"Le mec de l'underground"
le-mec-de-lunderground
« Ma bite était coincée dans la porte cochère depuis 3 jours et je commençais vraiment à avoir les crocs ».
L’idée m’est tombée dessus comme la pomme sur la tronche de je ne sais plus quel bouffon. C’était une putain de punchline mais je ne voyais pas ce que je pouvais raconter ensuite. En plus, ça ressemblait à du foutage de gueule, pas à une histoire sérieuse et underground. Du coup, j’ai décidé d’activer mes synapses et j’ai barré cette phrase à la con. Une demi-heure pour chier que dalle. Ça m’a foutu les boules et je me suis dit que si je continuais dans cette voie, il ne me restait plus que la magouille ou le Cambodge.
La serveuse m’a apporté un litron d’Heineken et Malo Kid a débarqué dans le rade avec des yeux injectés de sang.
-Sale nuit ou tu viens de t’fonceder ? Je lui ai demandé en plein tchèk.
-Les deux !
-Putain, t’as d’ces cernes mon enfoiré !
Il s’est postiché en face de moi :
-Je sais. Bon, ça va toi ?
-Sans plus. Les fils de pute d’éditeurs donnent pas d’news, ça m’casse les burnes, t’as même pas idée.
-Les enculés ! Tu vas faire quoi du coup ? Rappelle-les !
-Nique leurs mères ! Y m’faut un peu d’thunes et j’me publie moi-même. Après j’bicrave ça dans les souterrains, dans le métro, au bois, à Phnom Penh… Partout où c’est possible et sous le manteau, en mode underground. Après quand ça deviendra un best-seller, ils iront chialer, ces bobos d’merde.
-J’avoue !
-Les mecs ils viennent te bouffer le zguègue, ils t’parlent verlan et tout alors qu’ils ont des tronches de vendus et quand ils t’ont bien saucé avec des gros mythos, ils disparaissent comme des ninjas.
-Trop d’bâtards !
-Pire ! Ils connaissent que tchi de l’underground, après ils vont t’faire des corrections pendant 12 piges et t’donner des conseils pour qu’ton bouquin ressemble à une soupe. Eux, c’est juste le fric, point barre ! Des vendus !
-Des chélas !
-Des collabos !
-Des harkis !
-Grave ! Des gros fils de fille de joie !
J’ai demandé un verre en plus à la serveuse et on s’est mis à pillave tranquillement. Il faisait archi beau et j’allais proposer à Malo Kid une mission « street by night » quand cet enfoiré m’a devancé :
-Mec, j’ai un plan pour toi si t’es chaud.
-C’est quoi ?
-C’est un truc bidon. C’est l’cousin d’un pote, il habite à Bruxelles et il vient sur Paname. Il cherche un mec pour l’guider dans la face cachée d’Paname.
-Rien pigé !
-Le belge, il veut juste un mec pour lui présenter le Paris Underground. Tu sais, l’genre de trucs souterrains. J’ai pensé à toi direct, y a pas meilleur guide.
Tiens, guide ! J’avoue, je n’y avais même pas pensé mais c’était typique le genre de taf qu’il me fallait. Monter un site à l’arrache et proposer à des touristes des circuits undergrounds. Le frolo m’avait donné une pure idée.
-Et il débarque quand, ton bouffeur de patates ?
-Demain en fin d’aprèm, et il repart le lendemain.
Demain. Trop la flemme.
-Ah ouais, lurdoc mon pote ! S’il cherche de l’underground, pourquoi il reste pas à Bruxelles. Il n’a qu’à trainer Rue D’Aerschot ou dans les soirées puto-wallones. Dix fois plus underground ! Paname, ça croundave la merde !
-Bon, si tu veux pas j’vais l’faire moi-même. En plus c’est payé, le mec il lâche un bif et il t’régale toute la nuit.
-Laisse tomber, j’m’en occupe !
*
Je sais que ça ne se fait pas mais j’ai toujours eu au fond de moi cet à priori que les belges étaient teubés. C’est à cause de nos blagues sur ces cons, à force d’en sortir on y croit dur comme fer. Du coup, quand j’ai vu arriver le Bruxellois, je n’ai pas pigé. Un vrai mec du terre-terre, sapé d’un zip à capuche et d’un survêt de scarla. En fin de compte, c’était peut-être juste un pointeur.
