entre ses dents, telle une vipère, elle siffla : « Ho ! Pour aujourd'hui, il y a deux choses à ne pas oublier : 1 – c'est encore mon mariage ; 2 – il ne faut pas dire « jamais » car Dieu se plait à prouver le contraire à ceux qui le prononcent !... Pour le 3, on se retrouvera le Jour J ! Tu n'oublieras pas, je te l'assure ! En attendant, merci pour la robe ! Elle est presque parfaite ! J'adore ! »

 

A suivre...  .°°°

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