-Salut ! Moi c’est Jordy ! Il m’a fait en me serrant la main.
Jordy. « Dur dur d’être un bébé ». Dur !
-Salut !
-C’est quoi ton nom ? Il m’a demandé.
-Oublie !
-D’accord ! Bon, on fait quoi alors ?
-Tu m’suis ?
-C’est parti !
On a longé la Rue de Rivoli jusqu’au squat des artistes et on est entrés dans l’immeuble flingué, accueillis par une sculpture en carton, mi-humaine mi-porcine. De la merde ! Je sentais vraiment que j’allais me faire chier mais bon, ça ferait plaisir au belge.
J’ai éclaté une garo et je l’ai laissé visiter le boxon. Une fois qu’il se serait tapé la panoplie de photos de fesses, les peintures abstraites, les mochetés en PQ et les fantaisies en tout genre, j’aurais gratté une bonne demi-heure sur la soirée. « Qu’il prenne son temps », j’ai pensé. J’ai halluciné sur un cendrier en forme de bouche puis mon regard s’est posé sur une belle gosse style « Woodstock et compagnie ». Belle gueule et bonne, même si je n’ai jamais kiffé les roots. J’étais à deux doigts de la chiner quand Jordy est redescendu :
-Tu montes pas ?
-Nan, c’est bon. J’connais.
-Ouais pour moi aussi, c’est bon.
A peine cinq minutes. L’enfoiré !
-Quoi ? Déjà ? Ça t’a soûlé ?
-Ouais. Ça m’emmerde ce genre de trucs.
J’ai réfléchi deux secondes à ce que je pouvais lui proposer.
-On peut aller à Stalingrad. Y a un terrain vague avec plein d’types qui posent des graffs et des tags. Sinon pas loin d’ici à Diderot t’as l’Alternation, un hangar de concerts punks et redskins.
-Ouais, en fait tout c’qui est « Art » ça m’fait un peu chier. T’as pas du vrai underground, je cherche de l’adrénaline moi. En fin de compte, peut-être qu’on allait bien s’entendre.
*
J’ai proposé à Jordy de pointer sur Pigalle en métro mais il a préféré payer un tacos. Il avait des lovés, l’enfoiré. Le tacos nous a déposés sur le Boulevard Rochechouart à minuit pile poil. Bon, qu’est-ce que j’allais lui proposer à ce narvalo ? Le Sexodrome ? Nan, trop classique, les sex-shops. Le Moon City ? Trop gentillet avec ses décors de poundé, et en plus blindé de couilles. Le cinéma porno ? Ça pouvait lui plaire mais mon pif ne supporte pas l’odeur du foutre. J’ai fini par me décider.
Le Pussy Bar. Il allait kiffer. On a pris une rue sur la droite, passé le sauna de pédés, le premier bar à hôtesses, le second, puis on est arrivés devant le trocson à la devanture noire, à l’inscription « club privé » et à l’indication « établissement fermé ».
-Merde ! C’est fermé ! M’a fait Jordy.
-Nan nan, t’inquiète !
J’ai tapé à la porte trois fois comme un bourrin et on a attendu quelques secondes avant que Zyed nous ouvre la lourde. J’ai claqué la bise au videur, longtemps que je ne l’avais pas vu.
-Salut Zyed, tu vas bien ?
-Ça va tranquille ! Ça fait au moins une pige que j’t’ai pas vu, mon pote.
-Le taf mec, le taf. Ton frolo est sorti ou quoi ?
-Nan, toujours en calèche !
-Les rats !
-Pire !
-Et toi sinon ? Toujours dans l’free ?
-Toujours ! J’ai eu un combat la semaine dernière à Amsterdam.
-Et alors ?
-Défoncé dès le premier round.
-Tu l’as marave ?
-Nan, c’est lui qu’y m’a marave.
-Dur !
-Ouais ! J’ai pas vu l’kick venir, alors qu’j’suis sur que l’gars j’le bousillais.
-Mais ouais, t’inquiète, la prochaine fois tu l’pulvérises. On peut entrer ?
-Carrément, allez-y !
On est montés à l’étage, la petite discussion avec Zyed venait de me donner une idée. J’ai demandé au belge si ça le sauçait de voir des combats clandés dans un spot de manouches mais il m’a répondu « ouais, bof, sans plus ». Relou ! J’y serais bien allé, moi.
On a passé le rideau bleu, un mec à une table se faisait fluter par une nouvelle et Vickie se trémoussait à poil sur l’estrade en toncar. En me voyant, elle m’a envoyé un kiss et s’est cambrée en avant pour me montrer son tarpé. Une vraie chienne ! Avec le belge, on s’est postichés sur un canapé et une meuf que je ne connaissais pas s’est assise à ma droite en posant sa paluche sur ma cuisse :
-Salut beau gosse, tu m’offres un verre ?
-T’as vu ma gueule ou quoi ?
-De quoi ?
-Est-ce que j’ai une tronche de japonais ?
-Pourquoi tu dis ça ?
-Nan mais réponds ! J’ai une gueule de touriste ou quoi ? Est-ce que tu m’prends pour un bolosse ?
Je ne sais pas pourquoi, cette connasse s’est braquée direct :
-C’est comme ça ! T’es dans un club alors tu consommes !
Ok.
-Tu sais quoi ? Déjà tu dégages ta main, ensuite t’arrêtes de croire que j’sors du cocon ! Ici j’connais tout le monde, alors tu choisis un autre narvalo ou un trimard à michetonneuses. T’as l’droit d’te casser maintenant.
Elle s’est levée :
-Branleur ! J’y suis pour rien si t’es impuissant.
Bouffonne ! En fait je n’avais rien contre cette racli, c’est juste qu’à moi, on ne me fout pas de disquettes. Ou alors il faut vraiment avoir les arguments.
-Tu lui as dit quoi ? M’a demandé le Belge.
-Rien ! Si une meuf vient t’chiner, dis lui qu’t’es avec moi sinon sans l’savoir tu vas payer trois teilles de champ à 150 dolls.
-Ah ouais, à c’prix là elle m’suce toute la nuit.
On s’est tapés une grosse barre. J’ai pensé « ça va, il est cool ce belge, il est c’qu’il est mais il est cool ». Nadia nous a apporté les consos, une binouze pour lui et six shots pour moi, puis on a commencé à se tizer. Ronnie, le faux DJ de mes couilles, a balancé de l’électro de camés et j’ai commencé à halluciner sur les néons. J’ai même pensé un quart de secondes qu’ils avaient foutu un truc chelou dans mes shooters. En fait nan, les six teq’ pafs étaient partis, j’étais alcoolisé comme un polack. J’ai éclaté une garo et un daron un peu plus loin a rayé une lichette de chnouf sur sa table. Bienvenue au Pussy ! Jordy n’était qu’à la moitié de sa pinte alors je l’ai un peu chambré :
-Putain Jordy, tu représentes mal la Belgique là ! Tize, bordel de merde !
-Ouais !
-Tu veux en niquer une ?
-Nan, ça va. En fait moi j’suis pédé.
Putain…
-Tu pouvais pas m’le dire avant ? J’t’aurais pas emmené là, putain !
-Bah j’savais pas qu’on allait là.
-Bon, tu sais quoi ? Il reste les backrooms genre sauna et gloryhole, ou bien sinon l’bois d’Boubou.
-C’est quoi ça ?
-Le bois d’Boulogne.
-Ah ouais, ça j’connais. C’est comment là-bas ?
-Underground !
-Du genre quoi ?
-Bah j’sais pas, des gigs, des partouzes de pédés et des travs dégueulasses. Et tous les foncedés et les voyeurs qui tournent autour.
-Ouais mais moi j’ai pas spécialement envie d’niquer.
C’était parti, il commençait à me casser les couilles :
-Mon frère, tu veux pas m’dire c’que tu recherches parc’que là tu rends ouf.
-Bah moi j’veux juste de l’underground.
-Bon, t’as pas peur de t’salir ? Si on s’bouge dans les souterrains d’Paname. Une p’tite session catacombes en mode sauvage.
-Ça peut-être sympa. Mais ça pue là-bas nan ?
-Ah ben ouais, ça chlingue vénère.
-Ouais alors nan, si ça pue trop.
J’ai pété une durite :
-Hey gros ! Tu veux pas d’Art, tu veux pas niquer, tu veux pas t’salir, tu veux pas dauber…
-…Nan, m’salir ça m’dérange pas…
-…Sérieux, t’es relou grave !
-Par contre s’il faut s’battre, moi y a pas de soucis.
Je suis resté scotché quelques secondes puis :
-En fait t’es juste un psycho, toi, en réalité.
-Nan mais disons qu’on peut foncer, si y a une dispute, moi y a pas d’soucis.
J’avais rarement vu un blaireau pareil. Je lui ai demandé de régler l’addition puis on s’est natchave. J’allais monter d’un cran. Direction Bezbar.
*
Deux heures et quelques du mat. On a trainé un peu sur le Boulevard puis on a emprunté la Rue de la Goutte d’or. Le quartier était rempli de zombies et avec nos deux gueules de babtous, on faisait un peu lucioles.
-Qu’est-c’qu’il m’a dit ? M’a demandé Jordy à propos d’un rabzouz qui venait juste de l’accoster.
-Il t’a dis « sub-sub ».
-C’est quoi ça, « sub-sub » ?
-C’est du Subutex.
-Ah ok ! On va où ?
-J’en sais rien, on marche un peu, on va bien voir.
-Moi j’aime pas beaucoup les noirs.
Je me suis arrêté, vénère :
-T’en n’as pas ras l’cul d’dire des conneries ? J’en n’ai rien à foutre de c’que tu penses, qu’tu sois pédé, facho ou belge, mais arrête de nous faire galérer et dis moi direct c’qui t’ferait plaisir. Parc’que là, à part changer de spots toutes les deux minutes…
-J’veux juste de l’Adrénaline, moi.
Il voulait de l’Adrénaline. Ce belge de merde voulait de l’Adrénaline. Alors quoi ? J’allais lui caller mon surin sous la gorge pour qu’il soit guèze, ce blair ? J’ai réfléchis deux minutes :
-Tu veux t’défoncer ?
-Ouais, pourquoi pas. Moi j’m’en fous, moi.
D’acc ! J’ai pensé à un plan puis je me suis dis « nan, pas ça », puis « ouais », puis encore « nan » puis en fin de compte « vas-y, nique sa mère, il arrêtera de casser les burnes ». Cette nuit, Jordy se chierait dessus.
*
La Rue Myrha était blindée de fatous à vingt dolls, de gueuches péraves et de gars chelous.
-J’aime bien c’quartier, m’a sorti le bruxellois.
-Ah ouais ? J’croyais qu’t’étais un FAF ?
-Un quoi ?
-Nan, laisse-tomber ! T’as trente euros ? J’te ramène un truc.
-Ouais.
Il allait sortir sa liasse, je l’ai interrompu direct :
-Jordy, putain nan, file-moi ça discret !
-Excuse-moi ! Tu vas où ?
-J’reviens dans dix minutes. J’vais pécho, j’arrive !
-J’peux venir avec toi ?
-Nan, vaut mieux pas ! Attends-moi !
Je me suis barré en laissant le belge en plan devant la boutique des deux feujs puis j’ai passé la porte du 28. Je me suis enfoncé dans le couloir qui chlingue sa mère, j’ai envoyé chier la tartineuse du Tchad qui pensait que je venais pour son cul puis je suis tombé sur le malien. Il était avec trois potes, des karlouches avec des gueules de défoncés.
Le malien m’a téma avec une tronche de vénère avant de griller que ce n’était que moi :
-Ah c’est toi ? Moi j’croyais qu’c’était un keuf.
Je le tchèke :
-J’ai une face de chmit ou quoi ?
Pas de réponse. Un babtou à la Goutte d’or, c’est souvent un dèk.
-Tu veux quoi ? Il m’a demandé.
-T’as du Parano ?
-Ouais.
-File-en-moi !
Il est entré dans le local à poubelles, je me suis retrouvé avec ses trois sos défractés qui me reluquaient comme si j’étais Simon Legree dans La case de l’oncle Tom.
-Lâche-moi une clope ! M’a fait un de ces kékés, un grand mastoc avec des lunettes de soleil, style crackton.
-J’ai pas !
Il a insisté :
-Genre t’as pas ! Lâche une béda !
J’ai sorti mon paquet de Malback :
-Ouais j’en ai, t’as vu, mais j’t’en passe pas ! Qu’est-ce qu’y a maintenant ? Tu vas m’dépouiller ?
Le malien est revenu avec le cacheton avant que la discussion parte en baston :
-Hey, calme-toi frère, j’le connais ! Il a fait à son pote le bouffon.
Je n’ai jamais pu blairer ce genre de fils de putes. Il croyait quoi ? Que j’allais me pisser dessus sous prétexte qu’il était renoi ? Mes seufs ! Il n’avait qu’à crever sur sa pirogue, ce bâtard. J’ai remercié le malien puis je suis retourné voir Jordy. Il tapait la tchatche à une chlague en phase terminale. Je lui ai demandé de lâcher cette pouilleuse et de me suivre.
*
J’ai foutu un coup de chlap dans la porte craquelée puis on est entrés dans l’immeuble.
-J’t’ai dit qu’j’aimais pas les sales odeurs ! M’a sorti le belge en se pinçant le pif.
J’ai fait genre de n’avoir rien entendu puis j’ai pris l’escalier qui montait au premier. C’est vrai que ça fouettait grave la pisse de clodo. Jordy m’a suivi, je lui ai conseillé de faire archi gaffe où il posait les pieds. Marcher sur un clou n’est pas très grave mais se farcir une seringue dans la patte est un autre souci. Parce que les mecs ici, ils carburent à l’intraveineuse et je ne te raconte pas tous les séropos qui trainent dans ce squat de merde.
Il fallait aussi scanner les crevasses dans le plancher, les bouts de verres, de fers et de bois, et toutes les saloperies qui trainaient au sol. On n’y voyait presque tchipette, heureusement que des clandés avaient pris soin d’allumer quelques bougies par-ci par-là.
-Il doit y avoir des rats ici, nan ? M’a fait Jordy.
J’ai posé mon oid sur ma bouche :
-Parle moins fort mec !
On a atterri dans un long couloir puis j’ai décidé qu’on allait se posticher dans une pièce qui ressemblait à une ancienne salle de bain. Un mec pachavait dans un duvet, à côté d’une baignoire pleine d’algues. Le type a ouvert les yeux en nous entendant, je lui ai dit « t’inquiète mon pote ! » et il s’est rendormi.
-J’aime bien ici ! M’a fait le belge.
Cool ! Jusque-là, il m’avait tellement brisé les glaouis que j’étais à deux doigts de le charcler.
-C’est vrai ? Tu kiffes ? Champagne mon gars !
On s’est assis par terre et je lui ai sorti le cacheton de parano :
-Tiens Jordy, avale ça, tu vas voir ce que c’est que l’Adrèn’.
-C’est quoi c’truc ?
-T’occupe !
Il n’a pas réfléchi et il a gobé la saloperie.
*
J’ai comaté à mort, allongé par terre comme un gros tox. Jordy aussi était vautré sur le sol, les mains posées sur ses yeux. Le médoc agissait. Je me suis grillé une tige en pensant à tout plein de trucs : ces salopes d’éditeurs, ma prochaine nouvelle et mon dernier bouquin qui puait la daube. Je me suis décalé un peu en m’apercevant que j’avais le cul sur une capote. J’ai pensé « première fois que je vois une cagoule dans un squat. Déjà ça ne baise pas trop mais en plus les occupants sont plutôt du genre barebackers ».
-C’est glauque quand même, m’a sorti Jordy.
-Tranquille ! C’est le cacheton qui fait ça. Tu risques d’avoir des hallus mais c’est juste des hallus.
C’était buen. Il voulait de l’Adrèn, rien de mieux pour ça qu’un bad dans un endroit bad. Il m’avait fait chier, il allait en bouffer de l’underground.
-Ouais, c’est hard quand même.
-Bien sur qu’c’est hard mon pote, tu croyais quand même pas qu’j’allais t’faire avaler un psilo.
Je me suis remis à cogiter. Il me fallait de la thune, pour m’autoéditer. Il avait intérêt à me lâcher un bon bif, le Jordy, sinon Malo Kid allait trinquer avec ses pistons foireux. J’ai bouffé les peaux de mes mains calleuses puis j’ai maté le belge, toujours allongé sur le dos dans la même position.
-Ça va l’bruxellois ?
Il s’est mis à gueuler.
*
J’ai bouché mes oreilles pendant que l’enfoiré de belge hurlait à mort. Le squatteur qui pionçait s’est relevé d’un coup sec, sans piger. Putain, la merde ! Je devais calmer l’autre débile mais je ne savais pas comment m’y prendre. Un kick dans la bouche ? Nan, nan.
-Jordy, putain, j’vais t’marave, arrête de gueuler !
Ça ne marchait pas.
-Jordy, mec, ferme ta gueule ! T’es défoncé !
Ça ne marchait toujours pas.
-Respire mon pote, ça va passer, tranquille, on s’en bat la race, on est entre potes.
Putain, et dire que j’étais obligé de le sucer, parce que monsieur le bouffeur de patates ne savait pas se défoncer. J’avais le seum. N’empêche, ça l’a calmé et il a arrêté de hurler.
-Respire, mon pote !
Il a fermé sa gueule, je l’ai vu trembler et suer comme s’il sortait d’un entrainement. Je pensais que la tension allait redescendre mais le boucan s’est réinstallé. Il y avait du mouvement, des bruits de pas, des chaises qu’on déplace, des casseroles qui tombent. Ce connard de belge avait réveillé tout le squat de la Rye Myrha. Puis j’ai entendu des voix agressives :
-C’est quoi c’bordel ?
-C’est qui l’enculé… ?
*
J’ai remonté ma capuche, j’ai baissé la tête et j’ai demandé au belge de faire pareil :
-Mec, tu restes les yeux baissés et tu ne relèves pas ta tronche pour regarder c’qu’y s’passe. À partir de maintenant on est des squatteurs, t’as pigé ?
En guise de réponse, j’ai eu le droit à un « d’accord, d’accord » avec une voix tremblante. Putain de merde, il allait se chier dessus. Les bruits de pas se sont rapprochés et des mecs sont entrés dans la pièce. J’espérais juste que l’épave étalée à côté ne joue pas sa poucave.
J’ai entendu un agressif « c’est qui qui gueule comme ça ? Y c’passe quoi ? » mais j’ai refusé de relever la tête. Je ne voulais pas qu’on voit ma couleur de peau. En revanche, Jordy s’est mis à mater comme un blaireau.
-T’es qui toi ? Lui a demandé un des mecs qui venaient d’entrer dans la salle.
J’ai relevé la tête : deux karlouches avec des tronches de cassos se tenaient face à nous.
-Vous êtes qui, vous ? On vous connait pas ! A continué le renoi.
J’ai pris les devant pour lui répondre sur le même ton :
-Quoi ? Il est où l’souci ? Faut une carte de membre pour crécher dans ce squat pourave ? Mon pote tape un bad mais ça va passer, désolé.
-Vous avez d’la meumeu ?
-Nan, que dalle, par contre j’peux dépanner une garo.
-Vas-y, balance !
Je me suis levé et j’ai marché vers le type pour lui lâcher une clope.
-Tiens !
Il a pris la béda :
-Vous avez d’la thune ?
Je n’ai pas aimé cette question :
-Nan, pas un putain d’bif ! On est en galère grave !
Puis la patate de Jordy est partie. Je n’ai pas vu le truc venir, un gros direct dans la mâchoire du renoi, qui s’est écroulé par terre comme une pauvre merde. Je n’ai pas mis trente plombes pour réagir, j’ai dû coucher le deuxième black, d’un kick dans la tempe. L’épave s’est relevée, le belge lui a balancé un pénalty en pleine face avant de se remettre à gueuler comme un psychopathe. Ensuite, j’ai entendu des clébards aboyer. Ça venait de l’étage supérieur. Là, il fallait vraiment s’arracher.
*
J’ai esquivé le direct du belge, je lui en ai foutu un dans l’estomac et j’ai placé une balayette qui l’a envoyé direct au tapis. Il était complètement ouf. Je l’ai relevé puis je l’ai plaqué contre le mur. Une fois, deux fois et trois fois pour bien le tamponner.
-Jordy, tu t’calmes maintenant ! Il faut qu’on s’arrache. Les gars d’ici ne plaisantent pas, ils n’ont rien à perdre, on va se faire bouffer par leurs clebs. Reprends tes esprits, putain d’merde !
Il voulait de l’underground. Ce connard voulait de l’underground. Qu’est-ce qu’il croyait ? Que j’allais l’emmener à Disney ? J’aurais quand même dû couper le cacheton en deux. J’ai tiré cet abruti dans le couloir puis on a descendu l’escalier à tout berzingue. J’ai eu vite-fait le temps de me retourner pour voir qu’un molosse débarquait dans l’étage qu’on fuyait.
-Speede, Jordy !
Au moment où j’ai dit ça, je me prenais les pattes dans je ne sais quel bordel. J’ai dévalé l’escalier à une vitesse phénoménale puis je me suis relevé une fois arrivé au rée-de-chaussée, avec une putain de douleur costale. Une clocharde est entrée dans le squat, Jordy lui a foutu une pêche puis on a tracé. L’enfoiré allait me foutre tout Bezbar sur le dos, avec ses conneries de belge de merde.
-Jordy, la vie d’ma mère, la prochaine c’est moi qui t’la colle.
On a passé la porte d’entrée puis on a tapé un sprint à la Usain Bolt. Une soirée d’enculé !
*
Trois jours que ma bite était coincé dans sa chatte et on commençait vraiment à avoir soif.
J’ai rayé la phrase. Il fallait vraiment que j’arrête les conneries. J’ai commandé une roteuse, j’ai éclaté une clope et j’ai commencé à me poser tout un tas de questions sur ma capacité à pondre un texte à peu près correct : « bon alors, je fais quoi ? J’arrête d’écrire et je me barre au Cambodge ? ».
Malo Kid est arrivé, on s’est tchékés puis il s’est assis à ma table.
-Alors ma couillasse, ça s’est passé comment avec le belge ?
- Ça s’est passé qu’plus jamais tu m’colles avec des cassos pareils. J’ai jamais vu un abruti d’cette envergure et pourtant j’en ai vu des débiles. La vie d’moi, tu diras à ton pote de déshériter son cousin. Déjà moi, j’aurais un zinc pareil, j’me buterais d’savoir que j’ai des gênes en commun. J’te jure, tu sais pas mais c’est pas possible d’être aussi con. Là pour le coup j’suis tombé sur la pépite.
-Ah ouais ? Parc’que lui, il t’a kiffé.
-Ouais, alors il est encore plus teubé que c’que j’pensais.
Malo Kid a sorti une enveloppe et me l’a tendue :
-Tiens, y a deux cent euros du belge dedans. Enfin cent-cinquante, j’me suis pris cinquante dolls de com.
-Tu t’fais pas chier toi !
-Normal, j’t’ai mis sur l’plan.
-Plan d’merde ouais !
-Tu lui as pas dis ton blase, au belge ?
-Nan pourquoi ?
-Tu sais comment il t’a appelé ?
-Nan, vas-y !
-Le mec de l’underground !
FIN
Ok, j'espère pouvoir pondre quelque chose dans pas trop trop longtemps. Sinon, j'ai vu votre site et je kiffe l'ambiance.
· Il y a plus de 11 ans ·Sinon, quand je parlais de club, je parlais des clubs Welovewords. Tu peux y créer des discussions, etc...
drims-carter
Mais justement, ce club comme tu dis, existe déjà, mais c'est plutôt une meute. "La clique de l'underground", consituée de Malo Kid, tonton Pérave; le Black rabbit, Chivas et d'autres encore. N'hésite pas à m'nvoyer ton texte, on n'demande qu'à se faire des potes...
· Il y a plus de 11 ans ·le-mec-de-lunderground
Au fait, tu as créé un événement "Appel a textes Underground", mais tu pourrais peut-être plutôt créer un club des auteurs de l'Underground ou un truc comme ça. Je veux être de la partie.
· Il y a plus de 11 ans ·drims-carter
Merci pour ton commentaire. On va dire que quand j'ai choisi la pouchline j'étais beurré comme un polac.
· Il y a plus de 11 ans ·le-mec-de-lunderground
Excellent !! J'ai adoré ! Mais mais mais... Dans ton cas, ne serait-ce pas l'Underground qui s'invite dans la littérature plutôt que l'inverse ?
· Il y a plus de 11 ans ·drims-carter